Jean-Michel Planche : « En dix ans, Witbe est devenu un des leaders de la supervision »

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Le fondateur d’Oléane (revendu en 1998 à France Telecom) est patron de Witbe, une société spécialisée dans la supervision de services. Quel chemin parcouru ? Quel avis sur les lois Hadopi et Loppsi ? Interview fleuve.

ITespresso.fr : Concrètement, quel est l’intérêt de monitorer un système d’information ?
JM Planche : Aujourd’hui, plus personne n’investit dans l’informatique et dans une infrastructure sans rien en attendre. Depuis la nuit des temps, au moins depuis l’invention des DSI, on « supervise », on « mesure », on « contrôle » et on essaye de trouver les KPI (Key Performance Indicator) les plus pertinents. Hier on pouvait se contenter de simples indicateurs « techniques », comme la température de l’huile ou le niveau d’essence dans un moteur. Aujourd’hui, l’enjeu est de pouvoir transformer l’informatique en un avantage compétitif majeur et de pouvoir mieux comprendre l’interaction entre « la vraie vie » (l’évolution de son nombre de clients, de chiffre d’affaires, de part de marché, une montée en complexité des traitements, un besoin de rationaliser et d’optimiser des ressources techniques…) et les moyens utilisés pour y faire face. Ce qui est vrai dans l’informatique l’est aussi lorsque l’on aborde la téléphonie sur IP (ToIP), la voix sur IP (VoIP), les services Internet critiques (Web, messagerie, DNS …), la monétique, les applications essentielles de l’entreprise … Tout devient critique. Au-delà de la notion de plus en plus complexe et parfois vaine du contrôle, il devient indispensable de trouver les technologies qui vont permettre de maitriser réellement son infrastructure en faisant les bons choix au bon moment.

ITespresso.fr : C’est donc un outil décisionnel ?
JM Planche : Bien sûr et avant tout. Savoir pour agir. En fait, ce que j’avais vu des outils traditionnels de la supervision m’avait conforté dans l’idée qu’il fallait repenser complètement l’approche. Le but est bien sûr de savoir pour agir et de s’extraire le plus possible de la complexité du sujet pour en avoir une vision globale. Car sans cela, il devient impossible de contrôler les effets de bords, qui sont inévitables avec des technologies comme celles issues de l’Internet. Une bonne méthode, avec les bonnes solutions, doit permettre de mieux appréhender son risque opérationnel et de ne pas être prévenu trop tard – et parfois par ses propres clients – d’un problème informatique. De même, sans cela, nous restons trop réactifs, alors que le but est d’être pro-actifs. On ne le sait pas suffisamment, mais il y a très souvent des signes avant-coureur de pannes. Si on sait les lire, on sait prévoir, anticiper et maitriser. Mais le problème est que leur lecture est rendue complexe, sinon impossible par tout le « bruit » autour de l’information réelle. Trop de mesures, trop d’informations tuent l’information. L’un de nos objectifs était de nous intéresser à l’information « vraie » pour pouvoir mieux nous intéresser à son évolution. Ceci permet de mieux remonter aux causes de dysfonctionnements en analysant les variations de leurs conséquences.

ITespresso.fr : Par quels moyens Witbe « écoute » ce qu’il se passe et analyse les données ?
JM Planche : Nous contrôlons la disponibilité des systèmes et des services de façon indépendante, sans système intrusif (agents, écoute réseau …). Nous ne sommes pas liés à une technologie réseau ou à un hébergeur en particulier. Nous avons mis au point une technologie qui permet d’agir, avec une sollicitation vraie du système d’information et ensuite d’analyser la réponse et de mieux comprendre ce qui ne va pas. Comment y parvenons-nous ? Nous disposons de milliers de robots répartis au sein du réseau des fournisseurs d’accès Internet majeurs, de notre réseau (AS15436) ou au cœur des Intranets de nos clients.
Ces robots disposent de leur propre « intelligence » et permettent de totalement s’abstraire d’une technologie réseau particulière (sans fil, ADSL, fibre, Ethernet …), voir du périphérique de restitution (ordinateur, téléphone mobile ou télévision).
Nous avons la capacité de nous mettre réellement à la place d’un utilisateur pour monitorer un service, analyser les paramètres qui l’affectent réellement et remonter l’information, avant qu’il ne se plaigne. Ces informations sont ensuite corrélées, mise en valeur et consultable sur un portail de restitution, au coeur de notre infrastructure Internet ou sur celui de notre client, s’il a choisit d’internaliser notre solution. Si tel est le cas, nous pouvons alors aller plus loin, dans l’analyse des causes de dysfonctionnement, grâce et en complément des systèmes de supervision des équipements, qui sont en place.

ITespresso.fr : A votre avis, quel incident notable survenus ces dernières années n’aurait sans doute pas eu lieu s’il avait été correctement monitoré ?
JM Planche : En 2003, un important acteur des solutions de paiement en ligne [Atos Origin, ndlr] avait oublié de renouveler son nom de domaine. C’est le genre de panne que j’aime beaucoup car il s’agit vraiment d’un grain de sable dans une énorme mécanique. Cela prouve que l’on ne peut pas toujours penser à tout et que la somme des qualités des éléments n’est plus égale à la qualité de la somme des éléments techniques. Quel est le coût du renouvellement d’un nom de domaine par rapport aux enjeux financiers ? Et même, le prix de notre solution n’est-elle pas dérisoire par rapport aux conséquences pour les marchands de ne plus pouvoir avoir accès à des autorisations Carte Bleu ? Au final, la paralysie aura duré quelques heures voir quelques jours le temps de réactiver le nom de domaine et que les caches se nettoient. Avec les attentes toujours plus importantes des utilisateurs, la migration vers le tout IP, des technologies récentes… c’est tout ce risque opérationnel qu’il faut mesurer et anticiper avec des solutions avancées de monitoring qui vont plus loin que la simple gestion de QoS (qualité de service).

ITespresso.fr : Quels sont les projets de Witbe pour 2010 ?
JM Planche : Nous avons quatre grands projets. Le premier est de proposer la technologie la plus avancée au monde pour la supervision du triple play… Vous ne le savez peut-être pas, mais la France fait figure de précurseur et de référence dans ce domaine. Nous avons été sélectionnés par la quasi-totalité de tous les opérateurs français (France Telecom – Orange, SFR, Bouygues Telecom, Numericable). En second lieu, nous voulons continuer notre expansion internationale en suivant la demande de nos clients. 29 opérateurs ont déjà signés avec nous et nous souhaitons aller plus loin. Après l’Asie, nous allons entrer sur le marché américain. Nous comptons aussi poursuivre notre avance dans la restitution de nos résultats. 2010 sera le lancement de notre nouvelle interface, qui permettra d’aller beaucoup plus loin dans l’analyse des données, mais aussi dans le cockpit de supervision de nos clients. Nous sommes déjà allés très loin dans l’ergonomie. Et enfin, nous n’oublions pas pour autant les plus petites entreprises. Nous souhaitons que nos offres soient accessibles à tous…Là aussi, des surprises seront annoncées prochainement.

ITespresso.fr : Avez-vous été approché en vue d’une cession de Witbe ?
JM Planche : Oui. Certaines sociétés entament un développement avec l’unique finalité de se faire racheter. Mais ce n’est pas notre vision. Le rachat n’est jamais un but. Depuis le rachat d’Oléane par France Telecom, nous sommes décomplexés sur ce sujet. Nous nous focalisons sur un seul but : la meilleure satisfaction possible de nos clients, qui seule nous permettra de créer un champion « made in France » à l’international.

(lire la fin de l’interview page 3)

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