« Kamet un très très gros projet, qui n’a pas d’équivalent en France. » Sur VIVA Technology, Stéphane Guinet attend son tour sur l’espace AXA Labs pour exposer devant l’assistance le « projet d’incubateur d’innovations technologiques au service des assurés ».
Jeudi en début d’après-midi, il a juste le temps de préciser le dispositif à ITespresso.fr avant de monter sur l’estrade.
Initialement présenté en septembre 2015 par Henri de Castries (alors P-DG d’AXA), Kamet est « initialement doté de 100 millions d’euros ». Impressionnant pour un start-up studio ancré dans le monde de l’assurance. Du jamais vu.
Le projet est supervisé par Stéphane Guinet, un des plus anciens collaborateurs du groupe d’assurance qui a travaillé auprès de Claude Bébéar pendant 5 ans. Il a notamment fait émerger AXA Global Direct, qui regroupe les activités d’assurance directe du groupe AXA dans le monde (un pôle en pleine croissance).
Cet entrepreneur dans l’âme, qui ne colle pas vraiment à l’esprit conventionnel que l’on adosse souvent au monde de l’assurance, est parti ensuite créer des start-up (Assurland, un service de comparaison d’offres d’assurance revendu à Covea) puis Prima Solutions (fournisseur de logiciels dans l’assurance, revendu à Ilog).
De retour dans la maison AXA, Stéphane Guinet a pour mission de faire croître Kamet, qui dispose d’une équipe de quarante collaborateurs (la plupart recrutés à l’externe). On est tout début de l’histoire.
Stéphane Guinet : L’activité de Kamet a été vraiment lancée début 2016. C’est un start-up studio, à ne pas confondre avec un fonds ou un incubateur. C’est une société qui crée des sociétés.
Sa mission consiste à imaginer, créer et « scaler » des modèles disruptifs dans le secteur au sens large de l’assurance. C’est très impliquant pour le groupe AXA. C’est un modèle qui vient compléter un dispositif existant comme AXA Strategic Ventures, un fonds corporate qui investit dans des start-up.
Avec Kamet, on n’investit pas dans des start-up, nous les faisons avec des entrepreneurs. Notre modèle est à la fois innovant et simple : on source très en amont des dizaines d’idées en permanence. Qu’elles viennent d’AXA ou d’ailleurs.
Nous avons une approche extrêmement sélective de qualification de ces idées. Et pour un nombre limité d’entre elles, on va entamer un vrai processus de solidification. On va mobiliser une équipe pendant douze à quatorze semaines pour en faire un concept ou un prototype modélisé et testé.
On a en permanence 70 idées dans les tuyaux. Sur les huit premières idées qui ont émergé fin janvier entre Paris et Londres (On a aussi une petite équipe d’intelligence artificielle à Tel-Aviv), quatre sont mortes pour des bonnes ou mauvaises raisons, y compris celles que je préférais. Finalement, il s’est avéré que c’était de fausses bonnes idées, comme cela arrive souvent.
Notre finalité, c’est de faire des belles et grosses boîtes avec des modèles qui vont apporter de la valeur pour tout le monde afin de ré-inventer un pan de l’industrie.
ITespresso.fr : Jusqu’où poussez-vous le développement des idées ?
Stéphane Guinet : On se nourrit énormément en sourcing d’idées. Un process qui s’enrichit aussi des AXA Labs, du cœur des métiers du groupe, des prises de participation du groupe…C’est un écosystème autour de nous de plus en plus structuré, qui nous permet de générer des idées.
Notre rôle de start-up studio s’arrête le jour où la société a été créée. Elle opère avec des clients et une plateforme. A partir de ce moment-là, notre rôle change. Nous passons d’un rôle de coach et de mentor à celui de soutien dans le développement de la start-up. A ce moment-là, on se renforce dans le capital au regard du travail effectué et de l’investissement consenti par Kamet au préalable.
Dès la création de la société, Kamet disposera d’une grosse majorité du capital et l’équipe d’entrepreneurs détiendra une grosse minorité du capital. Ils vont mener ce projet avec nous dans les cinq, huit ou dix prochaines années.
ITespresso.fr : Quels sont les premiers projets qui vont émerger via Kamet ?
Stéphane Guinet : Quatre projets sont en cours de fabrication mais ils sont extrêmement confidentiels en l’état actuel. Je n’ai pas pas envie de communiquer en l’état actuel car les modèles sont très disruptifs.
Attendons le moment venu. Probablement à l’automne puisque les premières versions en bêta publique vont sortir au cours du quatrième trimestre.
On parle de projets dans le secteur de l’assurance au sens large, qui ira de plus en plus dans un sens de services pour accompagner nos clients dans leur vie, dans la relation entretenues avec leurs médecins ou leurs voitures. Mais on reste au cœur de la protection des biens et des personnes.
Va-t-on uniquement traiter la dimension assurance sous la dimension du risque ? La réponse est clairement non. Nous allons faire émerger des nouveaux métiers.
ITespresso.fr : A qui reportez-vous au sein du groupe AXA ?
Stéphane Guinet : Nous ne reportons à personne. Nous avons une présidente du conseil de surveillance (Véronique Weill) dans le cadre d’une gouvernance qui est très autonome. Un modèle original comme le nôtre doit être suffisamment loin et suffisamment proche.
La vision de Kamet est d’allier le meilleur des deux mondes : la création d’un environnement extrêmement entrepreneurial et la collaboration d’AXA qui permettra de bénéficier de la puissance d’un grand groupe.
Les entrepreneurs avec lesquels nous collaborons ont déjà un track record et sont intéressés par notre modèle.
ITespresso.fr : Qui vous donne le feu vert pour avancer dans les projets ?
Stéphane Guinet : Kamet est assez libre de choisir ses projets. Nous disposons d’un conseil de surveillance moitié AXA moitié externe qui valide ses projets.
A l’issue des phases d’incubation, Kamet va avoir besoin de capital. AXA demeure un partenaire stratégique très fort. Au moment où nous allons décider d’injecter des fonds pour démarrer les sociétés (5, 10 ou 15 millions d’euros), AXA aura un droit particulier de première vue. Nous entretenons une relation privilégiée mais pas exclusive.
Si AXA ne veut s’engager que partiellement dans le financement, Kamet sera libre de s’adresser à d’autres partenaires. A nous de trouver les liens intelligent pour créer de la valeur pour tout le monde.
ITespresso.fr : Vous avez trouvé un modèle similaire ailleurs ?
Stéphane Guinet : Globalement très peu. Et certainement pas dans le domaine de l’assurance. On trouve beaucoup de start-up studio, dont certains sont très successfuls, en particulier aux Etats-Unis. Mais un start-up studio lié à un groupe corporate, cela n’existait pas.
A l’époque, j’ai convaincu Henri de Castries [ex-P-DG du groupe d’assurance qui a annoncé sa démission en mars dernier, ndlr] du bien-fondé du projet et il m’a fait confiance. Je considèrerais Kamet comme une réussite quand nous aurons monté de vrais leaders. Il y a d’énormes ambitions. Et, en même temps, une énorme humilité car on a tout à prouver.
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