ITespresso.fr : Comment définissez-vous la notion de « m-commerce » ?
Thomas Husson : Quand nous parlons de m-commerce, nous entendons, chez Forrester Research, le commerce sur smartphone. Les tablettes sont réservées à un usage différent et sont davantage utilisées à domicile. Elles concernent une expérience shopping différente de celle réalisée en magasin.
Même si les usages évoluent et que les frontières peuvent être poreuses, beaucoup d’acteurs n’optimisent pas leurs sessions sur les tablettes, où les consultations sont plus longues, les personnes sont alors ouvertes à des expériences plus immersives, pour rechercher des produits, découvrir des marques…
Alors que sur les smartphones, en situation de mobilité, ces mobinautes sont plus dans la réalisation d’une action précise. Les contextes d’usages restent très différents.
ITespresso.fr : Que représente le marché du m-commerce par rapport au e-commerce en Europe et dans le monde ?
Thomas Husson : On estime que la moitié des revenus d’e-commerce seront réalisés sur smartphone et tablette à l’horizon 2018. Ce qui représente un enjeu très fort en termes de croissance. Certains acteurs « pure player » en ont saisi tous les enjeux, comme par exemple, en France, Vente-privée.com (plus de 40% de son chiffre d’affaires s’effectuent sur le mobile), Voyage-SNCF.com (300 millions d’euros de chiffre d’affaires).
Mais, pour beaucoup de « retailers », l’expérience d’achat n’est bien souvent pas encore optimisée pour le mobile.
ITespresso.fr : Quelle place occupe la France, par rapport à ses voisins européens ou aux Etats-Unis ?
Thomas Husson : Des pays sont bien plus avancés dans le m-commerce que la France, à l’image des Etats-Unis, c’est indéniable. Ce pays a pris une longueur d’avance concernant les usages et l’expérience mobile.
La France, du côté des usages des consommateurs, est un peu en deçà de la moyenne européenne. La prise de conscience des enjeux stratégique de la mobilité tarde à venir. Beaucoup d’acteurs ont pensé qu’il ne s’agissait que d’un canal supplémentaire, alors qu’il s’agit en réalité d’un véritable levier de transformation de business, un vrai catalyseur de changement.
Le m-commerce n’est pas juste du e-commerce sur smartphone. Ce qui compte, c’est cette nouvelle capacité à influencer le consommateur tout au long de son parcours d’achat. Ce n’est pas forcément la transaction elle-même qui importe, c’est la valeur ajoutée qu’il faut prendre en compte, toute l’expérience d’achat.
En Europe, le Royaume-Uni, la Suède, les Pays-Bas apportent des offres plus matures dans le m-commerce. Citons, dans le monde, Amazon, eBay, Tesco, John Lewis…
ITespresso.fr : Dans ce contexte, pourquoi les e-commerçants français ont-ils pris si tard conscience des enjeux liée au m-commerce ?
Thomas Husson : Dans beaucoup de pays européens, cette prise de conscience est encore récente. Dans d’autres pays que le France, les usages mobile étaient plus matures. Le Royaume-Uni est ainsi un marché de tête de pont pour les Américains, qui testent des tendances avant l’Europe continentale.
Sur le marché français, certains acteurs ont su mobiliser leurs offres autour du m-commerce. Mais des grands groupes, des entreprises moins agiles de type CAC 40, cette prise de conscience des enjeux stratégiques autour de la mobilité a eu du mal à se mettre en place : manque de mobilisation, de ressources…
ITespresso.fr : Grâce à l’iPhone et l’iPad, Apple a favorisé l’essor du m-commerce. Quid du rôle d’Android à ce niveau ?
Thomas Husson : Le m-paiement est juste une brique du m-commerce. Le plus important est d’ajouter des services à valeur ajoutée, avant, pendant et après la transaction elle-même.
Il faut également mettre en avant l’importance du paiement en point de vente, la capacité d’Apple ou de Google à convaincre les marchands.
L’offre ne doit pas être trop centrée sur le consommateur car, au final, c’est le marchand qui décide des solutions qu’il souhaite déployer, qui doit supporter une partie des coûts, qui doit s’occuper du traitement de la data.
ITespresso.fr : Peut-on imaginer une nouvelle génération de start-up dédiée uniquement au m-commerce ?
Thomas Husson : Je pense que oui, on peut imaginer l’arrivée d’acteurs « mobile only ». Beaucoup d’acteurs sont partis du Web pour « forcer » leurs offres à entrer dans l’univers mobile, alors que le mobile est le lien entre l’univers physique et l’univers digital.
(Interview réalisée par téléphone le 22/09/2014)
Crédit image : copie- écran : MCA2014 – Thomas Husson – Forrester Research presents the New Book »The Mobile Mindshift »
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