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Interview Jérémie Mani – Netino : gérer l’afflux de commentaires sur Charlie Hebdo

Journée bousculée pour Netino en raison de l’actualité brûlante liée à l’attentat visant Charlie Hebdo.

Ce prestataire français est spécialisé dans la gestion de la modération des propos sur les espaces d’expression de sites médias (Europe 1, Le Monde, L’Obs, BFM TV, Europe 1, Le Monde…) et de médias sociaux (surtout les pages Facebook).

Il a dû gérer l’afflux de commentaires liés à l’actualité très chaude. Avec la polémique sur l’ouvrage de houellebecq et maintenant l’assaut sur Charlie Hebdo, la montée en charge de l’activité a été perceptible cet après-midi. Explications de Jérémie Mani, Président de Netino.

(Interview réalisée le 7 janvier vers 18H00)

ITespresso.fr : Comment faire face à l’afflux de commentaires sur Internet à modérer avec cet attentat visant Charlie Hebdo ?

Jérémie Mani : C’est un attentat d’une ampleur terrible et cela faisait des années que nous n’avions pas subi un tel impact. Et la situation exceptionnelle suscite un certain émoi. Tous nos clients médias sont nerveux car le volume de commentaires explose. C’est d’abord l’indignation qui s’exprime à travers les messages laissés dans les commentaires sous les articles et sur les pages Facebook des médias.

Nous sommes en alerte rouge de notre côté en raison de la montée en charge de la modération à effectuer. En interne, nous mobilisons davantage les équipes de modérateurs et de superviseurs sur ce volet en mettant temporairement de côté le contrôle qualité. Nous essayons également d’établir des algorithmes pour mieux définir les priorités et cerner les messages à risque.

ITespresso.fr : Comment régler le curseur des algorithmes ?

Jérémie Mani : Des mots-clés jugés sensibles sont définis. A charge ensuite pour le modérateur d’accepter ou non la contribution. Nous procédons à un retrait automatique des messages comprenant des injures comme « connard » ou « enculé ». Cela reste anecdotique.

En revanche, prenons par exemple, prenons le mot « prophète ». Pris dans le contexte de l’actualité Charlie Hebdo, il sert surtout à railler le prophète Mahomet. Il faut donc faire attention aux nuances. Dans ce cadre-là, il y a plus de possibilités que ce terme soit employé pour alimenter un commentaire raciste.

ITespresso.fr : Concrètement, quelle hausse de volume de commentaires avez-vous observé cet après-midi ?

Jérémie Mani : On a reçu au minimum 500 000 messages sur notre panel de clients médias (une trentaine de médias en ligne comme Le Figaro, Europe 1, Le Monde, France Télévisions, L’Obs…sur une centaines de clients au global).

Sûrement un peu plus mais cela prendrait du temps à calculer car c’est réparti sur plusieurs centaines de flux différents (un même client pouvant avoir de nombreux espaces de dialogue).

De plus, il faut prendre en compte les réactions plus tardives qui vont arriver dans la soirée lorsque les gens reviendront de leur travail. Selon les espaces de dialogue, cela va de x2 à x5 par rapport à une journée moyenne.

Il y a parfois des cas décalés à régler car beaucoup d’internautes ont changé leur avatars pour adopter la petite image « Je suis Charlie » et cela peut susciter quelques railleries ou au contraire des soutiens spontanés sur les espaces de discussion sur des sites de marques. Même si ce n’est pas le lieu pour tenir ce type de discussion.

Nous avons aussi des appels à manifester répétitifs (même si on peut trouver cela légitime) que nous devons supprimer.

ITespresso.fr : Vous avez des interactions à chaud avec les rédactions des médias et vos équipes de modération ?

Jérémie Mani : Souvent des échanges d’e-mails pour gérer la situation et la montée en charge. Quitte à fermer certains espaces pour canaliser les réactions sur des flux prioritaires. Mais on sait que la journée sera chargée pour l’un et pour l’autre. On sait que le contrôle sera imparfait car il faut aller à l’essentiel et parer au plus urgent.

ITespresso.fr : Dans quelle mesure distinguez-vous la modération sur les réseaux sociaux et les commentaires glissés sous les articles ?

Jérémie Mani : Nous avons la main sur la modération des commentaires diffusés dans ces deux types d’espaces de dialogue. En revanche, on unifie la gestion via notre interface mais le mode de modération diffère en fonction du canal.

Sur Facebook, c’est toujours a posteriori car le réseau social ne nous laisse pas le choix. Nous intervenons quelques secondes ou quelques minutes plus tard.

Pour les articles sur les sites médias, la modération se fait davantage a priori. Ce qui limite l’apparition de messages à connotation raciste. Nous travaillons par équipe dédiée par support (une pour Le Monde, une pour Le Figaro, etc.) pour gagner en efficacité.

ITespresso.fr : Le poids des contributions sur les réseaux est devenu plus important à gérer que les commentaires ?

Jérémie Mani : C’est un poids croissant. Certains médias ont davantage de commentaires via Facebook que directement via leur site. La proportion par média tend à s’équilibrer. Cela dépend aussi des efforts réalisés par les médias pour gérer leur présence sur les canaux sociaux et s’affranchir de l’influence de Google News.

ITespresso.fr : Avez-vous perçu un phénomène hashtag « Charlie Hebdo bien fait » sur Twitter ?

Jérémie Mani : On a eu quelques échos en termes de commentaires générés dans ce sens. Tout comme des propos islamistes ou favorisant la théorie du complot.

C’est trop chaud. On manque un peu de recul pour connaître la proportion de ce type de propos. Mais le fait que les journalistes écrivent des articles sur le sujet de « Charlie Hebdo bien fait » engendre des commentaires sur la même tonalité.

En l’état actuel, on ne voit pas trop de commentaires pour crier à la vendetta. C’est d’abord de l’indignation mais, dans les prochains jours, je ne doute pas que le sujet sera repris sur fond de récupération politique.

Lorsque la vague spontanée de réactions d’internautes lambda sera passée, ceux qui ont l’habitude de diffuser des commentaires de contestation dans les espaces de discussion sur les sites médias reprendront leur droit.

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