Un pied dans l’assurance, l’autre dans le marketing digital. Stanislas Di Vittorio est un entrepreneur pionnier du Net en France. En 2000, il faisait partie de l’équipe fondatrice d’Assurland, un comparateur en ligne d’offres d’assurance qui a connu quelques turpitudes.
A partir de 2004, Stanislas Di Vittorio bifurque vers les techniques d’exploitation commerciale des mos-clés dans la recherche en ligne (SEM en anglais) avec eSearchVision devenue ESV Digital pour mieux refléter le caractère multi-prestations dans le marketing digital.
L’expansion géographique d’ESV Digital se poursuit (avec une présence dans 8 pays) mais aussi l’extension des compétences technologiques avec Wizaly, une nouvelle offre d’attribution pour mieux gérer ses campagnes dans un mode omnicanal.
Celle-ci a été présentée à l’occasion du récent salon E-marketing Paris. Nous avons rencontré sur place Stanislas Di Vittorio sur le stand ESV Digital.
(Interview réalisée le 18 avril 2017)
ITespresso.fr : Comment assurez-vous la double gestion d’Assurland et d’ESV Digital (ex-eSearchVision) ?
Stanislas Di Vittorio : Assurland, portail de comparaison d’assurances, a été fondé en 2000 par une équipe d’associés (1) dont je faisais partie. Avec cette société, nous avons commencé à gagner de l’argent assez rapidement au bout de 18 mois pour être assez bien profitable en 2003. C’était important compte tenu du contexte de l’époque (bulle Internet puis éclatement).
Lorsque la question de la vente d’Assurland a été posée, les discussions se sont mal passées avec mes associés. Bien que nous ayons traversé des moments durs, je n’étais pas d’accord pour vendre la société. Je considérais que c’était trop tôt. Ca s’est mal passé et j’ai quitté la société [tout en demeurant actionnaire et administrateur dans Assurland, ndlr].
J’ai commencé à réfléchir à un autre projet dans le domaine de la recherche sur Internet. Je suis parti avec l’un des co-fondateurs d’Assurland [Olivier Moustacakis] pour monter eSearchVision en 2004 sur le créneau du Search Engine Marketing (devenue ESV Digital).
Côté Assurland, les choses tournaient mal. La perspective de vente de la société ne s’était pas concrétisée. Au bout de quelques mois, j’ai commencé à chercher un investisseur pour la reprise et j’ai trouvé Jean-Claude Seys, fondateur du groupe d’assurance mutualiste Covea fédérant des marques comme MAAF, MMA et GMF, qui a procédé courant 2005 à une prise de participation majoritaire dans Assurland pour garantir le développement [20 millions d’euros injectés selon la presse].
A partir de novembre 2010, j’ai repris les rênes d’Assurland (2). Je dispose toujours de la double casquette de dirigeant qui gère à la fois ESV Digital et Assurland.
ITespresso.fr : Comment s’est passée la transition entre eSearchVision et ESV Digital ?
Pendant ce temps, eSearchVision a continué à croître mais le SEM manuel connaissait ses limites et nous avons décidé d’automatiser les processus en vue de l’optimisation de la gestion des mots-clés.
Nous avons progressivement ouvert des filiales : Royaume-Uni, Etats-Unis, Italie…Aujourd’hui, nous sommes dans huit pays – France, Luxembourg, UK, Espagne, Italie, Suède, Etats-Unis et Brésil – avec 200 collaborateurs.
A partir de la période 2010/2011, nous nous sommes rendus que le créneau SEM devenait trop étroit pour accompagner nos clients qui veulent mieux utiliser le potentiel du numérique.
Du coup, nous avons étendu nos compétences à tous les canaux de performance marketing (publicité programmatique, branding, e-commerce, animation des réseaux sociaux, analytics…). D’où le nom d’ESV Digital.
Pour boucler la mutation, nous avons créé une quatrième business unit autour du conseil et nous avons commencé à la déployer à Paris et Londres.
Ce bouquet permet d’accompagner nos clients dans l’ensemble de la sphère du digital, mis à part dans l’e-mailing car nous estimons que l’influence de ce canal e-marketing diminue progressivement.
ITespresso.fr : Comment se répartit votre business dans cette nouvelle configuration ?
Stanislas Di Vittorio : La partie search est clairement devenue minoritaire. Grosso modo, le performance marketing doit représenter 40%, le conseil 25% et l’analytics 15% [le reliquat se trouve dans la partie « média »].
C’est difficile d’avoir une vue homogène sur huit bureaux et sur 200 clients comme Conforama, Air France, MeilleursTaux, Uriage, Groupama, Toys’R Us ou Alain Afflelou. Car nous ne fournissons pas la même étendue de services en fonction des marchés et nous fournissons à nos clients des prestations à géométrie variable.
ITespresso.fr : Quels outils développez-vous en interne ?
Stanislas Di Vittorio : Notre outil SEM constitue le cœur historique de notre gamme de produits. L’autre outil que nous avons développé en interne tourne autour des modèles d’attribution algorithmique (3). Il devient une marque autonome : Wizaly.
L’outil va étudier chaque interaction avec l’internaute (prospect ou client) par canal et on définit un poids en fonction des interactions pour déterminer quels sont les canaux qui ont compté dans la conversion finale.
Le calcul se fait sur des millions de chemins. Nous sommes en mesure d’évaluer les meilleurs messages en fonction des bannières publicitaires et sur quels types de supports online et offline.
En fait, Wizaly répond à la question : comment je gère mon média mix ? C’est typiquement un outil que l’on adresse aux directeurs marketing des entreprises et à travers lequel on cherche à comprendre ce qui stimule la conversion.
La promesse, c’est de rationaliser le budget marketing avec une intention d’aboutir à budget égal à une fourchette de 15 à 30% de conversion supplémentaire.
ITespresso.fr : Comment maniez-vous l’intelligence artificielle ?
Stanislas Di Vittorio : Elle rentre déjà sur nos deux plateformes algorithmiques et d’exploitation big data. L’intelligence artificielle au sens large est exploitée pour le volet SEM avec la partie bidding et pour le volet attribution pour évaluer les meilleurs chemins possibles pour optimiser le ROI. Je dispose d’une vingtaine de personnes qui travaillent vraiment en mode R&D.
ITespresso.fr : Quelles sont les prochaines étapes de développement ?
Stanislas Di Vittorio : Depuis la création de la société, nous avons fait trois opérations de croissance externe de manière raisonnable pour accélérer la mise à disposition de nos quatre domaines de compétence dans chaque pays.
C’est davantage une question tactique en cas de rencontres avec des équipes partageant notre vision. Le tout en conservant un axe France – Royaume Uni – Brésil. Pour ce dernier cas, on a constitué une co-entreprise sur place en coopération avec un fonds de capital-risque allemand. On pourrait faire de même pour avancer en Asie avec un bureau à Hong-Kong probablement.
Sur le volet analytics et économétrie, on est en train de rassembler nos forces avec une société parisienne qui s’appelle Ekimetrics. Là aussi sous une forme de co-entreprise.
ITespresso.fr : En tant qu’investisseur individuel, dans quelle mesure vous vous impliquez dans l’écosystème start-up ?
Stanislas Di Vittorio : Cela m’est arrivé ponctuellement de mettre un ticket pour des copains mais je le fais de façon marginale pour CapHorn Invest notamment. Honnêtement, je n’ai pas le temps.
ITespresso.fr : Vous êtes l’un des pionniers du Net en France. Quels changements observez-vous dans l’économie numérique en plus de 15 ans ?
Stanislas Di Vittorio : En 2000, le phénomène Internet était émergent. Et quand la bulle Internet a éclaté, nous n’avons été pris au sérieux. Cela tournait même à la stigmatisation. A l’époque, on prétendait qu’Amazon allait disparaître au bout de dix ans…
On s’aperçoit que la donne a vraiment changé avec l’émergence de mastodontes [une allusion au club GAFA : Google, Apple, Facebook, Amazon] disposant d’une force de frappe sur le marché supérieure par rapport aux acteurs traditionnels.
On va peut-être même trop loin maintenant. Notamment lorsque l’on affirme que des start-up FinTech ou InsurTech vont balayer des groupes comme AXA, la MAIF, BNP Paribas ou Société Générale.
Certes avec « l’ubérisation », l’Internet va changer des choses, comme la fermeture d’agences physiques. Mais de là à entraîner la disparition des groupes, c’est exagéré.
(1) Co-fondateurs d’Assurland: Stanislas Di Vittorio, Olivier Moustacakis, Stéphane Guinet et Cédric Mathorel.
(2) Précisons qu’au moment du retour de Stanislas Di Vittorio aux commandes d’Assurland à partir de 2010, il était prévu une introduction en Bourse qui ne s’est jamais concrétisée. Simultanément, des fonds anglo-saxons comme TA Associates, Silver Lake et Golden Lake Capital Advisors rodaient autour de la société, selon un article du Figaro en date du 2 mars 2011.
Mais les offres de reprise n’ont pas été jugées séduisantes. « On a reçu des offres relevant de l’aumône. On a décidé de ne pas se séparer d’Assurland.com compte tenu des conditions », affirmait Thierry Derez, P-DG du groupe Covea à l’époque selon les propos retenus par La Tribune. Du coup, le comparateur d’assurances est resté dans le giron du groupe Covea.
(3) Modèle permettant de mesurer la contribution de chaque levier ou exposition emarketing (display, affiliation, SEO, liens commerciaux…) à une conversion enregistrée sur un site Web (source : http://www.definitions-marketing.com)
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