Interview Yannick CHATELAIN : « L’e-mail est devenu un outil de déresponsabilisation »
Professeur à l’école de management de Grenoble, Yannick Chatelain publie « Mes mails m’emm…mêlent : Lire vos mails nuit gravement à ma santé ! ».
Professeur à l’école de management de Grenoble, Yannick Chatelain publie aux éditions Kawa « Mes mails m’emm…mêlent : Lire vos mails nuit gravement à ma santé ! », un ouvrage particulièrement critique sur la messagerie électronique.
Faut-il abandonner cet outil ? Quelles sont les alternatives ?
ITespresso.fr : Outils de productivité à l’origine, les e-mails sont-ils devenus aujourd’hui contre-productifs ?
Yannick Chatelain : Contre-productifs est un euphémisme, en situation de crise, dans le pire des cas, ils sont devenus l’outil numéro un de déresponsabilisation et de transmission de moult patates chaudes…
Mais je dramatise, fort heureusement parfois il ne sont pas même déchiffrables par les services de renseignements les plus pointus en cryptographie.
Bref, réalisons ensemble qu’un nombre incalculable de mails envoyés, n’est pas compris par le récepteur, voir est interprété, et demande un ajustement.
Tout le monde n’étant pas Champollion et ne travaillant pas non plus au Mi5. Ainsi, si nous oublions le mail de couverture en forme de couette, nous ne nous appliquons pas assez dans la rédaction de nos mails.
Quant aux objets… ils ont d’une imprécision déconcertante (du moins quand il y en a un)
Extraits de l’ouvrage : » Vous distinguez tout comme moi une patate chaude d’un haricot froid, et vous n’ignorez pas que lorsqu’on a décidé de se mettre au régime, ce n’est certainement pas le moment de se ruer sur les féculents, par ailleurs vous avez mille autres choses à faire que d’éplucher de la patate, le bon sens recommande de garder la ligne préalablement définie… Et de balancer tout cela à la Poubelle. Mon conseil à viser : Pas grand-chose à faire. Endurer ! »
ITespresso.fr : Votre ouvrage entend prodiguer les « premiers soins » pour optimiser sa messagerie. Peut-on citer quelques bonnes pratiques ?
Yannick Chatelain : Ce qui est urgent pour votre correspondant n’est pas nécessairement prioritaire pour vous. Il s’inscrit dans d’autres urgences dont ce dernier (votre correspondant) n’a bien évidemment pas la visibilité.
Le plus utile en terme de « premiers soins » est – me semble-t-il – d’arrêter de réorganiser ses journées au rythme incessant de l’arrivée de ses mails et des objets plus alarmants les uns que les autres. A moins bien sûr que vous ne travaillez aux urgences et que le mail soit pour le coup, véritablement vital.
Extraits de l’ouvrage : « Du calme ! Éloignez doucement et prudemment vos doigts du clavier ! Dans cette situation, votre sang froid ne doit faire qu’un tour. Ce n’est pas un petit mail urgent qui va vous en imposer. S’il est une urgence nettement plus urgente devant un mail si urgemment urgent, eh bien, c’est au contraire de vous éloigner sagement de la bombe à fragmentation, de laisser agir d’autres démineurs totalement inconscients (si d’autres que vous sont ciblés) et de prendre, pour ce qui vous concerne une petite pause bien méritée »
ITespresso.fr : IBM, Google ou Microsoft planchent activement sur une nouvelle génération d’outils de messagerie. A votre avis, la solution est-elle technologique ou humaine ?
Yannick Chatelain : De mon point de vue, ni l’une ni l’autre, ou plutôt devrais-je écrire : l’une et l’autre…
Externaliser son cerveau et sa capacité de jugement n’est de mon point de vue certainement pas une solution d’avenir, tout comme gérer ce bombardement de data devient parfaitement inhumain (sauf si votre métier est le burn-out). Vous disposez d’éléments sur votre correspondant(e) (fut-il(elle) maladroit(e) que la machine ignore…
Alors oui pour une assistance technologique vous permettant de mieux organiser votre gestion, et c,e sur un certain nombre de critères dont vous avez la maîtrise, mais non au transfert total de notre capacité de jugement à la machine.