Interxion est un des principaux fournisseurs de services de data centers de colocation : 38 data centers en Europe dans onze pays dont 8 en France avec le nouveau site exploité à Marseille (repris à SFR). Dans quelle mesure cette métropole est devenue un point de passage stratégique dans les infrastructures réseaux télécoms et cloud ?
Dans le cadre du salon IT-Expo qui vient de s’achever à Paris, nous avons rencontré Fabrice Coquio, Président d’Interxion France. Ses fonctions lui permettent d’observer le marché des data centers en France. De son point de vue, on a un peu perdu la main face à d’autres plaques comme Londres, Francfort ou Amsterdam.
(Interview réalisée le 19/11/14)
ITespresso.fr : Pourquoi Interxion investit à Marseille en reprenant un data center de SFR ?
Fabrice Coquio : 50% de la clientèle d’Interxion France est étrangère (américaine notamment) et c’est vrai à travers tous nos pays d’implantation. Et cela fait plusieurs mois qu’elle nous parle de problématiques de déploiement à Marseille.
C’était une ville de transit télécoms depuis longtemps. Elle devient un point encore plus stratégique avec de nouvelles infrastructures par câbles sous-marins avec d’énormes capacités disponibles installées par des consortiums très importants.
Pour Interxion, Marseille devient aussi un hub de contenus – digital media – cloud et d’accessibilité aux marchés Europe – Afrique – Moyen Orient. Pour aller plus vite dans le déploiement, nous avons acquis un bâtiment de SFR déjà très connecté. En fait, ce « legacy building » date de l’époque LDCom (un ex-opérateur télécoms absorbé par SFR qui avait monté ce complexe il y a 14 ans).
Avantage du site : il concentre des infrastructures télécoms de 80 opérateurs et il est devenu de facto un nœud de connectivité. En août dernier, nous avons annoncé un investissement de 45 millions d’euros (achat, transformation et extension du bâtiment). De nouveaux espaces vont être créés en retenant les standards Interxion (sécurité, redondance, puissance électrique…). Nous devrions commencer à livrer les clients à partir de février 2015.
C’est un gros bâtiment de 14 000 mètres carrés. Seule la moitié est occupée actuellement. SFR devient le client d’Interxion pour ses propres besoins (3G, 4G, fibre) mais SFR conserve aussi des clients entreprises qui occupent des espaces de colocation. Mais Interxion traitera directement avec les nouveaux clients dans les nouveaux espaces.
ITespresso.fr : Quelles grandes tendances observez-vous sur le marché des data centers en France ?
Fabrice Coquio : Nous sommes légèrement en dessous-de la moyenne européenne (10-12% de croissance). En France, nous sommes à 8%. Sans la prise de commande de Marseille, l’année se serait présentée vraiment très moyenne.
On ne peut pas le nier : les acteurs américains sont incontournables dans les investissements infrastructures depuis deux ans. Ils utilisent des « factories » de cloud à Dublin, Londres et Amsterdam puis créent des mini-hub locaux pour se rapprocher au plus près des utilisateurs finaux.
Sont-ils effrayés par des mesures politiques ou de fiscalité prises en France ? Cela se discute mais, si les groupes IT américains n’ont pas l’obligation de s’implanter localement, ils préfèrent investir dans d’autres pays. C’est à considérer comme un manque à gagner pour la France si on prend en compte une tendance globale: les investissements directs à l’étranger en France ont fondu, y compris sur le marché des data centers. Par comparaison, Interxion Allemagne affiche une croissance de 15 à 17% tirée par les investissements américains.
Néanmoins, la France reste la deuxième économie du continent européen et les clients français (institutionnels, grandes entreprises, PME…) tiennent à considérer la localisation géographiques de leurs données en cas de déploiement de projets dans le cloud. Une attention particulière est portée sur la sécurité, la gestion des coûts, la proximité des clients et la faible latence.
Chez Interxion, nous avons a signé un très bel accord avec les équipes Salesforce de Paris pour leur développement dans la zone Europe du Sud. Autre exemple avec SoftLayer (IBM) : récemment, le fournisseur de services cloud (IaaS) a annoncé l’interconnexion avec 100 data centers en Europe, dont neuf en France. Et quatre sont hébergés par Interxion (y compris de celui de Marseille).
ITespresso.fr : La France n’est plus attractive pour les data centers grâce au prix raisonnable de l’électricité ?
Fabrice Coquio : Depuis deux ans, la France a nettement perdu en attractivité. L’électricté constitue une des lignes principales de dépense dans l’exploitation d’un data center. Et les exploitants regardent avec attention comment optimiser les coûts énergétiques. La facture de l’électricité peut représenter jusqu’à 50% du coût de l’hébergement annuel.
Le marché a gagné en maturité et les Américains ont sorti leur calculette : si vous êtes en France à environ 13 ou 14 centimes le prix du kilowatt-heure IT et que vous vous trouvez à 11 centimes en Hollande, le choix est fixé.
ITespresso.fr : Considérez-vous que l’essor de l’Internet des objets est un nouveau segment de business pour des spécialistes data center comme Interxion ?
Fabrice Coquio : Le big data d’un côté et l’Internet des objets de l’autre vont monter en puissance. Nous n’en sommes qu’au balbutiement. Mais il faudra nécessairement passer par des data centers et des infrastructures de connectivité pour développer ces types d’activités. Nous visons les 100 milliards d’objets connectés d’ici 3 ans. La croissance est exponentielle.
Nous allons rassembler dans nos hub cloud ou digital media des éléments en provenance de la smart city (« ville intelligente »). Il faudra s’attendre à des interactions numériques au sein des data centers. Comment les montres connectées capable de mesurer les pulsions cardiaques seront connectés à des plateformes de coaching voire de santé publique ?
En juillet, Interxion a obtenu l’agrément d’hébergeur de données de santé à caractère personnel auprès de l’Agence des Systèmes d’Information Partagés de Santé (ASIP Santé).
(Crédit photo : Interxion)
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