J-H. Gavetti (Ikoula): « Le marché pour les centres de données est aussi dynamique en province »
Deux ans après le rachat d’un data center situé à Reims, l’hébergeur ne regrette pas le choix d’étendre ses activités hors de Paris. Interview.
C’est une réalité: de plus en plus d’hébergeurs et opérateurs se tournent vers la province. C’est le cas d’Ikoula, un prestataire mi-hébergeur mi-infogéreur créé par Jules-Henri Gavetti du côté de Courbevoie (Hauts-de-Seine), tout près de Paris. En 2006, il fait le choix de se porter acquéreur d’un centre de données appartenant auparavant à Cogent Communications à Reims (Marne). Un héritage de l’époque Lambdanet au début des années 2000. Deux ans après son installation en province, le jeune patron ne regrette pas son choix et envisage même d’en construire un second. Pour parler de son retour d’expérience, Vnunet a rencontré Jules-Henri Gavetti lors du récent forum Datacenter Dynamics à Paris. (Interview finalisée le 4 Juin 2008)
Vnunet.fr: Cela fait bientôt deux ans que vous êtes installé à Reims. Quel est votre regard sur le marché de l’hébergement en province aujourd’hui ?
J-H. Gavetti: Le marché en province est extrêmement dynamique mais des blocages psychologiques injustifiés et de puissants monopoles en freinent encore le développement. Il nous faut tordre le coup à ces stéréotypes persistants. Les data centers ne sont pas plus modernes ou plus sécurisés à Paris. Nombre d’entre eux deviennent même obsolètes. A Reims, nous bénéficions d’un réseau optique (autoroutes, voies navigables, réseaux ferrés) tout aussi puissant qu’à Paris. La vitesse de la lumière n’est pas très sensible à 200 kilomètres de distance. Quant aux limites d’approvisionnement énergétique, le réseau haute tension de Reims a récemment été refait et enterré pour plus de sécurité. En sous-capacité avec le recul du tissu industriel dans la région, de nouveaux acteurs tels que les data centers sont accueillis dans d’excellentes conditions.
Vnunet.fr: De quel niveau d’effectif disposez-vous ?
J-H. Gavetti : Depuis 2006, nous avons créé 14 emplois au sein de notre centre de supervision et notre département R&D. Nous prévoyons d’intégrer cinq nouvelles personnes d’ici 2009, tout en maintenant les postes sur Paris.
Vnunet.fr: Et les transports ? Le jeu en vaut la chandelle ?
J-H. Gavetti: Avec le TGV Est, un déplacement Reims-Paris prend 45 minutes, c’est-à-dire deux fois moins de temps qu’il m’en a fallu ce matin pour aller de Montparnasse à La Défense.
Vnunet.fr: Quels sont les autres « freins » au développement de ce marché en région ?
J-H. Gavetti: Certains opérateurs d’infrastructures détenant des concessions publiques utilisent, aujourd’hui encore, leur monopole pour verrouiller le marché local. Les industries locales sont ainsi incitées à préférer un data center à Paris où la concurrence joue son rôle et offre une meilleure transparence des prix. En province, les relations entre les pouvoirs locaux et les entreprises sont étroites et leur collaboration facilitée. Dès l’acquisition de notre data center, nous avons travaillé à côté du responsable de la boucle locale (boucle Jupiter) en totale intelligence pour le raccord de notre site. Nous avons ainsi pu accéder au panel de services offert par les quelques opérateurs qui jouent le jeu de la province comme SFR et ainsi étoffer notre offre pour les plans de continuité d’activité (PCA) ou plan de reprise d’activité (PRA).
Vnunet.fr: Quelles ont été les évolutions techniques notables de votre data center depuis son rachat ?
J-H. Gavetti: En matière d’énergie, nous avons maintenant une puissance ondulée de 360KVA en N+1 soit 480KVA installés et 40 KVA en N+1. Avec ce double circuit, nous fournissons un vrai service Tier3+ jusqu’à la baie client. Comme indiqué précédemment, notre réseau a été raccordé à la boucle de Reims et au data center de Neuf Telecom (SFR) en 16 Gbit/s afin d’offrir des réseaux privés virtuels (VPN) et plus généralement des PCA / PRA aux clients de la région. Une boucle IP de 3Gbit/s a également été mise en place entre Paris et Reims. Très prochainement, nous prévoyons la construction d’un second Tableau Général Basse Tension (TGBT) sur le site permettant ainsi de basculer en Tier4 jusqu’à la baie client. Sur notre réseau, les arrivées de Numéricable et Neotelecom [qui commercialise Abovenet en France, ndlr] sont déjà programmées.
Vnunet.fr: Quelle est votre implication dans le « Green IT » ?
J-H. Gavetti: Ikoula est le premier hébergeur écologique en France historiquement mais aussi en termes de moyens mis en oeuvre. Depuis l’acquisition de notre data center, nous avons fait le choix d’une croissance respectueuse de l’environnement et nous engageons concrètement en faveur du développement durable. Au quotidien, nous privilégions les composants low voltage et recyclons tous nos déchets informatiques. Par ailleurs, 20% de notre énergie est issue de sources propres et renouvelables et nous avons diminué nos consommations avec l’intégration de procédures telles que le free-cooling. Nous projetons encore d’intégrer un générateur à pile à hydrogène qui limiterait l’émission de polluants et l’installation de panneaux solaires. Nous proposons à nos clients des solutions d’hébergement innovantes basées sur la virtualisation et la technologie SWsoft. Cette gamme verte permet aujourd’hui une réduction de 60% des émissions de CO2. Au sein de notre département R&D, nous poursuivons nos efforts afin de développer des solutions d’hébergement plus écologiques à performance égale.
Vnunet.fr: Quels sont les lancements prévus dans les mois à venir ?
J-H. Gavetti: Nous lançons de nouveaux services chaque trimestre. Sans écarter les grands comptes, notre axe de développement actuel consiste à mettre à la portée des PME-PMI des solutions complexes intégrées. Par exemple, pour les dix ans d’Ikoula, nous avons sorti un serveur dédié infogéré à 249 euros par mois. A plus long terme, Ikoula souhaite renforcer ses services en région Champagne avec la construction d’un nouveau data center dans la métropole de Reims. Ce nouveau centre intègrera un village technologique dans l’optique d’attirer de nouveaux opérateurs mais aussi pour offrir la seul chose qui manque encore à Reims: une véritable libre concurrence autour de la fibre et de l’IP.