ITespresso.fr : Comment rebondit-on après la perte du développement du jeu mobile Akinator (dont les droits d’exploitation appartiennent à Elokence) ?
Gaël Bonnafous: C’est un souvenir douloureux (rires). Notre studio Scimob avait effectivement été retenu par Elokence pour développer l’application Akinator sur smartphone [un petit génie virtuel cherche à deviner une personnalité mystère par le biais d’une session questions-réponses, ndlr] et je crois que nous avons été tous été surpris par son succès et les millions de téléchargement générés à travers le monde.
Nous nous sommes retrouvés dans une relation d’interdépendance qui n’a hélas pas tenu.
J’ai bien sûr été frustré par cette situation mais j’ai finalement décidé d’aller de l’avant et de recentrer Scimob sur le développement de ses propres jeux au détriment de toute autre activité.
A mon retour de la Gamescon 2012 où j’ai pu prendre la mesure du boom du secteur, nous avons travaillé sur plusieurs prototypes de jeux casual et le titre « 94 secondes » est sorti fin 2012.
ITespresso.fr : Le premier titre devenu une trilogie à succès…
Gaël Bonnafous : Oui, 94 Secondes reposait sur le concept du « petit bac », un jeu auquel des millions de Français ont joué quand ils étaient petits, et l’application a immédiatement rencontré le succès en France, mais également à l’international avec à ce jour plus de 15 millions de téléchargements et environ 1,5 million de dollars de revenus essentiellement publicitaires (75% pub, 25% achats « in-app »).
Nous ne voulions surtout pas rester 100% français et nous avons lancé le jeu en anglais, en allemand, en espagnol, en italien ou encore en portugais en traduisant nos fiches mais en veillant également à « localiser » nos questions pour correspondre aux problématiques culturelles de chacun des pays adressés.
Notre deuxième jeu 94 Degrés – dérivé du jeu « Tu chauffes, tu refroidis » – est sorti début 2014 directement en huit langues.
Nous avons capitalisé sur les utilisateurs de 94 secondes et généré plus de 15 millions de téléchargements en à peine un an. Nous avons également grandement amélioré la monétisation, avec un chiffre d’affaires de l’ordre de 2 millions de dollars, notamment grâce à une progression de l’in-app purchase, qui représente environ 40% des revenus de cette application.
Enfin, notre troisième jeu, 94 %, est sorti début 2015. En à peine trois mois, il a déjà dépassé ses deux prédécesseurs puisque nous approchons de la barre des 20 millions de téléchargements et que les revenus in-App devraient franchir le seuil des 50%.
ITespresso.fr : Vous êtes parvenus à fidéliser vos utilisateurs ? Quelles sont vos pratiques en matière d’acquisition ?
Gaël Bonnafous : Nous avons développé un véritable savoir-faire dans l’acquisition de trafic. A la manière d’une agence média, nous savons générer des dizaines de milliers de téléchargements sur des plates-formes telles que Google, Facebook ou Twitter.
Comme beaucoup de monde, nous avons également testé les boosters d’applications mais ce modèle a fini par s’essouffler. Sur l’App Store, Apple a sanctionné plusieurs start-up tandis que sur le Play Store, les mathématiciens de Google semblent avoir neutralisé toute déformation anormale de l’algorithme de classement.
Avec le recul, nous sommes arrivés à la conviction que le meilleur moyen d’attirer des utilisateurs était tout simplement de leur proposer le meilleur produit et de l’améliorer en permanence.
En France, près d’un jeune sur deux connaît désormais la licence 94 ils répondent présent quand nous leur proposons des nouveautés.
A l’étranger, nous avons également eu des coups de pouce de la part de célébrités comme Lily Allen en Grande-Bretagne qui n’hésitent pas à évoquer leur addiction à nos jeux auprès de leur communauté Twitter.
ITespresso.fr : Et en matière de monétisation, vous restez fidèle au modèle du freemium ?
Gaël Bonnafous : Oui. La publicité est longtemps restée notre principale source de revenus. Nous agrégeons plusieurs réseaux publicitaires mobiles (Google, Facebook, MoPub, MdotM…), ce qui nous permet d’afficher un taux de remplissage (« fill rate ») de près de 100% dans pratiquement tous les pays où nos jeux sont utilisés.
Avec 2 millions de DAU (« daily active users »), Scimob commence à représenter un gros média mobile mais nous cherchons paradoxalement à réduire la dépense à la publicité car elle tue littéralement la rétention de nos joueurs en les détournant vers d’autres applications.
Nous essayons du coup de développer les native ads et surtout l’In-App purchase. Nos prochains jeux devraient d’ailleurs miser principalement sur ce modèle économique.
ITespresso.fr – C’est quoi votre modèle ? King.com et son gros succès Candy Crush ou KetchApp et son usine à jeux casual ?
Gaël Bonnafous : Ce sont deux très belles boîtes qui excellent l’une comme l’autre dans l’univers du mobile gaming.
KetchApp assume un modèle hyper casual, avec des jeux avec une faible durée de vie tandis que King.com cherche, tout comme Rovio avec Angry Birds, à reproduire son succès initial.
Scimob cherche à construire son propre modèle. Nous voulons devenir les leaders mondiaux du jeux Casual et plus particulièrement du « trivia » (questions/réponses) avec des jeux populaires.
Pour le moment, nous contrôlons notre destin. La société est rentable et affiche une profitabilité par salarié comparable à celle de géants du secteur comme Google.
Nous visons un chiffre d’affaires de 100 millions de dollars avant la fin de cette décennie et notre objectif est clairement de rentrer dans la cour des grands !
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