C’est l’exemple type de la start-up française qui a « pivoté » : AntVoice évoluait initialement dans le social marketing et le gaming. Plutôt gonflée : en 2012, elle conseillait même à Arnaud Montebourg (alors ministre du Redressement productif) d’essayer le social dating…
Puis, la concurrence dans l’écosystème Facebook devenant étouffante, elle a décidé de s’attaquer à un autre segment : la recommandation prédictive. Des changements dans le management sont intervenus et l’équipe a été recomposée avec des profils différents et elle a été réduite (une douzaine de personnes contre une trentaine auparavant).
AntVoice édite une solution permettant aux sites médias ou marchands de proposer des sélections personnalisées de contenus ou de produits en fonction des comportements et des profils des utilisateurs. Elle a séduit un bouquet de clients comme Le Figaro, Ticketac, TraceTV, Avanquest, Decathlon, Orange ou Cegos.
La start-up expose le cas de Mister-Auto.com, un des leaders de la vente en ligne de pièces détachées et accessoires automobiles (challenger d’Oscaro.com) avec 20 sites Internet en Europe et une base de 350 000 références produits.
Son CEO Alban Peltier (ex-Microsoft et Looneo) explique comment sa société s’est transformée et comment des services comme Amazon ou Netflix l’inspirent.
(Interview téléphonique réalisée le 22 octobre 2014)
ITespresso.fr : Comment évolue les activités d’AntVoice ?
Alban Peltier : Nous sommes en période d’accélération assez forte sur la partie business. Alors que nous avions lancé notre solution de recommandation en septembre 2013, nous n’étions en mesure de présenter qu’un client à la fin de cette même année. Nous allons passer à 15 clients d’ici fin 2014. Nous travaillons avec des groupes comme Le Figaro, Orange ou Decathlon. Il s’agit de personnaliser l’expérience des internautes soit sur un site marchand soit sur un site éditorial ou un mix des deux.
Nous pouvons gérer à la fois des sites Web pour une consultation sur un ordinateur que des sites Web mobiles. Nous développons une vision 360° de la recommandation sur n’importe quel point contact client, notamment via les outils de gestion de la relation client (CRM). En France, le secteur bouge désormais avec une dizaine de sociétés qui ont pris position sur le marché.
ITespresso.fr : Ce n’était pas le positionnement initial d’AntVoice. Quand et comment avez-vous pivoté ?
Alban Peltier : Initialement, nous étions positionnés sur l’édition d’applications Facebook. Le marché s’est tendu et nous en sommes sortis. Nous avons pris la décision de pivoter complétement l’an dernier : on a stoppé les applications Facebook, on en a revendu certaines [ainsi, AntVoice a cédé ses parts de l’application « Il est Con ce Pigeon » à son ancien partenaire Adictiz, ndlr] et on s’est focalisé à 100% sur la recommandation prédictive.
C’est un grand changement en passant du BtoC au BtoB. Les profils des compétences de l’équipe technique ont été changés : après avoir fait appel à des jeunes développeurs, nous avons recruté des profils plus seniors comme des experts algorithmiques et big data. 18 mois avant le lancement, on a mis un million d’euros sur la table en R&D. C’est un investissement très lourd. Actuellement, nous sommes une douzaine de personnes et les 2/3 sont dans la partie technique.
ITespresso.fr : En business case, vous présentez le cas de Mister-Auto.com. Comment avez-vous intégré votre solution de recommandation prédictive ?
Alban Peltier : Cela a été très rapide dès que le prospect s’est montré convaincu des bénéfices de ce type de solution en termes de business additionnel. On s’était vraiment rapproché de l’équipe de Mister-Auto.com au printemps dernier et le moteur de recommandations a été lancé à la mi-juillet en France. Une semaine plus tard, on lançait le projet sur dix pays couverts par Mister-Auto.com. Et, en septembre, nous avons attaqué dix pays supplémentaires.
C’est une intégration à la fois rapide, fine et globale sur les sites Web de l’enseigne Web. Maintenant, on travaille avec l’accès au CRM pour proposer une expérience personnalisée sur tous les points de contacts de Mister-Auto.com.
ITespresso.fr : Quelles sont les pré-conditions pour que l’intégration soit rapide ?
Alban Peltier : Il y a un enjeu avec l’historique. Plus l’historique est important (12,18 ou 24 derniers mois), plus notre algorithme est en mesure de proposer des recommandations personnalisées et fiables.
Le volume est également important en termes d’audience: Mister-Auto.com, c’est 4 millions de visiteurs uniques par mois sur son réseau de sites. Cela permet d’élaborer un graphe rapide et approfondi de relations. Et ce, malgré l’offre complexe de Mister-Auto.com (son catalogue comprend 350 000 références). Je prends l’exemple des plaquettes de freins : chaque véhicule dispose d’un modèle spécifique avec des contraintes de sécurité en fonction des pays.
ITespresso.fr : Dans quelle mesure avez-vous boosté le taux de conversion de Mister-Auto.com ?
Alban Peltier : on regarde l’évolution en fonction de sélections sur des catégories de produits. L’impact est fort. En deux mois d’exploitation sur Mister-Auto.com, nous avons mesuré une hausse de 350% du chiffre d’affaires généré à travers les recommandations de produits. Si l’on regarde l’impact sur la totalité du business, cela représente 2 ou 3% de business additionnel. Et l’objectif est d’atteindre 7 à 8%. Pour une société qui fait 100 millions d’euros, c’est facile de calculer le gain business.
ITespresso.fr : Chez AntVoice, des modèles de moteurs de recommandation comme Amazon ou Netflix vous inspirent. Pour le cas du service SVoD, qu’est-ce qui vous impressionne le plus ?
Alban Peltier : Pour Netflix, c’est l’intégration profonde du moteur de recommandations dans l’offre globale de vidéos et l’expérience utilisateur est beaucoup plus puissante. Dès ton arrivée, Netflix est en mesure de faire remonter des propositions personnalisées. C’est le message que l’on voudrait faire passer à nos clients : l’expérience de la recommandation est ultra forte. Elle n’est pas à considérer comme une option supplémentaire pour gagner un peu plus. Elle entre vraiment dans le cœur du business. On considère qu’un tiers du business de Netflix est lié à la recommandation.
Des A/B tests laisseraient à penser que la différence d’usage est importante entre un service proposant un moteur de recommandation et un service qui en serait dépourvu. Nous ne sommes plus en phase d’évangélisation comme cela était le cas il y a 18 mois. Nous sommes entrés dans un système d’appels d’offres quasi-constant. Les sites marchands considèrent désormais qu’il s’agit d’un pré-requis pour aller chercher de la marge supplémentaire (2 à 5 points).
Full disclosure : Parmi les investisseurs qui soutiennent AntVoice figurent des fonds comme Alven Capital ou des business angels comme Michel Gotlib (ex-Directeur Marketing et Communication de Coca Cola pour la zone Europe de l’Ouest), Alexa Funès (CEO de MyHomeDesign) et Laurent Delaporte (CEO de NetMediaEurope, éditeur d’ITespresso.fr).
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