Le gouvernement américain hausse le ton contre Apple dans l’affaire San Bernardino.
Les avocats du département de la Justice (DoJ) ont officiellement répondu à la motion que la firme de Cupertino avait déposée le 25 février pour manifester son opposition à apporter, comme il lui avait été demandé par un tribunal, une « assistance technique » dans le déverrouillage d’un iPhone 5c.
Ce téléphone, retrouvé dans une Toyota Lexus noire, était utilisé par Syed Rizwan Farook, l’un des deux auteurs de la fusillade qui a fait 14 morts et 22 blessés en décembre dernier. Il « renferme probablement », selon les autorités, de précieuses informations sur l’organisation de cette tuerie qualifiée d’attentat terroriste.
Mais en l’état actuel, les données qu’il contient restent inaccessibles à cause des protections mises en place (pour plus de détails, voir notre article « Tuerie de San Bernardino : cet iPhone chiffré qui irrite les autorités »).
Du côté d’Apple, on s’est publiquement insurgé contre la demande « d’assistance » émanant du FBI et qui consisterait à développer, spécifiquement pour cet iPhone 5c, une version dérivée du système d’exploitation iOS dépourvue des fonctionnalités de sécurité qui posent problème.
Selon le DoJ, la multinationale « use d’alarmisme pour gagner le soutien de l’opinion publique ». Elle fait par ailleurs « diversion » en élargissant le débat à des problématiques de sécurité réseau, de vie privée ou de portes dérobées, « car il lui faut à tout prix montrer que son cas n’est pas limité à un seul iPhone ».
Le FBI promet justement que l’OS qu’Apple développerait sur mesure ne serait exploitable que sur le téléphone de Syed Rizwan Farook.
Le gouvernement U.S. insiste aussi sur le fait que l’appareil est la propriété du comté de San Bernardino, pour lequel Syed Rizwan Farook travaillait… et qui a donné son accord dans l’optique d’une perquisition. Le terroriste lui-même aurait accepté une telle éventualité dans son contrat de travail. Bilan : pas de violation de vie privée ; l’argument d’Apple concernant une infraction au 4e amendement de la Constitution ne tiendrait donc pas.
Le DoJ ne s’arrête pas là. Ses avocats rebondissent sur le 1er amendement et la question du code informatique, qu’Apple assimile à une forme d’expression qui serait protégée par ledit amendement : un gouvernement ne pourrait pas légalement ordonner à une entreprise de développer un OS, tout comme il ne peut, en théorie, forcer un journaliste à prendre parti en sa faveur.
Pour le département de la Justice, le système législatif américain est fait de telle sorte que certains individus sont parfois amenés à dire des choses qu’ils auraient volontiers gardées pour eux ; par exemple dans le cadre de témoignages et de dépositions.
En outre, dans le cas d’Apple, on ne force personne à prendre la parole : il s’agit simplement de modifier un logiciel qui ne serait vu que par la firme. Laquelle pourrait par ailleurs, continuer à exprimer ce qu’elle souhaite (noms de variables, commentaires), aussi longtemps que le logiciel fonctionne.
Dans leur réponse datée du 10 mars (document PDF, 43 pages), les avocats du DoJ précisent qu’Apple a lui-même reconnu « être pleinement capable de répondre à la demande qui lui est faite ». Il lui faudrait en l’occurrence solliciter une demi-douzaine d’employés pour deux semaines au maximum.
Ce qui ne serait pas un « irraisonnable fardeau ». Pas suffisamment en tout cas pour invoquer le droit de réserve inscrit à l’All Writs Act, cette loi plus que bicentenaire à l’interprétation large par laquelle l’administration U.S. s’est arrogé des droits de requête vis-à-vis de sociétés publiques et privées pour l’obtention de preuves.
Crédit photo : ymgerman – Shutterstock.com
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