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Interview Alain Bernard – Microsoft : « Transformation numérique : les patrons de PME s’impliquent »

Exploiter le big data pour améliorer la relation client, basculer dans le cloud pour des économies d’échelle, optimiser la productivité grâce aux outils collaboratifs… Autant d’enjeux associés à la transformation numérique des entreprises, sous le signe de laquelle était placée l’édition 2015 de la Convergence EMEA.

Pour la troisième année consécutive, Microsoft avait convié ses clients et partenaires à Barcelone dans le cadre de cet événement étalé sur trois jours, du 30 novembre au 2 décembre.

La branche française de la firme était représentée, sur place, par le président Alain Crozier et le directeur de la division Business Solutions Wilfrid Guerit, mais aussi par Alain Bernard, qui chapeaute la division PMI/PME et Partenaires.

L’occasion de revenir avec lui sur la réalité de la transformation numérique en France, à travers le cloud, la mobilité, l’Internet des objets… et la plate-forme Windows.

ITespresso.fr : Voilà quatre mois que le train Windows 10 est lancé. Les PME ont attrapé le wagon ?

Alain Bernard : Je n’ai pas de chiffres exacts à vous communiquer, mais c’est du même ordre d’idée qu’au niveau mondial. En tout cas, l’adoption est plus rapide que pour Windows 7 et Windows 8. Il faut reconnaître que le modèle économique [migration gratuite sur de nombreux postes de travail, ndlr] a pesé dans la balance.

Les PME et les ETI sont globalement plus agiles que les grands clients. Cela s’explique pour partie par la taille de leur parc informatique. Mais d’un autre côté, on a réalisé beaucoup de maquettes avec elles pour les accompagner dans le déploiement.

ITespresso.fr : Comment gérez-vous le cas des entreprises qui font le grand saut depuis Windows XP ?

Alain Bernard : La proportion d’entreprises qui évoluent encore au moins partiellement sous Windows XP n’est pas négligeable : 20 % environ. C’est supérieur à la moyenne mondiale. Les clients français ont vraiment attendu la deadline pour entamer une réflexion.

Plutôt que de communiquer tambour battant à la sortie de Windows 10 le 29 juillet dernier, on s’est mis en mode « back to school », notamment en installant, entre le 5 et le 18 octobre sur le parvis du Centre Pompidou, le Windows Cube. Cet espace a permis au public de découvrir l’OS et de se familiariser avec ses fonctionnalités.

La principale chose à faire avant de lancer la transition, c’est vérifier la compatibilité des applications. Ceux qui sont passés sous Windows 7 ou Windows 8 ont généralement déjà franchi cette étape.

Nos partenaires sont là pour accompagner les entreprises dans cette procédure de tests afin de déterminer quelles applications doivent être adaptées, même de façon minimale. C’est le cas pour environ 20 % d’entre elles.

Du côté des utilisateurs finaux, c’est surtout au niveau de l’interface qu’il faut assurer la conduite du changement. On l’a vu avec Windows 8 : les gens n’avaient pas l’habitude d’un OS « touch ». Le modèle de développement communautaire associé à Windows 10 est moins « disruptif ». Et c’est le même système d’exploitation sur les PC, les tablettes et les smartphones. Ce qui, au passage, facilite la tâche des développeurs. Pratique pour regagner leur confiance, même si on a déjà plus de 600 000 applications sur le Windows Store.

ITespresso.fr : Un OS protéiforme, cela veut dire un espace de travail protéiforme ?

Alain Bernard : Il y a de la place pour tous types de terminaux. Cela dépend des usages. Avec les multiples tendances qui s’entremêlent comme celle des phablettes, je ne peux pas prédire le futur, mais ce qui est clair, c’est qu’on est dans une « révolution du device ». C’est le reflet d’un de nos trois piliers stratégiques : réinventer la productivité.

Cette dimension multi-device, Windows 10 la met en oeuvre avec la fonction Continuum, qui adapte l’interface à l’appareil. L’exemple qu’on donne le plus souvent est celui du smartphone que l’on connecte à un moniteur via une station d’accueil pour recréer un espace de travail de type PC. Les premiers employés concernés sont ceux qui sont en situation d’hyper-mobilité et qui ont parfois une heure à tuer au bureau.

ITespresso.fr : Le cloud est un autre mantra sous l’ère Nadella… Il prend racine en France ?

Alain Bernard : On estime qu’à la fin de l’année, 40 % des ETI auront amorcé le déploiement d’au moins une de nos solutions ; et 25 à 30 % des PME/PMI. Généralement, on commence par du SaaS [Software-as-a-Service], avec Office 365 et la messagerie. Ensuite, la réflexion s’oriente sur Skype, puis SharePoint… et éventuellement le CRM.

La notion de PaaS et d’IaaS [Platform-as-a-Service et Infrastructure-as-a-Service], on l’a à travers les partenaires éditeurs qui s’appuient sur Azure pour développer leurs services de deuxième niveau. Ils sont plus de 10 000 en France. C’est une force pour nous.

Après, il faut savoir relativiser : en l’état actuel, difficile de croire que les entreprises puissent migrer à 100 % vers le cloud public. La notion de proximité reste importante. Beaucoup de clients ne sont pas prêts à mettre un ERP dans le cloud, quand bien même 90 % de ce qu’on développe est justement pensé pour le cloud. Aussi, tous nos produits resteront disponibles pour une installation sur site. On prépare même une offre boîte pour Office 365.

ITespresso.fr : Au-delà du cloud, on peut considérer que la France a bien avancé dans sa transformation numérique ?

Alain Bernard : Je ne dirais pas qu’on est en avance. Certains secteurs sont plus réceptifs que d’autres. C’est compliqué dans le public, surtout au niveau des ministères, bien qu’on perçoive un véritable mouvement vers le cloud dans les collectivités.

Les Pays-Bas, le Royaume-Uni et les pays nordiques sont clairement plus avancés que nous. On va dire qu’on est en milieu de classement à l’échelle de l’Europe. Il y a quand même un phénomène d’accélération notable dans les PME à mesure que les patrons s’impliquent.

Les DRH ont aussi un rôle important à jouer. Ils doivent non seulement faire du numérique un atout pour attirer les talents, mais aussi identifier les compétences émergentes, sans pour autant laisser sur la touche les collaborateurs seniors. Je peux vous dire qu’ils en sont conscients : les discussions sur ce sujet se multiplient, alors que le numérique n’était pas du tout à l’ordre du jour il y a encore quelques années.

ITespresso.fr : L’Internet des objets, buzzword, lame de fond ou les deux ?

Alain Bernard : Le potentiel est indéniable. Mais ce qui compte, ce n’est pas l’objet connecté ; c’est la manière dont on exploite les données qu’il produit, de la collecte à l’analyse en passant par la conception de modèles prédictifs. Le machine learning est là pour automatiser les tâches, mais le métier de data scientist n’est pas pour autant mis en danger, car encore une fois, Microsoft ne crée pas de services.

C’est un peu le jour et la nuit en fonction des clients. Alors que certains ont créé un poste de « Chief Data Officer », d’autres sous-utilisent les données, y compris celles qu’ils possèdent déjà.

Pour revenir sur la télémétrie, Windows 10 a été critiqué, mais il faut se rappeler qu’à tout moment, on peut choisir de ne plus transmettre d’informations. Dans ce cas, bien sûr, c’est difficile d’apporter de la valeur ajoutée en matière de personnalisation de l’expérience par le biais de l’assistant virtuel Cortana. Ce qu’il faut comprendre, c’est que Microsoft s’engage à ne pas monétiser ces données.

ITespresso.fr : Dans le cadre de la Convergence, vous lancez Dynamics CRM 2016. À propos, que devient le dossier Salesforce ?

Alain Bernard : Pour tout vous dire, je n’en sais pas plus. Je l’ai appris dans les médias [ndlr : voir notre article « Microsoft voulait vraiment acquérir Salesforce mais… »].

Qu’il y ait ou non rachat n’est pas l’important. C’est le signe de l’ouverture de notre plate-forme. On ne va pas dire à nos clients : « Désolé, vous avez un CRM Salesforce, donc vous ne pouvez pas utiliser Office 365 ».

Le portage de nos applications sur iOS et Android suit la même logique. Et sur Azure, un tiers des machines virtuelles sont basées sur de l’open source. On l’a aussi vu avec Office 2016, qui est sorti sur Mac avant d’arriver sur Windows.

ITespresso.fr : Puisqu’on parle d’ouverture, quelle est la position de Microsoft sur l’open innovation ?

Alain Bernard : On est toujours aussi fiers de rappeler que comme Talentsoft et Gameloft, Criteo est passé par notre programme accélérateur – c’est d’ailleurs aujourd’hui l’un de nos principaux clients en France sur le segment PME/PMI.

On travaille aussi avec des structures comme Le Village by CA, où nous sommes présents deux jours par mois. Et on (co)organise régulièrement des hackatons. Quant à Satya Nadella, qui était de passage à Paris il y a quelques semaines, il a réaffirmé son soutien à l’écosystème des jeunes pousses et aux écoles.

On veut les aider, parce que ce sont les grands de demain et que la transformation du marché s’accélère [il fait référence aux estimations de Forbes, selon lesquelles l’espérance de vie d’une société du Fortune 500 n’est plus que de 15 ans, contre 75 ans il y a un demi-siècle de cela].

C’est simple : on ne veut pas rater le prochain Criteo ou le prochain BlaBlaCar.

Crédit photo : Microsoft

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