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Jean-Charles SIMON : « FACTA MEDIA va se concentrer sur le brand content »

ITespresso.fr : Pourquoi avoir créé FactaMedia ? Estimiez-vous que les médias traditionnels ne faisaient plus le travail de vérification des faits ?
Jean-Charles SIMON : J’ai suivi de près les initiatives qui ont pu se déployer dans ou hors de médias existants, et qui ont pour point commun de se concentrer sur les faits ou des données : Politifact, Factcheck, FiveThirtyEight, dans puis hors du New York Times, « the Fact-Checker » et « Truth Teller » du Washingon Post … Et en France, les Décodeurs du Monde, Désintox de Libé, etc.

Je crois que le fait d’avoir accès à des faits bruts correspond à l’une des attentes très fortes du public aujourd’hui. Ne pas dépendre d’interprétations ou de lignes éditoriales, mais pouvoir se forger sa propre opinion en partant des faits et des données sur les sujets d’actualité.

L’un des changements de paradigme du monde des médias, peut-être encore sous-estimé, est la profusion d’idées, d’analyses, de décryptages… Ils étaient le fait d’un tout petit nombre d’acteurs avant Internet, mais sont aujourd’hui abondants et à la portée de tous.

Pourquoi faire davantage confiance à un éditorialiste, qui n’est pas nécessairement très indépendant – surtout quand il revendique sa connivence avec le pouvoir ! – ni qualifié sur certains sujets, plutôt qu’à un blogueur spécialisé ou à un compte Twitter pertinent ?

L’opinion et le traitement très éditorialisé de l’information ont à mon sens perdu beaucoup de leur valeur : c’est devenu une denrée très répandue. En revanche, dans cette abondance qui peut désorienter, il y a un fort besoin de s’appuyer sur des fondamentaux. D’où le souhait de savoir qui dit vrai ou faux, qu’il s’agisse de responsables politiques, économiques ou, justement, d’autres médias.

Dès lors, un pure player traitant sous tous leurs aspects les faits et les données qui font l’actualité m’est apparu comme un positionnement éditorial à la fois intéressant et novateur. Les autres initiatives sont généralement segmentées ou s’apparentent à de simples « pastilles » enfermées dans des médias plus traditionnels.

Et, sur la base des mêmes constats, proposer une dimension participative et ouverte du site me semblait une évidence. Si l’expertise est disséminée partout et qu’elle se déploie facilement grâce aux nouveaux outils d’expression, il est essentiel de pouvoir associer ou rassembler ces compétences si on veut créer un site expert.

S’agissant du lancement de Facta Media, nous sommes encore loin d’en être à la mesure de la réponse des internautes, à peine un mois après avoir mis en ligne une version bêta, sans la moindre communication ou publicité autour du site. Mais les retours sont très bons, et par exemple notre premier article pour La Tribune le 14 avril a très bien fonctionné sur leur site.

ITespresso.fr – Les articles publiés sur votre site nécessitent le plus souvent plusieurs jours de travail. En dehors de vos propres journalistes, est-il réaliste d’attendre des contributions d’internautes de cette qualité ?

Jean-Charles SIMON : Oui, et là aussi sans avoir effectué de démarches particulières à ce stade, on nous a déjà proposé quelques contenus de qualité.

Dans notre approche participative et collaborative, il y a deux niveaux. Tout d’abord, ce qui peut s’apparenter à de la curation de contenus. Nous allons approcher des blogueurs et des experts dans tous les domaines couverts par le site, en leur proposant de publier des articles pour Facta Media, le cas échéant déjà publiés ailleurs. Ce qui constituera une forme de recommandation croisée avec leur site ou celui de leur entreprise, selon les cas.

Et il y a les contributions purement spontanées que nous espérons susciter des internautes avec le temps, qu’il s’agisse de réactions, de questions posées ou de vrais articles. Bien entendu, ces contributions comme celles d’experts vont nécessiter du temps et une certaine installation de Facta Media dans le paysage.

Par ailleurs, il est vraisemblable que des contributions ne correspondront pas à notre charte de publication, qui est stricte. Mais là encore, le temps fera son œuvre et nous sommes convaincus que beaucoup de lecteurs ont une expertise et une connaissance à partager, et qu’ils souhaitent pouvoir s’impliquer, à l’instar des contributeurs de Wikipedia ou d’autres plateformes.

ITespresso.fr : Quel est votre modèle exactement ? Vendre une audience à des annonceurs ou vendre vos prestations à d’autres médias à l’image de ce que proposait Owni il y a quelques années ?

Jean-Charles SIMON : Notre modèle est encore différent, et va se déployer progressivement d’ici fin 2014. Nous pourrons certes vendre de l’audience de manière résiduelle, et nous avons également d’autres composantes secondaires du modèle économique du site. Mais nous allons surtout nous concentrer sur le « brand content ».

Facta Media va proposer aux marques d’exposer des contenus factuels qui les concernent, et qui seront bien entendu signalés de manière très explicite aux internautes. De ce point de vue, la première inspiration fut « Brand voice » de Forbes. Dans notre cas, il s’agira d’un « brand content » spécifique, celui des faits et des données des entreprises et des organisations. Qui peut aller de documents et d’argumentaires à déployer lors d’une situation de crise, jusqu’à des initiatives de moyen ou long terme pour promouvoir des idées ou prospectives sur son marché, ses produits ou une régulation. Avec donc une forte dimension « affaires publiques ». Et à côté de Facta Media, une entreprise proposera aux marques de les accompagner dans la création et la mise en forme de ces contenus, dans une logique plus large de dérivés « hors-médias » de l’ensemble.

Le « brand content » n’est toutefois pas qu’un modèle économique. Pour un site comme Facta Media, je suis également convaincu que c’est une richesse éditoriale potentiellement très importante. Les entreprises ou les organisations non marchandes ont quantité de faits et de données à présenter, qui sont passionnants mais difficiles d’accès.

Tout le monde est gagnant. Le lecteur dispose de nouvelles sources d’information, tout en conservant sa distance critique ou en pouvant même les ignorer, dès lors que la signalétique de ces contenus est sans ambiguïté. Sur le site, il pourra aussi réagir à ces contenus. Et l’annonceur met à disposition des informations qui parlent souvent bien mieux pour lui que du marketing classique. Sans compter que c’est une alternative moderne et saine à la « communication d’influence »…

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