Compte Nickel n’a plus de complexe dans la FinTech.
Edité par la Financière des Paiements Electroniques, le service, qui permet d’ouvrir un compte pour gérer son argent sans découvert dans les bureaux de tabac, avait installé un stand lors du Forum Fintech R:evolution organisée mardi dernier par l’association France Fintech.
Dans le courant de l’été 2015, la société, co-fondée par Ryad Boulanouar (ex-chef de projet du Pass Navigo et directeur technique de Moneo), et Hugues Le Bret (ex-Boursorama et ex- Société Générale), a bouclé une levée de fonds de 10,2 millions d’euros avec le soutien remarqué de Partech Ventures.
Ce concept original de « compte sans banque » prend de l’envergure en dépassant sa cible initiale (les personnes non-bancarisées).
Sur le Forum Fintech R:evolution, nous nous entretenons avec son président Hugues Le Bret qui précise comment Compte Nickel touche désormais les étudiants et, dans quelques mois, les TPE-PME.
(Interview réalisée le 3 mai 2016)
ITespresso.fr : Combien de Compte Nickel recensez-vous actuellement ?
Hugues Le Bret (en regardant l’application mobile qui dispose d’un compteur d’ouvertures de comptes) : Nous en sommes à 287 169 clients [c’était mardi dernier à 16h41, ndlr]. Nous sommes à un taux d’ouvertures de comptes de 20 000 par mois. On passera la barre des 300 000 d’ici la fin du mois de mai. On veut atteindre les 500 000 d’ici la fin de l’année. C’est un objectif ambitieux.
ITespresso.fr : Cela vous surprend comme croissance ?
Hugues Le Bret : En fait, les segments de clients sont plus larges par rapport à ce que l’on imaginait. Au début, Compte Nickel avait été créé pour redonner une dignité aux interdits bancaires (2 millions en France, on en a 200 000) à partir d’un modèle simple avec les buralistes.
On s’est rendu compte que le phénomène populaire était plus vaste que cela. 40% des Français sont en situation de dépassement de découvert au moins une fois par trimestre. Quand on passe cette ligne jaune, on a des frais d’incident et d’intervention. Certes, ils sont plafonnés à 80 euros par mois. Mais, au bout d’un an, cela fait tout de même 960 euros par an. Et cela ne comprend pas les rejets de prélèvement (20 euros) et les lettres de renouvellement (14 euros). Compte Nickel permet de réaliser plusieurs centaines d’euros d’économie par an en s’adressant à 40% de la population.
Une question subsistait : ces gens-là ont-il besoin d’un découvert ? Et la réponse, c’est non. Les gens veulent reprendre le contrôle et éviter de dépenser plus par rapport à ce qu’ils ont. Car ils savent que cela les met dans une spirale infernale qui leur coûte cher. Bien sûr, ils peuvent avoir un jour besoin d’un crédit consommation pour changer de voiture ou de frigidaire. On peut le faire de manière responsable. Mais, au quotidien, ils ne veulent plus ne pas savoir où ils en sont.
Le paradigme a changé : au lieu de mettre son argent dans une banque et ne jamais savoir où l’on en est, on ouvre un Compte Nickel. La consommation sobre est un phénomène sociétal énorme.
Pour terminer, 30% de nos clients ont des profils plutôt aisés qui font du commerce en ligne. Ils considèrent que c’est un compte cantonné et bloqué. 30% de nos flux cartes sont des paiements en ligne. Les gens peuvent aussi l’utiliser pour voyager. On ne prend pas de frais quand vous payez hors de la zone Euro (8% de nos paiements).
ITespresso.fr : Ca démarre bien la cible des étudiants ?
Hugues Le Bret : Nous proposons aussi des comptes pour les 12-18 ans. Ils représentent 4% de nos ouvertures de comptes (environ 800 par mois). Par ailleurs, nous évaluons notre clientèle sur le segment 18-25 ans à 4% également.
Nous avons commencé à toucher les étudiants à partir d’octobre 2015. Nous en sommes à 6000 comptes étudiants en l’état actuel. Depuis qu’on leur a ouvert le service Compte Nickel, la moyenne d’âge globale de la clientèle est passée de 41 ans à 37 ans.
ITespresso.fr : Comment touchez-vous le segment des étudiants ? Pas forcément le profil type qui se rend chez un buraliste…
Hugues Le Bret : Comme nous sommes une petite start-up avec des moyens marketing limités, nous voulons nous faire connaître par capillarité. Nous allons prochainement lancer notre application mobile avec le micro-paiement en peer to peer entre clients Compte Nickel. Ce type d’initiatives peut contribuer à faire le buzz sur les campus.
ITespresso.fr : Quelle est la proportion de votre clientèle qui a fait du Compte Nickel leur principal compte ?
Hugues Le Bret : Nous avons observé que 65% de nos clients se comportent comme la moyenne nationale. Donc on considère que nous sommes leur compte principal. Ils effectuent un peu moins de 140 paiements par an par cartes. Ils font une vingtaine de virements entrants dans l’année. Ils domicilient des prélèvements…
ITespresso.fr : Par quel biais comptez-vous attirer les TPE-PME ?
Hugues Le Bret : C’est quelque chose que nous avons dans les cartons mais que nous avons déprioritisée. On devait le lancer au printemps. Ce sera plutôt à l’automne.
Les développements technologiques sont faits. Nous sommes dans une phase dans laquelle nous ouvrons 100 nouveaux relais buralistes par mois pour la distribution du Compte Nickel. Soit un rythme actuel de 5 par jour.
A chaque fois que nous ouvrons un point de vente, la moyenne des buralistes augmente. C’est-à-dire que nous augmentons le nombre de comptes par buraliste en augmentant le nombre de points de vente. Cela consomme énormément de temps et de ressources.
La montée en charge est très forte. Nous recensons 2,5 millions d’opérations clients par mois.
La dynamique est tellement puissante qu’avant de lancer cette offre TPE-PME, il faut consolider les équipes marketing, conformité et l’ensemble du processus client.
Au regard de la forte croissance du côté des particuliers, on a donc préféré décaler de quelques mois le lancement du compte professionnel.
ITespresso.fr : Dans quelle mesure les entreprises constituent une autre vision du marché ?
Hugues Le Bret : On parle effectivement d’un marché de plusieurs millions de TPE-PME.
L’agrément, dont nous disposons auprès de la Banque de France, concerne les entreprises de moins de 10 salariés qui réalisent un chiffre d’affaires de deux millions d’euros. C’est à dire 95% des entreprises en France. On y trouve beaucoup d’artisans, de commerçants, de professionnels indépendants, d’auto-entrepreneurs…
Dans ce segment, les banques réalisent des marges très élevées et la qualité de service est moyenne. On veut faire mieux.
Nous allons toucher les entreprises par le Web et par le biais de l’Ordre des Experts-Comptables avec lesquels nous avons signé un accord. Tout comme les buralistes, les experts-comptables sont des relais de proximité et accompagnent la vie des entreprises.
ITespresso.fr : Au regard de votre montée en charge, comment les réseaux bancaires traditionnels regardent Compte Nickel ?
Hugues Le Bret : Au début avec un microscope et maintenant avec une loupe (rire). Il s’est passé quelque chose à partir du moment où Partech est entré dans notre capital en août dernier.
Jusqu’alors, nous étions un vilain petit canard iconoclaste qui ouvrait des comptes chez les buralistes, qui suscitait beaucoup de réserve et nous étions considérés comme pas très sérieux.
Tout à coup, le troisième investisseur tech européen, qui s’appuie lui-même sur des fonds en provenance de groupes corporate français ou internationaux (comme Cisco aux Etats-Unis), s’intéresse à nous.
D’un seul coup, le modèle est devenu propre juridiquement, le modèle économique est devenu crédible, il existe un potentiel pour l’avenir. Et nous sommes passés de vilain petit canard à FinTech.
ITespresso.fr : Comptez-vous décliner le concept Compte Nickel à l’international ?
Hugues Le Bret : C’est un modèle de connaissance des clients et de flux qui peut atteindre plusieurs millions de clients facilement. Nous avons un agrément qui nous permet de décliner le modèle dans l’Espace Européen. Même si chaque modèle est un cas particulier : argent, paiement par carte, fiscalité, innovation, distribution, concurrence…Nous sommes dans un mode d’approche pays par pays que nous sommes en train de documenter.
En l’état actuel, on regarde plus particulièrement trois pays européens. On avancera progressivement à partir de 2017.
Nous avons beaucoup de demandes aussi en Afrique mais ce sera une étape supplémentaire. Mais, là aussi, le marché est énorme au-delà de la très grande proportion de population non bancarisée.
ITespresso.fr : Pourriez-vous envisager des partenariats avec des acteurs télécoms ?
Hugues Le Bret : Sur l’Ile de la Réunion, nous avons établi un partenariat avec un opérateur télécoms qui installe la fibre optique sur place : ZEOP. Il a signé des accords avec les commerçants locaux.
Si on distribue dans un autre pays européen, on pourra peut-être passer par un réseau de distribution télécoms. En France, on n’a pas de projet de partenariat dans ce sens.
(Crédit photo : copie écran vidéo Revue Banque)
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