Le service Skype, dorénavant une propriété du groupe eBay (voir édition du 12 septembre 2005), a vocation à développer la téléphonie internationale qui tend vers la gratuité via un logiciel poste à poste (peer-to-peer ou P2P). Les chiffres donnent le vertige : 250 millions de téléchargements de son application depuis sa création en août 2003, 75 millions d’utlisateurs actifs dans le monde dont 3,5 millions en France
Après avoir conquis le marché à partir des connexions d’ordinateur à ordinateur, il tend à développer ses services de voix sur IP sur d’autres supports mobiles (PocketPC, smartphone, téléphones 3G?) en bousculant le modèle économique des acteurs traditionnels.
Pourtant, Skype réussit à percer la forteresse en signant ses premières alliances télécoms. A l’occasion du 3GSM World Congress, le champion de la voix sur IP a annoncé la signature d’un accord avec le groupe Hutchison 3 qui a déployé des services mobiles 3G dans plusieurs pays européens (voir édition du 16 février 2006). De manière plus précoce, l’opérateur mobile allemand E-Plus avait déjà sauté le pas (voir édition du 2 septembre 2005).
En France, les opérateurs mobiles émettent de grandes réserves lorsqu’ils sont interrogés sur une éventuelle collaboration avec Skype. « Gare au loup que l’on fait entrer dans la bergerie », entend-on en coeur. Skype déclare ne pas être pressé. Mais, de l’avis de Jérôme Archambeaud, Directeur France du service de voix sur IP, les opérateurs mobiles ne pourront pas maintenir cette position très longtemps. (Interview réalisée le 24 février 2006)
Vnunet.fr: Quel est l’intérêt pour des opérateurs mobiles de s’associer à Skype ?Jérôme Archambaud: Ils peuvent adopter deux attitudes. La première consiste à garder le contrôle des tuyaux et des services qu’ils proposent. La seconde est d’ouvrir le plus largement possible l’accès à leurs réseaux 3G de manière à favoriser la consommation des services proposés. Encore aujourd’hui, la 3G souffre d’un manque d’offres attractives d’applications mobiles. Skype veut répondre à cette deuxième logique. Nous avons signé des accords avec des opérateurs mobiles en Europe dans ce sens. Ils considèrent Skype comme une simple application logicielle qui va leur permettre d’accroître l’attractivité de leurs offres mobiles et de générer du trafic sur leurs réseaux 3G. On a l’impression qu’ils ne nous sentent plus comme un ennemi potentiel mais plutôt comme un allié.
Pourtant, au regard des tarifs bas de communication IP pratiqués par Skype, une alliance avec les opérateurs mobiles, dont les prix restent élevés, semble une contradiction…
A première vue, on pourrait le penser. Mais si les gens viennent dans la 3G, c’est pour découvrir de nouvelles applications autres que la voix. Du coup, la voix n’est plus un facteur de concurrence. Cest vrai que Skype force l’accélération du sens de l’histoire du marché en proposant un service de téléphonie complètement gratuit entre abonnés de Skype et à prix réduit pour des communications vers des fixes et des mobiles. Mais Skype est davantage une communauté qu’un simple service voix. C’est une solution logicielle à forte valeur ajoutée, qui va donner envie aux consommateurs de se tourner vers la 3G. Compte tenu des prix onéreux d’acquisition des licences 3G, les opérateurs ne peuvent pas décemment envisager de se replier sur eux-même. Les réseaux 3G ne peuvent pas être valorisés par la seule force d’un opérateur de manière verticale.
Revenons sur le marché français. Avez-vous déjà rencontré les opérateurs mobiles en vue dune éventuelle collaboration ?
Dans mes attributions, je ne suis pas en première ligne sur le sujet des opérations mobiles. L’équipe Skype Mobile est localisée à Londres, où se situe notre pôle Business. Tout ce je peux dire, c’est que nous avons des discussions aujourd’hui qui touchent la France. J’ai l’impression qu’en France, nous sommes plus réfractaires à de nouvelles idées qu’ailleurs. Mais, une fois le seuil psychologique franchi, cela peut aller très vite. Je serais étonné de ne pas voir débarquer en France un service mobile orienté voix sur IP en France d’ici la fin de l’année.
On a l’impression que les opérateurs mobiles français ne sont pas pressés de vous inviter sur leurs portails 3G respectifs. Par exemple, Bouygues Télécom estime que « plus d’un réfléchira avant de se lancer dans la voix sur IP pour les mobiles en France »…
D’un point de vue technique, il est vrai qu’il n’existe pas de version Skype sur i-Mode. Je remarque que, lorsqu’un grand opérateur bouge sur un marché, les concurrents suivent de très près.
Si Bouygues Télécom se montre déjà réticent, comment comptez-vous séduire des opérateurs plus puissants comme Orange ou SFR?
Il suffirait d’un effet domino pour que tout s’enclenche rapidement. Il faut donner du temps au temps. Finalement, le phénomène Skype est assez récent. Nous vivons bien avec nos services sur Internet. Nous bénéficions d’une forte croissance sans effort marketing et de publicité. Nous pouvons prendre du temps dans le domaine de la mobilité.
Soyons concret dans les usages de fonctions mobiles Skype en France. Puis-je appeler depuis le logiciel Skype installé sur mon PC les numéros de tous les opérateurs mobiles français ?
Oui. Sans aucun problème par l’intermédiaire de crédits SkypeOut. Pour une communication de Skype depuis un PC vers un mobile, il faut compter environ un tarif de 20 centimes la minute [et non 0,20 centimes comme précédemment indiqué].
A l’inverse, je suis abonné à un opérateur mobile français. Puis-je appeler mon correspondant Skype sur PC?
Oui, si votre correspondant a acheté un numéro SkypeIn (30 euros par an). Dans ce cas, n’importe qui en dehors du réseau Skype va pouvoir l’appeler. Le tarif d’un appel mobile vers Skype dépend du pays où l’on se trouve. Pour le cas d’une communication entre deux personnes situées en France, ce sera le prix d’une communication locale.
Donc, il n’y a pas de surfacturation de la part des opérateurs mobiles lorsque l’on appelle vers un numéro Skype?
Non. C’est compris dans notre prix. Bien sûr, la part du lion revient aux opérateurs compte tenu du système des terminaisons d’appel. Mais les montants ne sont pas excessifs.
Que se passe-t-il si un abonné 3G télécharge le logiciel Skype sur son terminal multimédia mobile pour passer des communications en voix sur IP?
Nous avions déjà Skype pour PocketPC. Si l’on dispose d’un Qtek ou d’un smartphone, on peut télécharger le logiciel Skype et passer des appels à travers un réseau Wi-Fi par exemple. Mais, en France, Skype est bloqué sur les réseaux 3G d’Orange et de SFR. Il est possible de télécharger l’application Skype sur son mobile mais elle ne peut pas être utilisée.
Skype se concenter aussi sur l’accès Wi-Fi. Allez-vous bientôt lancer des services dans ce sens ?
Oui, nous allons lancer assez prochainement un téléphone Wi-Fi avec NetGear. Cet accord touchera également la France à travers notre partenaire NetGear. Le Wi-Fi est un marché qui va se structurer progressivement. Pour nous, il représente un axe très important de développement. L’investissement financier que Skype a récemment consenti dans Fon, un réseau communautaire international dédié au Wi-Fi (voir édition du 6 février 2006), en est un signal fort.
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