iTunes Music Store, la solution au piratage ?
Face aux hordes de pirates hantant les mers de l’Internet, les majors avaient sorti leurs armées régulières, sites officiels et recours en justice. Désormais, le nouveau rempart contre le piratage est tenu par un corsaire, Apple. L’iTunes Music Store a bien ouvert ses portes le 28 avril 2003. Course au trésor ou naufrage pour la Pomme ?
Avec l’ouverture de son système de vente de musique en ligne, la mission qu’assigne Steve Jobs, le PDG d’Apple, à sa firme fétiche s’apparente à ce que le roi de France demandait aux excellents marins des ports français : faire une razzia dans les règles de l’art et gêner, voire empêcher ainsi la piraterie. Au passage, il s’agit tout autant de renouveler le modèle de fonctionnement de l’industrie de la musique, qui peine à passer du support physique au support virtuel. Pas une mince affaire ! Le système d’Apple a en fait un but politique avoué : il est censé démontrer aux pirates de la musique sur Internet l’inefficacité de leur démarche. Selon Steve Jobs, la qualité du nouveau service est d’amener les « voleurs » de morceaux de musique à penser aux inconvénients de leurs actes : téléchargements de piètre qualité, perte de temps à chercher un artiste, un titre, un album, à télécharger les morceaux, illégalité de leurs actes, non-respect des artistes et (accessoirement ?) des sociétés de musique.
Une entreprise risquée
Pour prouver la justesse de la cause, Jobs s’appuie sur la communauté Mac, fidèle à son constructeur fétiche, qui ne dispose pas de système de partage de fichiers du type Kazaa et qui est prête à s’enthousiasmer pour les initiatives proposées par le gourou du Mac. Apple peut dans le même temps se prévaloir d’une capacité à soutenir une éventuelle montée en charge de son service : le site de la firme est en effet le premier diffuseur de bandes-annonces sur Internet, tandis que l’Apple Store représente aujourd’hui près de 50 % des ventes du constructeur. Au-delà, avec ce service qui s’appuie sur la technologie 1-Click d’Amazon, Apple va également démontrer sa capacité à réaliser des micropaiements. Au total, le service iTunes Music Store s’avère donc une entreprise risquée, s’appuyant sur un standard encore non diffusé (l’AAC) mais que Steve Jobs veut imposer (voir édition du 6 juin 2002), une base d’utilisateurs faible (les utilisateurs de Mac représentent moins de 3 % des utilisateurs d’ordinateurs), ainsi qu’un système de paiement faiblement propagé.
Autant dire que les conditions sont réunies pour que le service ne décolle jamais ! Ou au contraire qu’il devienne un « hit instantané » : Apple détient 25 % du marché des lecteurs de musique numérique (1,6 million de lecteurs vendus l’année dernière), son logiciel iTunes a été téléchargé à 275 000 exemplaires dès la première semaine de son lancement initial (voir édition du 17 janvier 2001) et est considéré comme le juke-box numérique le plus simple d’utilisation encore aujourd’hui (voir édition du 12 janvier 2001). Le PDG de Warner l’a confié à nos confrères de Fortune : « Cela va être impressionnant. » Impressionnant par rapport aux services concurrents de ces mêmes majors, comme Pressplay ou MusicNet, qui fonctionnent sur un modèle économique bancal mâtiné de location de morceaux de musique ! Ce qui fait dire à Steve Jobs :« Ecoutez : nous aurons autant de gens utilisant l’iTunes Music Store le premier jour que PressPlay ou MusicNet ont enregistré d’abonnés jusqu’à aujourd’hui. Peut-être même la première heure. » Nul doute qu’Apple haussera le ton si c’est le cas !