Depuis 2002, la société Internet Netino prend en charge la modération des propos sur les espaces d’expression de sites médias (20minutes.fr, BFM TV, Europe 1, Le Monde…) et de médias sociaux (comme des pages Facebook). Cette semaine, elle s’est retrouvée sur les charbons ardents avec l’agression de Créteil sur fond d’antisémitisme (voir Atlantico.fr).
Auparavant, sur un ton plus léger, elle a également publié une enquête sur les 7 tendances social media pour 2015.
Retour sur le positionnement de « modérateur 2.0 » et sur l’évolution de la gestion des médias sociaux en entreprise avec Jérémie Mani, président de Netino.
(Interview réalisée fin novembre 2014 par mail)
ITespresso.fr : Aux États-Unis, les sites médias Re/Code.net et peut-être The Washington Post songent à supprimer les fonctions commentaires. Que pensez-vous de cette approche ?
Jérémie Mani : Je lis parfois cela… mais ne l’entend jamais de nos clients ou contacts habituels. Au contraire, je peux citer des dizaines de medias en France, en Europe et aux USA qui innovent dans les commentaires et cherchent à en tirer un meilleur bénéfice éditorial. Ou un bénéfice financier.
La dernière étude du WAN-IFRA (un organisme regroupant des titres de presse au niveau mondial) a interrogé une centaine d’éditeurs dans 60 pays différents et le consensus était que l’avenir de la presse passe par le digital et que le participatif en sera une des composantes.
Parmi les points relevés par l’étude : les commentaires permettent de rester pertinents, en comprenant mieux les avis et les peurs de leurs lecteurs (« ne pas rester dans notre tour d’ivoire »; « Dans chaque article, il y a au moins un commentaire soulignant un fait que l’article ne traite pas… et qu’il aurait dû traiter »).
Mais je vous rejoins sur le fait qu’il reste beaucoup à faire pour tirer un meilleur partie de tous ces gens qui veulent s’exprimer.
Par ailleurs, l’idée commence à percer que la forme influence le fond. Reléguer les commentaires tout en bas, laisser les gens réagir sans lancer un débat clairement défini, entasser des commentaires…ne facilite pas l’émergence de commentaires de qualités.
Un média comme Le Monde l’a très bien compris, en lançant des « Conversations », via l’outil Livefyre, qui permettent des débats d’actualité passionnants, entre commentateurs. Il reste milles choses à inventer.
ITespresso.fr : Les espaces commentaires des sites médias font souvent l’objet de déferlement de haines et d’aigreur. En même temps, ce sont des outils communautaires qui constituent des poches d’audience. Comment concilier les deux ?
Jérémie Mani : En moyenne, nous retirons 20% des commentaires de nos clients médias. Sur ces 20%, la moitié sont des propos de type publicitaires, des doublons, des messages trop mal écrits…
Sur l’autre moitié, on trouve des messages agressifs, parfois insultants. Le reste constitue des propos haineux. Mon point est de souligner le fait qu’il ne s’agit que d’une minorité de propos (certes indésirable).
A mon sens, le vrai problème vient moins des trolls et autres « haters » que de la difficulté à faire remonter à la surface les commentaires pertinents, censés, instructifs. Car il y en a pas mal ! Mais ils sont noyés dans la masse.
Réussir à les rendre plus lisible créerait un cercle vertueux qui inciterait d’autres internautes à écrire à leur tour, pour être visible également. Pour concilier les deux, il faut « le bâton » (c’est à dire la modération, ce que tous les médias font déjà) mais aussi « la carotte » qui récompense les meilleurs contributeurs en les remerciant, les mettant en avant, etc. Aujourd’hui, faute de temps, peu de médias le font.
ITespresso.fr : L’essor des médias sociaux nécessite-t-il en contrepartie la création de cellules digitales dédiées en entreprise ?
Jérémie Mani : S’il y a bien quelque chose d’immuable dans les réseaux sociaux, c’est que tout change tout le temps !
C’est la nature des internautes qui veut cela et l’attrait pour la nouveauté. Forcément, cela implique d’avoir des professionnels dont c’est le métier, à qui on donne le temps de suivre cela voire d’anticiper les tendances. Mais ils ne pourront pas tout faire. Ce ne serait surement pas souhaitable d’ailleurs. La clé résidera sûrement dans une équipe interne plus ou moins staffée (selon les budgets) qui encadrera des prestataires spécialisés.
Rien de nouveau sous le soleil : fin 1999 / début 2000, on voyait apparaître dans les entreprises des webmasters, sortes de « M. Web » en charge du site Web, de son référencement (SEO, SEM), de sa promotion (e-mailing, e-pub, affiliation, …) et de son évolution technique etc.
On voit bien que l’on est passé d’une petite équipe polyvalente et plusieurs spécialistes. Mais pilotés par l’interne. Tout porte à croire que ce sera pareil avec la complexification naturelle des sujets touchant à ce qu’on désigne par social media.
ITespresso.fr : Estimez-vous que le community manager équivaut à une vraie nouvelle fonction en entreprise ou n’est-elle pas finalement englobée dans les fonctions marketing ?
Jérémie Mani : Tout dépend de qui prend en main le social media au sein de l’entreprise. Parfois c’est la communication, parfois le marketing, parfois encore le service clients. Ou encore les RH ! En réalité, tous ces services sont concernés.
Il sera donc difficile de cantonner le community manager à un service en particulier. Je l’imagine plutôt comme une fonction support, transversale, facilitant la prise de parole des différents services sur ces espaces de dialogue. En évitant la surpression qui ferait fuir les fans et desservirait tout le monde.
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