EVI, (ex-eviGroup) vous connaissez ? Pas forcément…Cet acteur IT français, originaire de Nancy mais désormais installé à Paris dans le quartier du Palais Royal (1er arrondissement), est un pionnier dans la conception et la réalisation de produits informatiques, dont des tablettes tactiles (d’ailleurs, bien avant qu’Apple lance son iPad).
Après avoir écrit en mars 2013 un article sur ChannelBiz sur cette société (infiniment moins connue que sa compatriote Archos), nous avons rencontré début décembre 2013 le jeune et brillant fondateur Nicolas Ruiz (qui occupe les fonctions de Président), ainsi qu’Alain Martin, désormais Directeur général d’EVI SAS.
Aujourd’hui, EVI conçoit et commercialise une gamme complète d’ultraportables, de tablettes (bientôt même une concurrente directe de la Surface de Microsoft) et de smartphones. Des produits dont la fabrication est sous-traitée en Asie du Sud-Est pour des raisons de coûts évidemment, ce qui n’empêche pas un effort fourni sur la qualité. Tout en s’assurant de proposer des tarifs fort avantageux.
Dans le catalogue Evi, Nicolas Ruiz met l’accent sur l’Yzibook du nom d’un ordinateur portable sous Android doté d’un écran 13,3 pouces. Nous l’avons interrogé d’emblée à ce sujet :
ITespresso.fr : Pourquoi lancez-vous un produit comme Yzibook ?
Nicolas Ruiz – Les dernières études émanant des grands cabinets d’analyses montrent que le marché du PC dégringole, tandis que les tablettes prennent assez rapidement le dessus sur les ordinateurs portables. Nous n’étions pas tout à fait d’accord chez EVI avec ce constat car nous considérons que cela ne peut venir que d’un problème d’offre.
Quand vous allez chez les grands distributeurs spécialisés, tous les ordinateurs portables s’affichent en effet aux environs de 500 euros et plus (hormis les Chromebook qui restent une exception, sauf période de promotion ). En outre, ils sont loin d’être tous sexy…Et en face de tout ça, il y a un florilège de tablettes sur le marché à partir de 99 euros (voire moins), des iPad bien sûr à toutes les tablettes sous Android, et celle sous Windows.
Dans ce contexte, il est normal que les gens privilégient les tablettes jusqu’à 5 fois moins chères, qui plus est à un moment où le pouvoir d’achat est contrarié. En outre, l’image que ces tablettes donnent au grand public, c’est qu’elles sont plus simples à utiliser (enfin, cela semble le cas) et que, pour la plupart des besoins actuels (Internet, photo, vidéo…), elles sont amplement suffisantes.
A notre avis, si le marché du PC se casse donc la figure, c’est avant tout parce que l’offre n’est pas à la hauteur de la concurrence des tablettes. Et on s’est posé la question : « Comment peut-on remédier à ça ? ». On sait que les utilisateurs apprécient tout de même fortement la présence d’un clavier autre que virtuel et de grandes diagonales d’écran. A partir de ce constat, l’idée était de définir un produit qui répond aux besoins essentiels de ceux qui veulent acquérir une tablette (Internet, photo, vidéo…).
Il faut aussi garder en tête que les gens ont pour beaucoup adopté des smartphones sous Android, des tablettes sous Android… Pourquoi dès lors ne pas installer Android 4 sur une machine nomade qu’ils sauront déjà utiliser, en réalisant au passage l’économie de la licence Windows ?!
ITespresso.fr : Et le résultat, c’est l’Yzibook…
Nicolas Ruiz : Oui, et l’avantage d’un 13,3 pouces c’est que la carte mère étant identique à celle des tablettes, on bénéficie du coup d’un poids très réduit (on atteint 1,1 Kg avec la batterie, ce qui est plus léger qu’un MacBook Air à taille équivalente, pourtant cité en référence sur le marché).
De plus, l’Yzibook embarque une connectique complète (USB, Ethernet, Jack, etc.) et ne fait pas de concessions majeures, en dépit d’un tarif de 199 euros TTC !
Outre son poids plume, son prix plume et sa facilité d’utilisation, cet Yzibook répond à des besoins très variés, de la famille qui l’embarque en vacances à l’étudiant qui peut en faire son poste bureautique et Internet, en passant par bien d’autres publics.
Il y a clairement un marché pour des consommateurs en quête d’une solution simple et pas chère, qui n’ont pas nécessairement besoin de performances de haut niveau prodiguées par un Core i5 ou i7. Et les résultats sont là : je peux vous dire qu’il marche déjà très fort d’un point de vue commercial cet Yzibook !
ITespresso.fr : Vous exploitez l’Yzibook et le Smartpad du nom d’une tablette avec écran amovible, qui va entrer en concurrence de la Surface de Microsoft en janvier. EVI dispose d’un catalogue avec de nombreuses références de tablettes et smartphones, dotées de tailles d’écran et de spécifications variées sous Android. Votre stratégie, c’est d’être présent sur tous les segments sans exception ?
Nicolas Ruiz – Non, l’idée est de proposer à chaque fois des choses différentes en adéquation avec notre vision du marché. Le smartphone, nous y sommes arrivés non pas parce qu’on voulait s’attaquer à ce segment du marché, mais parce que nos clients nous demandaient des tablettes de plus en plus communicantes. Du coup, quand nous avons commencé à travailler sur un produit baptisé Wallet, il y a un an et demi, la demande que nous avions alors enregistrée, c’était de disposer d’un produit 7 pouces capable de téléphoner. Or, le format 7 pouces, était à l’évidence trop grand pour l’oreille. Nous nous sommes donc orientés vers un format 6 pouces. Et cela a donné ce que d’autres ont appelé par la suite une phablette. Et qui chez nous s’est donc traduit par le Wallet : un appareil capable de remplacer en un seul produit un téléphone et une tablette. Pour cela, nous avons fait en sorte d’adopter la plus grosse batterie possible du marché (3600 mAh) pour une autonomie maximale d’une semaine ! Et en mettant deux emplacements pour cartes SIM, nous avons fait le nécessaire pour que ça puisse même remplacer non pas un mais deux téléphones…C’est donc réellement un appareil tout-en-un !
ITespresso.fr : Quelle est votre stratégie en termes de distribution ? Vous travaillez avec la grande distribution, avec les opérateurs, avec des réseaux plus professionnels ?
Nicolas Ruiz : C’est un mélange des trois. Nous travaillons avec la grande distribution notamment avec notre marque Yzi. Nous travaillons aussi avec les segments professionnels de deux façons. Soit nous leur vendons directement des machines. Soit nous concevons à leur attention des machines (par exemple pour Schneider ou pour le groupe Hervet dernièrement) avec un axe spécialisation. Nous réalisons aussi pour d’autres de la conception de machines aux fins de commercialisation. Par exemple, nous avons développé une tablette adaptée à un jeu de karting sur Android. Et ladite tablette est entièrement floquée au nom et aux couleurs de ce jeu. Un jeu qui se voit en outre intégré sur la tablette, optimisée en conséquence. Nous sommes vraiment capables de créer une tablette de A à Z, voire au-delà.
ITespresso.fr : Le groupe Auchan distribue sous sa propre marque (Qilive) des tablettes et smartphones conçues par Archos. Cela vous donne des idées ?
Nicolas Ruiz : Nous n’avions pas concouru dans cet exemple précis. Mais oui, nous le faisons déjà pour d’autres. Pour des raisons de confidentialité, je ne peux cependant pas vous indiquer de qui il s’agit. Mais ce que nous faisons le plus, c’est la création de petites séries de tablettes floquées et personnalisées pour une marque ou un marché de niche. Par exemple, une tablette pour les techniciens sur le terrain qui vont réparer une marque de box Internet. Nous avons aussi conçu des tablettes adaptées aux enfants, avec un logiciel ad hoc pré-installé.
(Alain Martin, DG d’Evi, se joint à la discussion… Nous l’interrogeons aussitôt).
ITespresso.fr : Qu’est-ce qui vous a plu dans Nicolas Ruiz au point d’investir dans sa société ?
Alain Martin : Toute l’offre produit déjà mature et conçue par un bon professionnel. Je viens de la finance et du monde industriel (sécurité et télésurveillance) après avoir revendu mon activité, leader pendant près de 25 ans, à une firme américaine. Je me suis ensuite diversifié en investissant dans diverses entreprises et start-up. Nous sommes depuis douze ans dans les locaux où nous vous accueillons aujourd’hui. S’agissant de Nicolas Ruiz, la première chose à dire est qu’il est intelligent. Et, dès le premier contact, j’en ai eu la certitude. La suite des évènements m’a donné raison…
ITespresso.fr : En France, il y avait déjà Archos…
Alain Martin : Archos continue d’être en graves difficultés…
ITespresso.fr : Vous ne pensez pas qu’elle est en mesure (et même en passe déjà) de rebondir ?
Alain Martin : Non, je n’y crois pas… Je ne mettrais pas un centime dans Archos !
ITespresso.fr : Pourtant, Archos s’en sort pas si mal sur certains marchés à l’étranger. Et il fabrique les produits de la gamme Qilive (tablettes et smartphones) pour le compte d’Auchan et la tablette tactile Quechua Tab 8 pour Décathlon…
Nicolas Ruiz (qui reprend la parole) : Le fait de signer avec Auchan se fait au détriment de leur propre marque. Si vous vendez chez Auchan du Qilive, vous ne vendez plus du Archos…
Alain Martin ajoute : Chez EVI, nous travaillons un petit peu en Europe mais ce n’est pas notre vision pour l’instant. A moyen terme, c’est un objectif. Mais surtout nous voulons conserver une bonne rentabilité. Nous n’allons pas sur les marchés où il n’y a plus de marges, cela ne permet pas la qualité !
ITespresso.fr : S’agissant de la distribution, travaillez-vous avec un ou plusieurs grossistes ?
Nicolas Ruiz : Nous n’avons pas de grossistes. Nous avions fait l’expérience il y a quelques années et ça ne s’était pas bien passé… Mais rien n’est fermé pour l’avenir. Nous sommes donc pour l’heure en distribution directe et travaillons aussi, comme je vous l’ai dit, avec des industriels qui nous fournissent une activité importante.
ITespresso.fr : A fin 2013, peut-on faire un bilan à fin 2013 sur les produits qui ont le mieux marché ? Avez-vous identifié un « produit vache à lait » dans votre gamme ?
Nicolas Ruiz : Tous nos produits marchent fort, y compris l’Yzibook et l’Yzipro. Non, nous n’avons pas de « produit vache à lait ». Notre activité est globalement assez équilibrée entre toutes nos lignes de produits. C’est même relativement étonnant.
ITespresso.fr : Que ce soit des industriels ou d’autres publics qui vous sollicitent, l’argument prix prévaut-il pour expliquer le choix des produits EVI ?
Nicolas Ruiz : Non, pas forcément.
Alain Martin : Il faut dire que nous ne communiquons pas beaucoup. Notre budget marketing/communication est quasiment à zéro. L’ambition de mars 2013 à maintenant était avant tout d’édifier une gamme complète, fiabilisée, reconnue, testée et approuvée. Nous allons du reste ajouter une gamme complète de domotique à notre catalogue. C’est mon métier, je fais ça depuis des années. Ce sont des très beaux produits qui vont s’intégrer superbement au reste de nos gammes.
ITespresso.fr : J’imagine que les objets connectés vous intéressent aussi…
Alain Martin : Incontestablement !
Nicolas Ruiz : Les objets connectés oui, mais pour quel usage ? Le contre-exemple absolu, c’est Samsung qui sort une montre [Samsung Gera, ndlr] sans réel usage et qui du coup ressemble à un gadget. S’il s’agit de faire un gadget de plus sur le marché, c’est non ! Des prototypes hardware, nous savons faire, maintenant tout l’enjeu c’est « qu’est-ce qu’on met dedans ? » et « pour quels usages ? ». Donc, nous y réfléchissons, nous avons des idées et des pistes, mais il faut vraiment qu’il y ait un besoin et encore une fois des usages concrets.
ITespresso.fr : Il n’y a pas aussi un risque pour Evi de se diversifier trop ?
Alain Martin : Non. On a les capacités pour absorber tout ça. Au contraire, nous allons lentement et prenons notre temps. Nous ne sommes pas pressés !
ITespresso.fr : Au-delà du hardware, vous avez aussi une intense réflexion sur les interfaces et sur le logiciel. EVI fournit du reste en natif sur ses tablettes la suite bureautique Seline reposant sur l’intelligence artificielle. Quelles sont vos ambitions en la matière ?
Nicolas Ruiz : Au-delà de Seline qui continue sa vie, nous avons de beaux projets en la matière pour 2014. Et, en termes d’intelligence artificielle, beaucoup de choses restent à faire pour les smartphones. Nous avions prototypé des choses depuis des années autour de Seline pour ce type d’appareil. Quand on me parle de SIRI qui est arrivé depuis, je préfère répondre qu’il ne s’agit pas réellement d’intelligence artificielle mais d’une sorte de « Chatterbot » (on lui pose une question, il interroge une base de données et il envoie une réponse). Notre idée est réellement d’adopter une véritable intelligence artificielle, capable d’apprendre et de répondre au gré de l’usage propre à chaque utilisateur. Nous avons bien d’autres idées mais on se reverra pour vous en parler.
ITespresso.fr : La rentabilité est-elle au rendez-vous ? Alain Martin, êtes-vous satisfait d’avoir investi dans l’activité de Nicolas Ruiz ?
Alain Martin : Oui, et je pense qu les actionnaires de notre SAS sont également heureux de notre stratégie et fiers des résultats financiers d’ores et déjà obtenus. L’année 2013 se termine bien, avec beaucoup de confiance pour l’avenir. Je suis pleinement satisfait d’avoir investi dans cette activité, même s’il nous reste encore beaucoup à faire… Nous n’en sommes qu’au début de notre activité.
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