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Interview croisée Keolis + Voyages-SNCF.com: spécial PlanBookTicket

Le groupe SNCF est capable de mobiliser et mutualiser ses ressources IT dans la mobilité. Illustration avec PlanBookTicket.

Lancée il y a dix-huit mois, cette offre de plateforme modulaire de transport multi-modal est destinée à la fois aux voyageurs et aux autorités organisatrices.

A travers son app qui l’accompagne, tout abonné d’un réseau de transport public peut recherche un itinéraire, acheter un titre de transport et le valider.

C’est le fruit d’une collaboration poussée entre Keolis, opérateur de transport public (filiale de Groupe SNCF qui a présenté aujourd’hui ses résultats financiers de l’année 2016), et Voyages-sncf.com Technologies (VSC-T), la branche présentée comme la « digital factory » du groupe ferroviaire.

ITespresso.fr a rencontré ensemble Laurent Kocher, Directeur exécutif Marketing, Innovation et Services chez Keolis, et Franck Gervais, Directeur général Voyages-sncf.com.

Point d’étape sur PlanBookTicket que les deux acteurs présentent comme une couche technologique stratégique sur fond d’usages et de services de la mobilité qui évoluent.

(Interview réalisée le 16 février 2017, avec relecture des deux parties avant publication)

ITespresso.fr : Quel bilan d’étape peut-on effectuer après le lancement de PlanBookTicket réalisé en septembre 2015 ?

Laurent Kocher : PlanBookTicket est une application modulaire « tout en un » (« Plan » pour l’itinéraire, « Book » pour l’achat de titres de transport et « Ticket » pour la validation) que l’on propose en marque blanche pour la ville.

En 18 mois d’exploitation, elle est déployée dans une dizaine de villes en France comme Lille, Bordeaux ou Orléans.

La première fonctionnalité activée est le « Plan » (assistant de mobilité). En guise de réseaux pilotes, on l’a aussi déployé en mode « Book » à Montargis et Orléans. On parviendra à un véritable lancement commercial du niveau « Ticket » dans ces deux villes d’ici début juin.

ITespresso.fr : En coulisse, quels sont les enjeux de développement ?

Laurent Kocher : Le moteur « Plan » d’itinéraires et d’information voyageur a été réalisé par une filiale de Keolis : Kisio Digital (pôle Solutions & Services du Groupe Keolis). Elle a développé le logiciel NAViTiA (recherche d’itinéraires de proximité et collecte de données algorithmiques aboutissant à 5 milliards de requêtes par an), utilisé par la SNCF, le STIF & Navigo et une bonne moitié des régions françaises.

De son côté, Voyages-sncf.com Technologies (VSC-T), qui est également la digital factory du groupe SNCF, a développé le moteur « Book ».

On est en train de s’occuper du problème le plus complexe : « Ticket ». Il faut prendre en compte la validation du ticket à la fois pour les abonnés qui prennent les transports en commun de manière régulière et les usagers occasionnels de passage dans une ville qui prennent des titres à l’unité.

ITespresso.fr : Cela se passe comment pour une métropole à la pointe de PlanBookTicket comme Orléans ?

Laurent Kocher : Dans un réseau comme Orléans Métropole, on peut acheter un abonnement annuel pour la carte Tao ou renouveler son abonnement à partir de son mobile. On évalue le nombre d’abonnés Tao entre 60 000 et 80 000 abonnés Tao.

Tout le process d’adhésion a été dématérialisé : formulaire, pièces justificatives jointes, paiement électronique, autorisation de prélèvement.

A la rentrée (début 2017), 16% des ventes ont été réalisées via la boutique en ligne Tao (dans laquelle seuls les titres chargeables sur carte sans contact – c’est-à-dire exploitant la technologie NFC – sont disponibles).

Pour les 500 000 voyageurs (soit deux fois la population locale) qui passent de manière ponctuelle par Orléans (domiciliés à proximité de la métropole ou des touristes), on souhaite que le réflexe d’utiliser son titre sur son smartphone se développe, sans passer par l’achat physique de titres de transport.

Comment procéder à cette dématérialisation ? Nous allons monter un bêta-test dans les semaines qui viennent. Nous avons retenu un titre dématérialisé sur votre smartphone (compatible Android et iOS) sous la forme d’un code-barres 2D.

Nous montons le dispositif avec la start-up britannique Masabi orientée « mobile ticketing ». Nous allons déployer des lecteurs optiques pour la validation par smartphone sur toutes les lignes de tramway à Orléans. Pour les bus, il suffira de présenter son titre dématérialisé au conducteur dans le cadre du bêta-test.

Mais, à terme, il faudra aussi installer un dispositif spécifique léger de lecteur optique à intégrer dans les bus. Si le réseau de transport ne propose pas de carte (c’est le cas dans l’autre ville pilote Montargis dont l’expérimentation a démarré en février), c’est encore plus simple: c’est le chauffeur ou le contrôleur qui valide le titre dématérialisé sur le smartphone du voyageur.

ITespresso.fr : Quelle est la contribution de VSC Technologies dans PlanBookTicket ?

Franck Gervais : On se concentre sur la partie « booking » du PlanBookTicket, ce qui nous rapproche plutôt de notre métier initial : toute l’interface pour le parcours client, la gestion des données tarifaires et la sécurisation de la transaction et lutte contre la fraude.

Au sein de VSC Technologies, nous disposons d’une force de frappe de 700 ingénieurs.

C’est à la fois la DSI de Voyages-sncf.com (développement, exploitation, hébergement) et un prestataire de services (digital factory) à l’intérieur du groupe soit du côté du transport public comme Keolis soit des sites comme l’application SNCF qui fournit des renseignements sur l’information voyageurs ou le site Gares & Connexions.

Fort de cette connaissance de développeur-hébergeur dans l’e-commerce, on adopte les mêmes compétences et méthodes (à travers une organisation en feature teams) avec un maître du produit qui appartient à Keolis.

Laurent Kocher : La question de la fraude relative à l’usage des tickets n’est pas un sujet à prendre à la légère. Le fait de « voyager sans payer » représente un préjudice de 70 millions d’euros par an au niveau de Keolis France.

En tant qu’autorité d’organisation de transport, nos clients sont sensibles à ce sujet. Ne serait-ce que pour des questions de comportements civils responsables et citoyens. Il faut reproduire sur le mobile le geste de validation que l’on a l’habitude de faire avec une carte ou un ticket.

ITespresso.fr : Sur votre créneau, quels concurrents rencontrez-vous dans les appels d’offres publiques ?

Laurent Kocher : En fait, nous n’avons pas vraiment identifié un concurrent proposant une offre aussi packagée que la nôtre. D’autres prestataires proposent soit le plan soit le book et le ticket mais les éléments ne sont pas associés.

Nous estimons que nous sommes les seuls à pouvoir présenter sur le marché une solution industrielle, y compris avec des terminaux spécifiques de moyens de validation dans les véhicules de transport

ITespresso.fr : Tramway, bus, métro…Quelles sont les limites de l’approche multimodale du transport avec PlanBookTicket ?

Laurent Kocher : En termes de connectivité, nous avons besoin que les cartes sans contact ou le smartphone avec le titre dématérialisé remontent des informations mais pas forcément en temps réel.

Nous avons quelques limites sur lesquelles nous travaillons : nos solutions ne permettent pas d’ouvrir un portillon de métro. Il faudrait passer à la technologie NFC.

Nous pourrions le faire avec Masabi qui a testé un dispositif dans certaines stations londoniennes avec des lecteurs optiques lisant les codes-barres depuis un smartphone, ce qui permet d’ouvrir les portillons. De notre côté, nous ne l’avons pas implémenté en France.

ITespresso.fr : Quels sont vos objectifs de marché avec PlanBookTicket ?

Laurent Kocher : On pense que le marché va s’ouvrir une fois que nous aurons démontré l’usage quotidien de notre solution, au-delà des expérimentations menées. Et que le dispositif soit réplicable à un niveau industriel.

ITespresso.fr : Prenons le scénario suivant : je fais le trajet Paris-Orléans en train pour aller rendre visite à ma grand-mère qui habite dans le centre-ville d’Orléans. Quand pourrez-vous me proposer d’organiser mon trajet de bout en bout entre Voyages-sncf.com et PlanBookTicket sur la même appli ?

Laurent Kocher : On est en train d’y réfléchir mais on a toutes les briques technologiques pour le faire…

Franck Gervais : Il faut maintenant mettre le ciment entre les briques…

Laurent Kocher : Et disposer de l’accord de l’autorité organisatrice des transports…

Franck Gervais : Mais c’est clairement l’objectif recherché à terme.

ITespresso.fr : VSC Technologies propose-t-elle les briques technologiques fournies à Keolis à d’autres prestataires de la mobilité urbaine, au-delà de la sphère du groupe SNCF ?

Franck Gervais : La question ne s’est pas posée en l’état actuel. L’exploitation technologique reste intra-groupe. On parle uniquement de développements internes.

VSC-T est à la fois la DSI de Voyages-sncf.com et la Digital Factory de SNCF et propose à ce titre, un SI de distribution pour le groupe.

ITespresso.fr : Du côté de Keolis et de Voyages-sncf.com, quelles sont vos priorités sur le volet mobilité urbaine sur l’année 2017 ?

Laurent Kocher : Nous développons chez Keolis deux parties : demand side (services rendus aux voyageurs comme PlanBookTicket) et supply side (offre de transports en commun pour les villes). Nous complétons cela avec des offres de mobilité privée du type VTC car nous pensons qu’il y aura de plus en plus de mélanges.

Nous estimons que l’écart de prix pour un trajet en transport en commun et en transport privé va progressivement se réduire. Nous allons pouvoir organiser des trajets groupés dans des plus petits véhicules, ce qui coûtera moins cher que le bus.

A terme, on voit se profiler la perspective du véhicule sans conducteur, ce qui aboutira à des économies encore plus grandes. Keolis a investi dans la start-up LeCab en prenant la majorité du capital. C’est la manière pour nous d’acquérir des compétences dans la mobilité privée : réservation de véhicules, gestion des flottes de véhicules, etc.

Nous avons récemment annoncé une offre portée par LeCab en agrégeant des courses de proximité en temps réel sur Paris. On utilise pour cela une technologie de la start-up américaine VIA (dans laquelle nous avons également investi).

Nous lançons cette nouvelle offre à un prix promotionnel d’un euro. Elle passera à un prix forfaitaire de cinq euros pour un parcours groupé. Certes, c’est un peu plus cher qu’un ticket de métro mais on se rapproche de son prix à l’unité.

Nous avons mis le pied dans les véhicules autonomes à travers Navya, une start-up lyonnaise qui développe des navettes autonomes. Plus globalement, Keolis étend son savoir-faire en investissant dans un bouquet de start-up.

Nous avons trois modèles d’investissement : en propre lorsque la solution colle au cœur de notre métier, sous forme d’une participation majoritaire lorsque l’on sent que l’offre esquisse le futur de nos activités (comme LeCab) ou d’un investissement avec prise de participation minoritaire si l’offre se rapproche de notre domaine de prédilection.

Franck Gervais : Du côté de Voyages-SNCF.com, on ne va pas aller sur l’urbain comme Keolis. Chacun son métier.

En revanche, nous avons une carte à jouer sur le maillage régional. On s’est rendu compte que la gamme Train Express Régional (TER) avait un gros potentiel de digitalisation.

Depuis janvier, nous commercialisons directement sur Voyages-sncf.com les tarifs régionaux TER. Nous montons également des partenariats autour des mobilités régionales avec des acteurs du tourisme.

Historiquement, avec Voyages-sncf.com, nous étions concentrés sur la réservation de billets de TGV prévues longtemps à l’avance. Maintenant, les deux tiers des achats sont réalisés à J-14. Les gens veulent que des prix soient disponibles en se rapprochant de plus en plus du dernier moment.

Autre élément en termes de trafic : deux tiers de notre audience se fait désormais sur mobile. Nous devons être en mesure de planifier des offres de voyage de bout en bout.

A travers VSC Technologies, nous intégrons des solutions pour distribuer, vendre et « ticketer » des offres de transport comme les TGV mais aussi les autocars de la Loi Macron ou les VTC (notamment à travers le service iDCab).

En emmagasinant cette connaissance client et en exploitant via notre datalake les données d’achat et de navigation, nous cherchons à devenir un assistant personnel pour proposer la solution qui lui convient le mieux.

Ce qui passe par une personnalisation de notre marketing relationnel et expérientiel : comment solliciter le client au bon moment avec la bonne offre et avec le bon terminal ? C’est cet angle que nous voulons davantage explorer en 2017.

Illustration photo : Laurent Kocher (Keolis) à gauche et Franck Gervais (Voyages-sncf.com) à droite
(Source crédit : Philippe Guerrier/NetMediaEurope)

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