Interview Olivier Godart – Darty.com : « 15% du chiffre d’affaires global sur le Web, multi-canal compris »
Le directeur e-Commerce de Darty aborde les problématiques multi-canal, mobilité et magasins connectés de l’enseigne.
Tout comme la FNAC ou Boulanger, Darty cherche ses marques dans le commerce connecté. Comment faire vivre en harmonie le réseau physique de vente et les canaux digitaux comme les applications mobiles et le site Web ?
A l’occasion du salon ROOMn organisé en avril, Olivier Godart, Directeur e-Commerce chez Darty, explique les initiatives digitales prises par l’enseigne pour faire face à des concurrents redoutables comme Amazon.com.
Objectif : décloisonner les univers magasins et Internet et fluidifier le parcours client.
(Interview réalisée le 3 avril 2015)
ITespresso.fr : Comment avez-vous ancré Darty dans une dimension digitale ?
Olivier Godart : Le premier site vitrine Darty.com a été mis en ligne en 1996. Il est devenu marchand en 1999.
Nous avions un avantage net dès le départ : toute l’infrastructure IT était structurée autour des bases de données magasins. Du coup, sur des thématiques de click and collect ou de réservation en magasin, nous avons pu aller plus vite car le socle était déjà uniformisé.
Dans le cadre d’une réorganisation de Darty survenue il y a deux ans, une direction digital marketing a été installée. Pour monter une stratégie cross-canal, nous avions la conviction qu’il fallait d’abord une transformation en interne.
ITespresso.fr : Quelle est votre vision cross-canal au sein de Darty ?
Olivier Godart : Nous avons abattu toutes les cloisons entre Internet et les magasins. Nous sommes plutôt en avance sur ces thèmes, même si ce n’était pas évident pour nos vendeurs en magasin de s’y retrouver. Car le niveau d’information et d’équipement de nos clients a tellement augmenté qu’ils avaient du mal à suivre.
Je pense que nous avons ré-équilibré la balance : on trouve le même niveau d’infos en magasin que sur Internet avec un accès en mobilité. Comment cela va évoluer ? C’est difficile à savoir car la dimension cross-canal peut changer rapidement en six mois.
Actuellement, l’attente des clients comme le click and collect est à peu près couverte par Darty. La tendance augmente fortement en 2014. C’est un moyen de retrait plébiscité par les clients. Et Darty s’engage à rendre le produit disponible en magasin en une heure. Pour des produits plus rares, la promesse est plutôt tenue sur deux jours.
ITespresso.fr : La plateforme logistique est uniformisée pour préparer les commandes ?
Olivier Godart : En aval, les fenêtres d’accès sont multiples (Internet, magasins, click and collect…). Mais le cœur du système est le même en amont.
Que vous fassiez une commande via Darty.com à partir d’un PC fixe, d’un téléphone, sur une tablette ou en magasin, tout se déverse dans le même puits de données au final.
C’est ce qui permet au client d’avoir une vision rapide et globale de ses achats réalisés en mode multi-canal à partir de l’espace client sur Darty.com.
ITespresso.fr : Darty est connu pour ses services après-vente (garanties équipements….). Cette dimension est fluide dans le parcours digital du client ?
Olivier Godart : Quel que soit le canal utilisé, l’engagement Darty demeure le même. Après, il y a encore des axes d’amélioration qui sont des priorités pour 2015.
Il existe certains services qui nécessitent des souscriptions que l’on a du mal à vendre par les canaux digitaux. Nous privilégions jusqu’ici leur réalisation en magasin mais nous voulons avancer dans le numérique car c’est une demande forte des clients.
Par exemple, la signature électronique est un sujet que l’on ne gère pas en l’état actuel mais cela fait partie des sujets que l’on va aborder.
ITespresso.fr : Quelle est la part des ventes que Darty réalise en mode multi-canal ?
Olivier Godart : On considère que 15% du chiffre d’affaires global est réalisé sur Darty.com. Mais cela ne retrasncrit pas vraiment la réalité dans un groupe aussi cross-canal que Darty. En réalité, c’est le dernier clic que l’on cherche à mesurer dans le parcours d’achat.
On essaie d’affiner les connaissances pour déterminer les meilleurs canaux ou chemins qui aboutissent à une vente. Ainsi, on pourrait admettre que la moitié des achats sur Darty.com ait été effectuée après une visite en magasin. Ou vice-versa.
ITespresso.fr : Comment percevez-vous les enjeux associés à la mobilité ?
Olivier Godart : Nous nous intéressons d’abord aux vendeurs sous cet angle. Nous sommes en train de déployer une solution en magasin : une tablette qui couvre 95% des fonctions vente.
65 magasins sont équipés à date mais cela nécessite des formations pour les forces de vente concernées (e-learning, guides, sensibilisation du management).
Côté client, notre site mobile transactionnel, créé il y a deux ans, sera relifté d’ici l’été. A côté, nous exploitons des applications développées au cours des trois dernières années (Android, iOS et une spéciale pour l’iPad).
ITespresso.fr : Sur la dimension du magasin connecté, vous avez fait du buzz autour de l’arrivée du robot Nao pour des démos produits…
Olivier Godart : Au-delà de la question d’image de dynamisme, cela reste quelque chose d’assez expérimental. On regarde le champ des possibles mais on ne parle pas de déploiement à grande échelle.
Nao est original et rigolo mais il reste un programme applicatif limité en termes d’interactions mais on attend qu’il soit vraiment un super-démonstrateur de produits connectés.
C’est un sujet d’actualité pour les marques : comment pousser les présentations des produits en magasin pour attirer l’attention du client ?
Parallèlement, nous équipons tous nos magasins en accès Wi-Fi ouvert aux clients, aux vendeurs et aux autres collaborateurs (l’intégration est assurée par Orange Business Services avec du matériel Cisco).
ITespresso.fr : Quels sont les principaux objectifs fixés ?
D’ici fin 2016, tous les magasins (270) seront digitalisés avec tous les vendeurs formés aux usages cross-canal : Web-to-Store et Store-to-Web, système de « wish list » pour que la vente avec un client demandant un temps de réflexion soit facilitée…
Nous avons récemment mis en place un dispositif de commissionnement pour les vendeurs pour les stimuler en cas de ventes cross-canal dans laquelle ils ont vraiment joué un rôle déterminant.
ITespresso.fr : Comment avancez-vous sur la question du paiement mobile pour le vendeur ?
Olivier Godart : Via la tablette et l’infrastructure Wi-Fi, le vendeur peut déclencher des transactions sur des postes d’encaissements dispersés dans le magasin. D’habitude, la transaction est réalisée sur un terminal classique de paiement électronique (TPE) relié à un PC. Mais les places sont limitées pour mettre ce dispositif.
Avec la nouvelle approche, on peut adopter des postes d’encaissement plus réduits uniquement avec un TPE. Le vendeur peut déclencher une transaction n’importe où dans le magasin via le Wi-Fi. En fait, c’est une surcouche logicielle appliquée sur la monétique existante en IP avec une interface dédiée.
ITespresso.fr : La relation client et l’accès à l’information sont compliqués à gérer pour le vendeur. Tout client en magasin peut comparer les prix multi-enseignes depuis son smartphone…
Olivier Godart : C’était compliqué auparavant car le vendeur n’avait l’information qu’à partir d’un poste fixe alors que le client se balade dans les rayons avec son smartphone en main.
Maintenant, le vendeur dispose d’outils nomades : une tablette (en fait des phablettes Samsung Galaxy Note 3 light de 5.5 pouces) et une application interne baptisée « Qui est le moins cher ? Et services compris ».
C’est utile pour la vente de gros électro-ménager. Il récupère en temps réel le prix des produits par les concurrents et on ré-intègre la dimension service.
C’est une valeur ajoutée chez Darty qui peut faire la différence dans le cas de l’achat d’une machine à laver par exemple (installation à domicile, retrait de l’ancienne machine, explication de son fonctionnement…).
Si on remet les services connexes dans le contexte de vente, on est toujours moins cher que la concurrence.
Les prestataires IT actuels qui comptent pour Darty (avril 2015) :
- Orange Business Services : intégration Wi-Fi en magasin avec du matériel réseau sans fil Cisco
- Pure Agency (groupe Jouve) : design du site marchand et application mobile
- Ocito (groupe 1000Mercis) : développement des applications mobiles