Le Conseil national du numérique, remodelé en début d’année, a rendu au gouvernement sa première recommandation : il faut inscrire dans la loi le principe de « neutralité sur Internet », présenté comme indispensable à la liberté de communication et d’expression.
Des précisions avec Benoît Thieulin, Président du CNNum.
(Entretien téléphonique réalisé le 13 mars 2013)
ITespresso.fr : Comment se sont déroulés les débats au sein du CNNum sur ce sujet ardu ?
Benoît Thieulin : Le groupe de travail dédié du CNNum a pris le sujet au sérieux. Les contraintes de délais étaient un peu compliquées à gérer pour un thème aussi dense. Le groupe de travail a dû travailler en express.
Nous voulions rendre un avis simple et pragmatique et qui tient en compte des contraintes économiques. Nous ne pouvions pas adresser un discours déconnecté de la réalité économique et des enjeux industriels : depuis dix ans, nous avons un marché très compétitif et très performant de l’Internet en France.
Nous avions déjà organisé une table ronde sur la neutralité Internet en janvier. Il fallait trancher et trouver une solution à court terme. Nous n’avons pas organisé de débats ou procédé à des auditions. Car les positions de chaque acteur sont désormais connues. Nous avions organisé en interne un séminaire sur le sujet il y a trois semaines.
C’était un défi et, en même temps, quelque chose d’assez gratifiant pour notre première recommandation. Car le sujet représente un peu la face Nord de l’Everest du monde numérique. La neutralité Internet, c’est un peu la fécondité de ce qui constitue la révolution numérique.
Le fait de parvenir à une position qui a fait l’unanimité au sein du CNNum est aussi un signal fort.
ITespresso.fr : Pourquoi associer la recommandation CNNum sur la neutralité Internet à la loi sur la Liberté de communication remontant à 1986 ?
Benoît Thieulin : Celle-ci venait déjà pour amender la loi sur la Liberté de la presse du 29 juillet 1881. On retrouve aussi des liens avec la loi pour la Confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 qui a été amendée.
En fait, il y a un héritage fort entre ces différentes lois.
Notre démarche a le mérite d’inscrire probablement la neutralité Internet comme un principe à valeur constitutionnelle. C’est la mécanique juridique que l’on propose de pousser.
L’essentiel, c’est quoi ? Grâce à Internet, la liberté d’expression est aujourd’hui un droit mille fois plus pratiqué qu’il ne l’était il y a trente ans. Mais ce droit peut être menacé en raison des restrictions, des blocages, des tentatives de censures, des ralentissements…
La meilleure garantie de ce principe fondateur de l’Internet, c’est de l’inscrire à un niveau relativement haut dans la hiérarchie des lois.
Aux régulateurs ensuite de l’appliquer. L’ARCEP travaille dans ce sens avec l’élaboration d’indicateurs de qualité de services fournis par les opérateurs réseaux. On va pouvoir mieux mesurer l’écart entre le principe et l’application de la neutralité Internet.
Il faudra aussi que la neutralité Internet s’adapte aux nouveaux usages. Avec l’essor de l’Internet en situation de mobilité, cette question va se poser encore davantage pour les réseaux mobiles.
Avec la vague des objets connectés, la neutralité Internet deviendra immanquablement un enjeu.
Il fallait d’emblée se fixer une règle intangible et avancer progressivement. Reste à savoir maintenant si le gouvernement reprendra tout ou partie de ses recommandations.
ITespresso.fr : Pourquoi n’avoir pas élevé directement ce principe au niveau de la Constitution française ? Comme c’est le cas aux Pays-Bas…
Benoît Thieulin : C’est très compliqué car le fait de changer la Constitution est un processus long. Cette hypothèse a été débattue au sein du CNNum. Le Conseil constitutionnel érige déjà des dispositions législatives quasiment au rang de principes constitutionnels.
De notre côté, nous avons fait un autre choix : amender des articles de lois qui, eux-même, ont des principes à valeur constitutionnelle provoquera un effet boule de neige. En érigeant la neutralité Internet comme un principe à valeur constitutionnelle.
Notre moyen est beaucoup plus simple. Nous pensons qu’il y a une certaine urgence à répondre à des enjeux cruciaux et que ce débat devrait prendre une envergure européenne.
ITespresso.fr : La Commission européenne n’a pas l’air très pressé d’ouvrir un réel débat en la matière…
Benoît Thieulin : Le CNNum considère de son côté que c’est un sujet important. Et nous l’avons dit à Fleur Pellerin (Ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, de l’Innovation et de l’Economie numérique).
Par ailleurs, on pousse même la France à prendre la tête pour défendre ce principe au niveau de la Commission européenne et pourquoi pas au niveau du G20.
En fait, nous poussons une lecture extensive de la neutralité de l’Internet à celle des réseaux. Au-delà de la question originelle des tuyaux (opérateurs télécoms, câblo-opérateurs, etc.), il existe désormais des services intermédiaires d’accès et d’orientation aux autres services qui constituent des portes d’entrée. Ce qui est susceptible de générer de nouvelles formes d’entorses.
ITespresso.fr : Le cas du blocage de la publicité de Free (AdGate) constitue-t-il une infraction à la neutralité des réseaux ?
Benoît Thieulin : Oui. Bien sûr. Mais je pense que Free a rendu beaucoup service. En mettant un peu les pieds dans le plat et en montrant que Free avait ce pouvoir de bloquer un service en amont.
Mais, en fait, on se trouve un peu à front renversé et Free a été malin de faire cela. Après tout, qui va se plaindre d’avoir moins de publicité sur son écran ?
Mais il demeure une question de principe derrière : le FAI que l’on paie pour accéder au Net n’a pas à jouer les intermédiaires et les filtres entre l’utilisateur et le réseau. Si l’utilisateur a envie de couper la publicité, cette décision revient à lui seul.
Il existe d’autres cas manifestes en France et dans le monde que l’on a placés dans notre présentation sous forme de slides. Mais on n’a pas cité de marques ou de noms. Nous ne nous inscrivons pas dans une démarche de stigmatisation.
ITespresso.fr : Après la neutralité Internet, quelles sont les prochaines thématiques abordées par le CNNum ?
Benoît Thieulin : La fiscalité du numérique arrive. Notre contribution devrait servir à alimenter les débats sur le prochain projet de loi des finances qui se dérouleront cet été. C’est un gros sujet et on attend des rapporteurs pour travailler dessus.
Puis viendra le thème de la fracture numérique 2.0 (ou e-inclusion).
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