ITespresso.fr : La vraie révolution, c’était le bitcoin, ou sa technologie blockchain ?
Sébastien Jehan : Il semblerait que cette révolution vienne des applications rendues possibles par la blockchain, dont bitcoin (ou plus généralement tous les crypto-assets) fait partie.
On est donc parti d’un cas particulier pour aboutir à une technologie qui se veut maintenant plus générique, et qui d’ailleurs remet en cause la pérennité de sa source (la première technologie bitcoin montrant des faiblesses inextricables, dont la capacité de calcul non optimisée et l’impossibilité d’étendre la technologie à autre chose que de la monnaie, ou difficilement – les Colored coins).
La blockchain est une abstraction des opérations du bitcoin, tout comme on a construit l’algèbre à partir des opérations sur les nombres. Son pouvoir d’adhésion est immense.
ITespresso.fr : Peut-on faire un parallèle entre la technologie blockchain et d’autres protocoles de l’Internet comme le TCP/IP ou le HTTP ?
Sébastien Jehan : Si analogie il y a, alors ce serait avec TCP/IP et rien d’autre. La technologie de la blockchain est amusante dans le sens où les préoccupations communautaires sont essentiellement très techniques et semblent décorrélées de toute application commerciale immédiate.
On y parle de miners, de savoir si les programmes y sont Turing complete ou pas (une sorte d’étalon de mesure concernant la maturité de la technologie), d’algorithmes cryptographiques aux noms barbares (secp256k1 curve pour Bitcoin), etc.
Pourtant, ces préoccupations très éloignées du quotidien de l’économie réelle pourraient bien être le futur des échanges économiques dans un avenir lointain.
Penchons-nous sur l’histoire des technologies: dans les années 1980, qui s’intéressait à l’intérêt d’un segment SYN/ACK sur le TCP avant qu’il soit adopté par ARPANET ? Pourtant, il a permis l’émergence du Web.
ITespresso.fr : Quelles sont les principales applications de la blockchain ? Est-ce limité aux Fintechs ?
Sébastien Jehan : Absolument pas. Il se pourrait même que le monde de la finance soit le dernier à accueillir ces innovations ouvertes, par son désir de protéger certains business modèles existants (par exemple, les dépositaires) et aussi par son appropriation de l’innovation à travers des blockchain « privées » dont l’intérêt est encore à prouver.
Pour reprendre l’analogie précédente, un seul protocole public (Ethernet) a fait péricliter les initiatives privées pourtant un moment (avant l’Ethernet commuté) supérieures technologiquement, comme Token Ring.
Si la blockchain devient l’infrastructure globale de l’économie, alors il y a de fortes chances, par les économies d’échelle engendrées, qu’un seul réseau public soit dominant; dans ce cas investir dans une blockchain privée est une perte de temps. Mais l’avenir le dira…
ITespresso.fr : Sur quels projets travaillez-vous chez Chaineum ?
Sébastien Jehan : Nous misons sur une rupture avec les modèles « notariaux » de l’économie, en ce qui concerne le partage des actions entre fondateurs, la relation patron / salariés…
Anticipant ces changements à venir, nous souhaitons créer l’incubateur de demain, basé sur un contrat technologique, une mesure concrète de l’innovation et des apports des individus créateurs, dans une économie collaborative.
A ce stade, nous construisons encore cette plateforme d’incubation en ligne à travers la blockchain. Mais nous avons aussi une activité d’incubateur plus classique où nous n’acceptons que les projets Blockchain avec qui nous partageons nos analyses technologiques et certains de nos outils.
Un de nos projets les plus prometteurs est une preuve cryptographique de la garantie d’un CV; mais, ce qui nous a surpris, c’est la diversité des idées d’application possibles concernant la Blockchain.
ITespresso.fr : Pensez-vous que de grandes institutions financières comme des banques centrales pourraient un jour opter pour ce genre de technologies ?
Sébastien Jehan : La banque centrale est le pilier fondateur de l’organisation de nos sociétés, parfois plus que les politiques actuels. La blockchain peut surprendre par ses applications mais la technologie ne changera jamais l’organisation des États.
En revanche, ces technologies représentent une grande opportunité dans l’optimisation des échanges interbancaires, et repositionne les banques dans un rôle plus innovant en mutualisant l’aspect technologique pour l’instant largement trop coûteux pour le service rendu.
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