Jef Raskin, les aficionados du Mac le connaissent bien : il s’agit du père du Macintosh, qui a donné le nom de son fruit favori à la machine. L’interface facile d’utilisation, reproduite à l’envi sur d’autres systèmes depuis, c’est lui ! Il a fait partie du groupe mythique monté par Apple pour étudier une interface « humaine », autrement dit facile à appréhender à la première utilisation, et surtout qui permette de travailler de manière efficace. Depuis des années, il martèle une idée simple : il faut tirer parti du résultat d’années de recherches sur le monde des interfaces et de la psychologie cognitive humaine pour créer un nouveau rapport à la machine. Sa dernière tribune (il ne s’agit pas de sa première critique), Raskin l’a tenue dans Business Week, soulevant du coup une vague de protestations de la part des fidèles d’Apple qui lui reprochent de ne pas faire un sou avec ses idées, tandis qu’Apple poursuit la commercialisation de Mac OS X. Mais Raskins tient bon : des gestionnaires avec oeillères, il en a rencontré ! Comme cette présidente d’un site de services Internet pour qui il travaillait. Lors du premier conseil d’administration, elle lui avait lancé : « Ah oui, c’est vous qui allez vous occuper des couleurs de notre site Web. » C’était restreindre de beaucoup son champ de compétences et sa tâche, qui est de simplifier à l’extrême l’utilisation d’une machine. Apple le fait, et plutôt bien. Mais pour Raskin, Steve Jobs ne sait que reproduire une idée lumineuse ! Celle qu’il a eu de dire en 1976 qu’il ne fallait pas vendre les cartes mères sans les habiller élégamment. Ainsi était né l’Apple II. Le premier Mac n’a fait que pousser la même idée un peu plus loin. Depuis, le premier iMac reproduit le modèle, tandis que l’iMac G4 (voir édition du 11 janvier 2002) le perpétue…
Quelques modifications de bon sens
Les idées de Raskin vont un peu plus loin. Selon lui, il faut cacher le système d’exploitation et le bureau. Ils sont facteurs de complexité. En effet, mis à part pour installer et paramétrer correctement la machine, le système du Mac n’est « qu’un peu plus simple »… que Windows : « Il s’agit de changer le logiciel. Quand vous voulez écrire un mémo, qu’est-ce que vous abattez comme travail, au moment où vous vous débattez sur le bureau pour ouvrir un traitement de texte ? Rien. ». Et de proposer une interface intelligente qui, lorsque vous commencez à taper un courrier, comprend ce que vous êtes en train de faire et modifie son apparence pour le représenter. « Vous ne devriez pas avoir à passer d’une application à une autre. Si je suis au milieu d’un document et que je veux faire une multiplication, il faut ouvrir une stupide fenêtre de calcul. Puis il faut encore couper et coller le résultat dans le document. Pourquoi ne pas simplement taper 59 fois 54,6 à l’endroit où vous voulez l’insérer ? que ce soit dans Photoshop, un traitement de texte ou quoi que ce soit ? et dire à la machine de donner la réponse instantanément ? » Mac OS X est loin de cette vision d’avenir, dont Raskin dit qu’il dispose de quelques modèles dans ses laboratoires. Mais le dernier-né des systèmes d’exploitation d’Apple pourrait s’en rapprocher si quelques modifications de bon sens lui étaient appliquées, comme dans Sherlock où l’utilisateur doit modifier les paramètres de l’application s’il réalise une recherche par contenu ou une recherche de fichier. « Si l’utilisateur veut réaliser une recherche par contenu, il tape son texte et clique sur ‘chercher’, puis l’ordinateur réalise une recherche par fichier parce que le mode de recherche n’a pas été modifié. Il s’agit d’une chose facile à réparer. Il y a des milliers de petites absurdités comme celle-ci dans Mac OS X ou Mac OS 9. Il y en a encore plus dans XP ». Les idées de Jef Raskin ne semblent pas être mises de côté par les éditeurs : Kevin Browne, le responsable Microsoft de la section Mac de l’éditeur, que nous avions interrogé à propos d’une éventuelle fusion des différents programmes de la suite Office, nous avait confirmé qu’il s’agissait d’une voie explorée par son groupe, mais que le marché ne semblait pas encore prêt à cette révolution. Le gourou des interfaces ne prêche donc sans doute pas dans le désert !
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