Une « erreur magistrale » qui va « [favoriser] copinage et corruption », « mettre des bâtons dans les roues des start-up locales » et « faire fuir […] les investisseurs étrangers » : autant de vives réactions auxquelles Édouard Philippe a eu droit en réponse à un tweet publié vendredi.
En déplacement dans l’Oise pour visiter une usine L’Oréal, le Premier ministre a fait part de la volonté du gouvernement de contrôler les investissements étrangers dans les entreprises évoluant sur un « secteur d’avenir ».
Il a mentionné le spatial, le stockage des données et l’intelligence artificielle, qu’il est question d’inclure dans le périmètre du « décret Montebourg » (no 2014-479 du 14 mai 201, du nom de celui qui était alors ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique).
Promulgué sur fond de rachat d’Alstom par General Electric, le texte s’inscrit dans le prolongement d’un autre décret, publié en 2005 sous le gouvernement De Villepin et qui avait modifié le Code monétaire et financier en y insérant un chapitre sur les « investissements étrangers soumis à autorisation préalable ».
La procédure en question englobe trois cas de figure : la prise de contrôle d’une entreprise dont le siège social est établi en France, l’acquisition directe ou indirecte de tout ou partie d’une de ses branches d’activité ou le franchissement du seuil de 33,33 % de détention directe ou indirecte du capital ou des droits de vote.
Elle s’applique aux personnes physiques non ressortissantes d’un État membre de l’UE ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu une convention d’assistance administrative avec la France en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale.
Sont également concernées les entreprises dont le siège social ne se situe pas dans l’un de ces mêmes États et les personnes physiques de nationalité française qui n’y sont pas résidentes.
À l’origine, le champ d’application du texte était limité à la sécurité et à la défense nationale (armes, activités d’écoute, moyens de lutte contre le terrorisme…) ainsi qu’aux jeux d’argent.
En 2014 s’y étaient ajoutés l’énergie, l’eau, les transports, les communications électroniques et la santé publique, au nom des « activités essentielles à la garantie des intérêts du pays en matière d’ordre public ou de sécurité publique ou de défense nationale ».
Le gouvernement compte donc y ajouter l’IA et le big data… ainsi que les composants et les infrastructures financières.
Jean-David Chamboredon, président exécutif du fonds d’investissement ISAI financé par des entrepreneurs du Web, ne conteste pas tant « le bien-fondé de vouloir protéger les intérêts nationaux contre les prédateurs étrangers », mais dénonce les « effets dévastateurs à l’international » d’une annonce faite « sans donner de précision sur son périmètre d’application et sans concertation en amont avec l’écosystème du numérique ».
Dans un entretien avec La Tribune, l’intéressé déplore un « protectionnisme qui nous a déjà fait beaucoup de mal alors que la French Tech doit rester ouverte sur le monde » et qu’en 2017, la plupart des levées de fonds importantes de start-up françaises ont été réalisées en co-investissement avec des fonds étrangers.
Olivier Mathiot est sur la même ligne, notamment à propos de l’intelligence artificielle. « Ce n’est pas un secteur, mais un ensemble de technologies qui envahissent notre quotidien », affirme à L’Usine Digitale le fondateur et principal dirigeant de Priceminister.
« Alors que la France apparaissait à nouveau comme un pays business friendly […], on risque de revenir à l’idée que [c’est] un pays administratif, colbertiste », regrette-t-il, non sans appeler, comme Jean-David Chamboredon, à des clarifications, que ce soit sur le type de start-up concernées ou les seuils d’investissements.
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