(Update 12h00) Le groupe Teads se concentre sur son développement en pariant sur la vulgarisation de la publicité vidéo outstream, qui suppose une intégration au cœur des contenus médias.
Dans le débat concernant l’adblocking, la position de son président exécutif Pierre Chappaz est assez tranchée : « Les adblockers ont amené une certaine auto-régulation dans l’industrie publicitaire ».
La semaine dernière, Teads a publié une étude sur les motivations des internautes à opter pour ce type de logiciels de blocage de publicité.
Juste auparavant, nous avions interviewé Pierre Chappaz en marge d’une table ronde organisée par Integral Ad Science relative au développement de la publicité mobile.
(Interview réalisée le 21 janvier 2016)
ITespresso.fr : Quelles sont les priorités pour Teads en 2016 ?
Pierre Chappaz : Nous allons davantage mettre l’accent sur la publicité vidéo native sur le mobile. D’ores et déjà, 50% de notre inventaire vidéo natif est sur mobile. Cela répond à une grosse demande de nos annonceurs car la consommation est sur mobile. Et ce, alors qu’il existe peu d’inventaire pré-roll disponible sur mobile.
Tout cet inventaire hyper-qualitatif au sein des plus grands médias français (Nouvels Obs, Les Echos, NextRadioTV, TF1…) comme de toute la planète est désormais disponible en programmatique.
Dans le monde entier, nous disposons d’un reach de 745 millions de visiteurs uniques, avec une sur-représentation CSP +. C’est pour cette raison que les marques premium mondiales travaillent avec nous : Samsung, Microsoft, Cartier…Ce qui ne nous empêche pas de travailler avec des marques de grand consommation.
Procter & Gamble est notre plus grand client au regard du montant de son investissement dans le digital et du nombre de marques dans son portefeuille.
ITespresso.fr : Pourquoi existe-t-il si peu d’inventaire pré-roll sur le mobile ?
Pierre Chappaz : Le format pré-roll est très mal adapté sur le mobile. Son principe fondamental – obliger un internaute à regarder une pub alors qu’il veut accéder à une vidéo – constitue une expérience pénible sur le desktop. Ca l’est encore plus sur le mobile. Il faut des formats plus respectueux de l’utilisateur, en particulier les formats natifs.
Nos formats vidéo insérés au sein des articles médias ne forcent pas la main des utilisateurs. C’est une proposition opt-in à l’utilisateur qui peut choisir de regarder la publicité ou l’ignorer s’il n’est pas intéressé.
Globalement, 64% des pre-rolls au niveau mondial sont vues moins de deux secondes (source : Integral Ad Science, deuxième trimestre 2015).
ITespresso.fr : Comment considères-tu les débats sur l’adblocking ? Un mal (blocage de la pub) pour un bien (réflexions pour une publicité plus responsable) ?
Pierre Chappaz : Teads a été l’un des premiers acteurs à prévenir le marché sur la montée de l’adblocking. En particulier en France. En Allemagne, pays d’invention de l’adblocking, 61% des pré-rolls sont bloqués.
La raison est simple : les internautes en ont marre d’être agressé par des formats primitifs à travers lesquels on les oblige à regarder des pubs (potentiellement non skippables) qui ne les intéressent pas. Pour Teads, c’est une super opportunité puisque l’on cherche à se montrer respectueux vis-à-vis des utilisateurs.
Un shift est en train de se produire : d’une copie inintelligente des formats vidéo télé, on passe vers des formats natifs beaucoup plus smart et beaucoup mieux intégrés. La publicité vidéo native est en train de devenir mainstream en volume d’inventaire.
Je dirais que la montée des adblockers va dans le bon sens. Il faut que l’industrie (agences, marques, éditeurs, acteurs technos) créent des expériences publicitaires plus respectueuses. L’annonceur veut que sa marque soit vue et que la pub suscite de l’engagement longue durée du côté des utilisateurs.
Début 2015, j’avais aussi alerté le marché sur le format intersticiel qui se révèle aussi une expérience utilisateur catastrophique. L’utilisateur ne regarde pas la pub en priorité mais la petite croix pour fermer la page. Je suis ravi de constater que ce format est en retrait.
Les adblockers ont amené une certaine auto-régulation dans l’industrie publicitaire. Sinon, tout le monde va télécharger un logiciel dans ce sens.
ITespresso.fr : Faut-il négocier avec les adblockers ?
Pierre Chappaz : C’est un business un peu mafieux. Si vous payez la société qui édite le logiciel adblocker, il va laisser passer vos publicités.
C’est relativement anecdotique par rapport au problème de fond. Il faut considérer la montée des adblockers comme une réaction légitime des utilisateurs. C’est un signal d’alarme. Les internautes nous disent : « Arrêtez de nous agresser avec des publicités qui nous bloquent dans notre navigation. »
ITespresso.fr : Cela change la vidéo native en termes de performance côté client ?
Pierre Chappaz : Les performances sont meilleures parce que l’utilisateur choisit de s’intéresser à la publicité. Ce qui va de pair avec la montée du business model en CPV (coût par vue). On a été les pionniers de ce modèle par opposition au coût par impression (CPM). Quand l’annonceur travaille avec nous, il ne paie que les vidéos effectivement vues.
ITespresso.fr : D’un point de vue business, où en est le développement de Teads ?
Pierre Chappaz : Nous avons recruté 150 personnes l’an passé. Nous sommes désormais présents dans 18 pays avec un effectif global de 450 collaborateurs maintenant. Avec une très grosse croissance aux Etats-Unis devenus de très loin notre premier marché. Notre couverture est globale là-bas : New york, Chicago, Los Angeles, Miami pour couvrir l’Amérique du Sud, San Francisco, Denver, Seattle…
Ce marché est considérable et plus mature que le marché européen. Les Américains sont plus sensibles à la viewability (visibilité des campagnes). Toutes les campagnes sont mesurées par des tierces parties indépendantes. Et c’est un facteur favorable pour nous puisque notre format est visible par design.
Nous faisons également une très forte croissance au Royaume-Uni. La France est notre marché historique et il reste important. On a commencé à couvrir l’Asie par le Japon.
ITespresso.fr : Tu confirmes que l’échéance de l’introduction en Bourse de Teads recule…
Pierre Chappaz : Tu as vu l’état des marchés ? [Le jour de l’interview le 21 janvier, la une des Echos était : « Le krach rampant », ndlr]. Il n’y a plus d’IPO au Nasdaq. Pour le moment, ce n’est pas envisageable. On pourrait même percevoir un début de krach boursier si on regarde ce qui se passe. On pourrait coter en Bourse en France mais on manquerait de liquidité sur le titre.
J’ai regardé des deux côtés pour envisager une IPO entre l’Europe et les Etats-Unis. J’ai l’impression que cela va rester en stand-by pendant un certain moment. On peut attendre : Teads est toujours en croissance. Nous n’avons pas un besoin urgent de financement.
(Crédit photo : Teads)
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