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Interview Benoît Picaud – Hopus.net : Iliad-Free soutient fortement notre modèle « TA data »

En février dernier, nous avions découvert Hopus.net, une start-up française qui avait vocation à promouvoir un modèle économique alternatif lié au transit IP. Dans le sens de l’application du concept de terminaison d’appel data : « Celui qui reçoit et achemine des flux sur son réseau perçoit une rémunération, afin que le trafic circule bien. Celui qui émet paie le juste prix pour que son trafic s’écoule dans les meilleures conditions. »

Un système coût/revenus entre opérateurs qui existe déjà dans la téléphonie fixe et mobile. Appliqué à la data Internet, ce modèle est censé respecter davantage la dimension de neutralité Internet et l’égalité entre acteurs Internet que les accords de peering privé (interconnexion) signés entre les puissantes firmes télécoms et Internet se multiplient. On peut le voir avec l’arrivée de Netflix en France qui signe des accords techniques avec certains opérateurs pour fluidifier la vidéo en streaming.

8 mois plus tard, Hopus.net dresse un bilan d’étape : la TA data devient concrète en France et au-delà. Après les tests et la validation du modèle, place au business. Après avoir séduit Orange, SFR et Bouygues Telecom, c’est au tour d’Iliad-Free d’entrer dans la boucle en s’engageant dans ce modèle qu’il encensait. Et même des opérateurs européens comme Deutsche Telekom ont manifesté leur intérêt.

Benoît Picaud, un des co-fondateurs de Hopus.net, explique comment les accords se sont multipliés sous la supervision de la start-up. Et ce, alors qu’une session FRench Network Operators Group (FRnOG, « groupe d’échange d’informations qui rassemble des personnes intéressées par les domaines de la sécurité, la recherche et le fonctionnement d’Internet en France »), se déroule aujourd’hui (17 octobre) à Paris.

(Interview téléphonique réalisée le 15/10/14)

ITespresso.fr : Plus de six mois après la phase de test technique et la validation du modèle, place à la commercialisation. Comment abordez-vous cette nouvelle étape ?

Benoît Picaud: Le service Hopus est officialisé ce matin (17 octobre). Notre modèle est validé auprès des grands et des petits opérateurs et nous allons promouvoir nos valeurs en termes de neutralité et d’efficacité. En termes de business, nous avons réussi à convaincre avec un modèle mieux défini des fournisseurs d’accès Internet de différentes tailles en France et à l’international comme Deutsche Telekom, Swisscom et Belgacom. Et nous avons des contacts relativement avancés avec Telefonica.

Même topo du côté des fournisseurs de contenus : on a pu travailler avec de gros acteurs comme Dailymotion (qui a rejoint Opus pour une phase de test considéré comme satisfaisante) et Online.net (hébergement Web chez Iliad-Free).

ITespresso.fr : Comment avez-vous affiné votre modèle économique ? Et à quels tarifs ?

Benoît Picaud: Il y aura une source de coût fixe par port pour tous les membres : 50 euros le port 1 Gbit/s et 200 euros le port 10 Gbit/s. Ensuite, il existe un système variable de coûts pour ceux qui émettent du trafic IP et de revenus pour ceux qui en reçoivent.

Pour le volet coût, les prix sont environ 20% supérieurs au marché à un niveau proche d’un transitaire de qualité. Les tarifs sont premium car on rémunère les FAI. Il faut supporter cette contribution importante qu’on leur verse. Et un dispositif similaire a été mis en place pour la distribution de contenus. Tous les tarifs sont affichés sur le site de Hopus.

Le circuit tourne avec un système de reversement et de facturation qui a été mis en place pour toute la chaîne. Actuellement, on observe un trafic de 80 Gbit/s qui tourne sur Hopus. En guise d’illustration, c’est l’équivalent d’un disque dur du marché rempli en environ une minute et demi.

ITespresso.fr : Justement, comment assurez-vous la disponibilité de Hopus dans tous les data centers ?

Benoît Picaud: Nous avons également scellé des accords avec deux sociétés – Sipartech et Liazo – pour assurer la disponibilité de Hopus dans tous les data centers à Paris et en France.

On a changé un peu notre fusil d’épaule à ce sujet. Au lieu de viser tous les data centers, nous cherchons à être présents sur les points les plus stratégiques en France et en Europe. Sipartech et Liazo, qui tire la fibre entre les data centers (liens niveau 1), nous permet de démultiplier notre présence dans tous les data centers sans mettre d’équipements actifs au milieu.

ITespresso.fr : Vous êtes parvenu à fédérer Orange, SFR et Bouygues Telecom dès le départ. Et Iliad-Free vous a rejoint depuis…

Benoît Picaud: On commence à être significatif pour le trafic d’Orange en apparaissant sur leurs graphes de monitoring. Alors que Free avait pris une « position conservatrice » au départ (considérant que qu’Hopus devait d’abord faire ses preuves), ce FAI nous soutient massivement désormais : Free est physiquement connecté au réseau Hopus (2×60 Gbit/s). Il est devenu l’un des plus gros membres connectés.

Nous faisons vraiment le tampon entre les acteurs des contenus qui ont besoin de beaucoup de flexibilité et les opérateurs télécoms qui préfèrent les process carré.

ITespresso.fr : Vous avez également renforcé les liens avec les points d’échange Internet…

Benoît Picaud: C’est un axe de développement important de renforcer les liens avec les IX et mettre notre connectivité à disposition de leurs membres. C’est déjà le cas avec Lyonix et Equinix-IX. Nous souhaitons offrir à un acteur qui fait 20 Mbit/s une qualité équivalente qu’un autre qui fait 60 Gbit/s.

ITespresso.fr : Quel accueil vous réservent des opérateurs européens comme Deutsche Telekom, Swisscom et Belgacom ?

Benoît Picaud: Swisscom a fini sa phase de test avec Hopus et nous sommes en train d’établir un contrat. Deutsche Telekom est en phase de test. Avec Telefonica, nous regardons les modalités pour établir ce test via sa filiale O2 en Allemagne. Nous arrivons à étendre notre ambition au-delà de nos frontières. On va se déployer dans ces pays avec peut-être des structures autonomes pour s’adapter aux marchés locaux (Allemagne, Belgique, Pays-Bas voire la Turquie).

ITespresso.fr : Avez-vous observé un modèle similaire à Hopus en Europe ?

Benoît Picaud: Pas à notre connaissance. Il y a eu des dissensions et des luttes entre opérateurs et fournisseurs de contenus. Nous arrivons sur le marché au bon moment avec cette phase de maturité qui va permettre de dépasser les clivages et se fixer des objectifs communs de convergence. Notre profil de petite société neutre qui permet de faire l’interface est bien perçu sur le marché. Nous n’irons pas marcher sur les plates-bandes des FAI en devenant CDN (déploiement de réseaux pour accélérer la diffusion des contenus sur le Web).

ITespresso.fr : On a beaucoup parlé des FAI. Quid des distributeurs de contenus ralliés au-delà du cas Dailymotion ?

Benoît Picaud: On veut embarquer sur Hopus des acteurs qui en ont vraiment besoin. J’ai un autre nom important en tête mais je ne peux pas le citer en l’état actuel. On ne veut pas forcément chasser la belle référence. Il s’agit de toucher un segment qui ne fait pas beaucoup de vagues mais avec laquelle la valeur ajoutée sera très importante.

ITespresso.fr : Vous voulez « chasser » aussi des gros acteurs comme YouTube et Netflix ?

Benoît Picaud: Probablement pas à court terme. Ces acteurs-là disposent déjà d’une force colossale et l’adaptation réseau pour assurer la compatibilité demanderait un certain investissement. Netflix a plutôt intérêt à avoir des relations directes et privilégiées avec les FAI. La valeur business de Hopus ne serait pas énorme pour le service SVoD. Mais j’espère que l’on va grossir et que l’on pourra se poser cette question un jour.

ITespresso.fr : En termes de financement, quelle est la prochaine étape de Hopus ?

Benoît Picaud: Nous n’avons pas besoin de financement externe à court terme. Une levée de n’est pas prévue pour 2015. On verra après pour accélérer le développement. Nous espérons juste afficher de bons résultats pour pouvoir financer les prochains paliers de notre réseau et nous espérons y parvenir sur fond propre. En l’état actuel, nous avons investi environ 200 000 euros pour assurer la phase d’amorçage. Nous restons une petite équipe de 5 personnes.

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