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Interview Henri d’Oriola (Akamai) : « L’accord signé avec Orange est unique en son genre »

Depuis le 1er janvier 2013, Akamai dispose d’un nouveau CEO. C’est en fait le co-fondateur de la société IT américaine (voir encadré en bas de l’interview).

Akamai est leader dans son domaine de prédilection : CDN (content delivery network en anglais) ou comment accélérer la diffusion des contenus sur le Web via un réseau mondial de serveus-cache associé à une couche logicielle d’administration poussée.

Il vise une clientèle de sites Web rencontrant des problématiques de pics d’audience (médias, e-commerce) mais aussi des groupes internationaux comme BNP Paribas, Casino ou Peugeot (sous l’angle : comment rendre les applications métiers plus performantes via Internet).

Une nouvelle impulsion est donnée chez Akamai qui étoffe ses services (sécurité IT, optimisation Web) et qui étend son réseau de distribution.

Ainsi, fin 2012, Akamai a signé un accord dans ce sens avec Orange en France. Mais il y a des similitudes avec le partenariat tout aussi récent conclu avec AT&T aux Etats-Unis.

Entretien avec Henri d’Oriola, Vice-Président Europe du Sud, avec l’appui d’Antoine Drochon, Principal Solutions Engineer chez Akamai Technologies.

(Entretien réalisé le 18 décembre 2012)

ITespresso.fr : Quels sont les liens entre Orange et Akamai ?

Henri d’Oriola : Nous entretenions depuis une dizaine d’année des relations avec Orange. La plateforme Akamai repose sur un vaste réseau de serveurs répartis à travers dans le monde et hébergés chez plusieurs centaines opérateurs pur assurer un certain maillage. A ce titre, on a déjà conclu des accords entre France Telecom et Akamai dans le cadre de la délivrance de nos services en France.

Orange est donc un partenaire historique au même titre que BT au Royaume-Uni, Deutsche Telekom en Allemagne ou Telefonica en Espagne.

ITespresso.fr : Fin 2012, vous avez signé un accord de nature différente…

Henri d’Oriola : Effectivement, les deux sociétés se sont rapprochées pour travailler ensemble afin que l’offre de services d’Akamai soit délivrée aux clients entreprises d’Orange Business Services en France. Il existe une certaine culture client commune entre les deux sociétés.

Les équipes d’OBS pourront proposer les outils d’accélération et de sécurisation d’Akamai. L’opérateur pourra aussi bénéficier de l’offre Aura [offre de réseau et de diffusion de contenus sous licences, ndlr] pour monter leur infrastructures de délivrance de contenus.Il existe un troisième volet de cet accord Orange – Akamai en termes de recherche et d’innovation.

En l’état actuel, ce partenariat concerne uniquement la France.  Nous avons déjà des clients en commun qui ont des problématiques de variation importante de trafic (médias liés aux évènements, e-commerce lors de la période de soldes par exemple).

ITespresso.fr : Pourquoi cet accord survient maintenant ?
Henri d’Oriola : Il s’explique de plusieurs raisons. La multitude de terminaux connectés va générer une croissance colossale des débits Internet. Du coup, les opérateurs se demandent légitimement quels types de services ils doivent proposer à leurs clients BtoB. Y compris ceux fournis par Akamai.

L’approche du marché peut être différente. Certains opérateurs en Europe ont essayé de monter ce service par leurs propres moyens mais nous n’avons pas observé de succès dans ce sens. Orange n’a manifestement pas suivi cette logique et a préféré travailler avec des professionnels du secteur. D’où ce rapprochement. Cette velléité des opérateurs devient évidente depuis deux ans. Mais il faut compter sur les cycles de développement et de décisions qui me paraissent normaux.

De notre côté, Akamai a fonctionné jusqu’ici en mode direct avec ses clients. Pour augmenter son chiffre d’affaires (avec l’objectif de passer d’un milliard de dollars à 5 milliards en dix ans), il faut changer la politique de commercialisation et adopter un modèle hybride vente directe – channel.

Nous regardons comment nous pouvons envisager la commercialisation de nos solutions à travers des partenaires. L’exemple de l’alliance Akamai-AT&T, récemment annoncé aux Etats-Unis, est parfait. Ce sont des leviers considérables en termes de forces de vente pour avancer.

ITespresso.fr : Avez-vous signé d’autres accords aussi impliquants en France ?

Henri d’Oriola : A ce degré d’approfondissement, il est unique. Néanmoins, nous avons d’autres partenaires pour la distribution de nos solutions en France comme View on TV ou Dbee (médias). On a aussi des accords mondiaux avec Verizon (qui peut revendre nos services en France) ou IBM. Sans compter sur des contrats OEM pour encapsuler différentes technologies aux Etats-Unis comme Riverbed (technologie Steelhead Accelerator dans les boîtiers d’optimisation pour data centers).

ITespresso.fr : De manière concomitante à l’annonce Orange – Akamai, SFR lançait sa propre offre CDN. La guerre est déclarée ?

Henri d’Oriola : On verra ce que fera SFR. Des opérateurs comme Telefonica, Deutsche Telekom ou BT ont essayé mais ils ont arrêté. L’attention est souvent focalisée sur la taille considérable de notre réseau (120 000 – 130 000 serveurs).

Mais la vraie richesse d’Akamai est le système d’exploitation sans cesse enrichi de notre plateforme technologique et l’expertise d’administration des serveurs qui va avec. C’est la vision de Tom Leighton et Daniel Lewin, co-fondateurs d’Akamai.

Dans les tentatives que l’on a perçues du côté des opérateurs, elles consistaient à relier des data centers éparpillés dans le monde mais sans une administration intelligente derrière. C’est ce qui fait notre différence et ce qui constitue notre coeur de métier.

ITespresso.fr : Les opérateurs télécoms sont tentés de prendre en main directement le volet CDN. Pourrait-on imaginer un Akamai absorbé par un géant des télécoms ?

Antoine Drochon : Généralement, c’est par absorption et la marque du CDN disparaît. Le résultat de l’acquisition, c’est pas forcément un accélérateur. Juste un opérateur qui dispose d’une petite ligne optionnelle CDN et qui l’utilise vraiment pour retenir certains clients. Cela a été le cas de Tata Communications avec BiGravity [acquisition en janvier 2011, NDLR].

Henri d’Oriola : Un opérateur télécoms aurait la capacité de racheter un Akamai s’il le souhaite vraiment. Mais quel serait le réel intérêt de procéder à ce type d’opération ? Internet dans le monde, c’est 13 000 à 15 000 réseaux qui cohabitent. La valeur d’un fournisseur de technologies CDN et d’administrations réseaux comme Akamai, c’est qu’il reste neutre.

Si j’ai bien compris le vrai sens de votre question, c’est à dire : « Va-t-on assister à la mort progressive de fournisseurs de solutions CDN comme Akamai ? »

Je parlerais plutôt d’une évolution logique quand on regarde les challenges que rencontrent les opérateurs sur Internet. Jusqu’à maintenant, Akamai a été fournisseur de ses clients de façon directe. A l’instar d’un éditeur de logiciels comme Oracle à la fin des années 80, Akamai cherche désormais à diffuser ses technologies à travers des offres plus globales.

ITespresso.fr :  Dans une interview récente, « l’aiguilleur du Net » Cedexis d’origine française insistait sur la nécessité pour les entreprises de multiplier les sources CDN pour optimiser la performances de leurs sites Web ? Qu’en pensez-vous ?

Henri d’Oriola : Il y a eu un effet de mode. Et des clients ont fait marche arrière. C’est un discours qui plaît aux acheteurs à court terme. Mais cela va à l’encontre de l’innovation sur le Web et de l’amélioration des services que l’on peut apporter. Le client va être réduit à utiliser le plus grand dénominateur commun à toutes les offres et se privera de toutes les fonctions spécifiques innovantes développées par chaque concurrent.

Plusieurs clients ont testé par curiosité intellectuelle mais ils y sont revenus. Nous avons recueilli leur témoignage à propos de cet aller-retour (on ne peut pas communiquer publiquement dessus). On peut noter un autre frein : le fait de ré-orienter son trafic vers de multiples fournisseurs CDN est un inhibiteur des solutions prises séparément.

Antoine Drochon : Dans le design et la conception des services, chaque prestataire (Limelight, Level 3…) propose une offre technologique différente. Du coup, la mesure de la performance est réalisée de manière différente. On ne peut pas tout mélanger au risque de perdre en performance. Y compris en terme de garantie contractuelle. Akamai s’engage à fournir une disponibilité de 100% sur sa plateforme. En ajoutant un prestataire tiers, le client risque d’introduire un maillon faible.

ITespresso.fr : Comment surfez-vous sur la vague du cloud ?

Henri d’Oriola : Nous n’avons pas véritablement d’offres cloud. Si un éditeur souhaite exploiter le cloud public pour diffuser ses applications, Akamai va proposer ses services pour fiabiliser, accélérer et sécuriser le cloud. Aux Etats-Unis, on accélère les services de Salesforce.com quand ils sont directement adressés à ses clients.

Antoine Drochon : Toujours aux Etats-Unis, RackSpace [hébergement, services cloud] dispose dans son portfolio de solutions Akamai.

ITespresso.fr : En 2012, vous avez pris vos marques sur le volet des services de sécurité. Comment allez-vous étoffer l’offre ?

Henri d’Oriola : C’est un vrai pilier de l’offre Akamai. Nous avons procédé à plusieurs acquisitions ciblées de sociétés technologiques [comme FastSoft, fournisseur d’appliance pour l’optimisation des sites Web sur les réseaux, NDLR]. Cela devrait continuer en 2013, sans forcément parler de grosses acquisitions. On va continuer car la demande de la part de nos clients est croissante.

En termes de criticité, je trouve que les demandes de nos clients en solutions de sécurité sont aussi importante que celles émanant des e-marchands dans la période 2004 – 2005. Ils abordaient les saisons de hausse du trafic (Noël par exemple) avec panique et cherchaient des solutions pour que leurs sites de commerce électronique soient disponibles en permanence.

Le co-fondateur d’Akamai devient CEO
Depuis le 1er janvier 2013, Akamai dispose d’un nouveau CEO : le Dr. Tom Leighton, co-fondateur et responsable scientifique du fournisseur de solutions pour la délivrance accélérée des contenus (CDN). Il succède à Paul Sagan, qui devait initialement quitter ses fonctions à la fin de l’année 2013. Le Dr. Leighton et Mr. Sagan demeureront dans le conseil d’administration d’Akamai. Et Paul Sagan gardera un statut de conseiller principal de l’entreprise auprès du nouveau CEO. En avril, Akamai avait annoncé son intention de rechercher un nouveau P-DG pour assurer la succession. Paul Sagan occupait le poste de CEO depuis 2005. Quant au deuxième créateur d’Akamai Daniel Lewin, il est mort dans les attentats du 11 septembre 2001 à l’âge de 31 ans. Il était l’un des passagers des avions qui s’écrasa sur les tours du World Trade Center.

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