Avec la croissance du haut débit associée à une certaine effervescence technologique, DivX reste aux aguets. La société californienne, qui exploite le codec (algorithme de compression et décompression) vidéo éponyme, vient de réaliser sa plus importante levée de fonds : 17 millions de dollars (voir édition du 2 novembre 2005). Depuis sa création en 1999, entre 20 et 25 millions de dollars ont été injectés dans le capital de l’éditeur de logiciels pour soutenir son activité. Jérôme Rota, cofondateur français de DivX, fait le point sur les dernières projets de sa société qui suit à la trace les dernières innovations audiovisuelles.
Vnunet.fr :A quels développements allez-vous consacrer les sommes obtenues avec votre dernière levée de fonds ?
Jérôme Rota: Nous passons à la phase d’implantation des nouveaux projets en cours de développement : magasins de vente électronique, partenariats de contenus, élargissement de notre base de distributeurs… Ces efforts demandent un financement qui dépasse le développement habituel de codecs et d’applications.
L’échéance de l’introduction en Bourse de DivX est-elle proche ?
Il est clair que nous nous dirigeons vers une introduction en Bourse. Mais la belle époque est révolue et j’estime que nos efforts ne sont pas encore suffisants. Pour parvenir à entrer en Bourse, nous devons être bien placés du point de vue des résultats financiers, des produits et des partenariats. Pour être vraiment attractifs, il nous manque la cerise sur le gâteau : les contenus. Nous allons nous y atteler, notamment en montant un service de vidéo à la demande plus musclé.
Vous allez écouler 50 millions de produits électroniques grand public compatibles DivX en 2005. Sur quelles zones géographiques obtenez-vous les meilleurs résultats ?
La pénétration de nos produits électroniques grand public est très bonne en Europe (France, Allemagne, Italie, Espagne) et en Asie. Rien qu’en France et en Allemagne, nous dépassons les 80 % de part de marché sur les lecteurs DVD compatibles DivX. En Asie, nous obtenons un score de plus de 50 %. Cela démarre bien sur des marchés émergents comme l’Europe de l’Est et l’Amérique du Sud. Le gros marché qui nous manque, c’est l’Amérique du Nord. Nous sommes en train de signer des accords avec les principaux distributeurs grand public pour combler cette lacune. Ce marché est tenu par trois grands acteurs qui ont une réputation de négociateurs acharnés mais qui sont incontournables. Nous savons qu’il existe une demande dans cette zone. Entre 2003 et 2004, un lecteur DVD Philips équipé DivX a été numéro un des ventes de produits électroniques grand public sur Amazon.com.
Comment avancez-vous sur le terrain de la vidéo à la demande ?
C’est plus compliqué que prévu. Nous avons déjà signé des partenariats dans ce sens mais pas avec les studios. Nous ne sommes pas les seuls dans cette situation. Récemment, Netflix.com a indiqué qu’il mettait son projet de vidéo à la demande en suspens, faute d’accord avec les studios. Certes, Apple a sorti son iPod vidéo avec des contenus de Disney mais cet accord a été signé grâce aux liens qui existent entre ce dernier et Pixar [le studio de production de Steve Jobs, Ndlr]. Mais les autres studios n’ont pas suivi, même avec Apple.
Comment expliquez-vous les réticences des studios ?
Le vrai problème pour nous provient des nouveaux formats de DVD (HD DVD et Blu-Ray Disc) dont le démarrage est retardé. Les studios considèrent qu’il est inutile de prendre des risques tant que les DVD de nouvelle génération ne sont pas arrivés sur le marché. La situation sembler figée aux Etats-Unis mais on peut s’attendre à un décollage plus précoce de la vidéo à la demande en Europe et en Asie.
Avez-vous pris position pour le HD DVD ou le Blu-Ray Disc ?
Non, nous ne voulons pas prendre position. Tant que les groupes industriels se battent pour imposer leurs technologies, le consommateur final hésite à acheter et préfère attendre. Cela nous permet de gagner du temps pour poursuivre nos propres développements.
Quel est le prochain produit grand public stratégique de DivX ?
L’un des principaux axes de développement concerne les platines DVD connectées à l’Internet (« DivX Connected »). Nous allons enlever le PC de l’équation pour regarder de la vidéo : le lecteur DVD DivX va se connecter directement au serveur de contenus via une connexion Internet. Techniquement, nous avons déjà fait des démonstrations techniques. Nous sommes en phase bêta avec une version presque finale. Il nous reste à créer un véritable écosystème autour de DivX Connected. Ce produit devrait arriver sur le marché d’ici mi-2006.
Le domaine de la télévision haute définition vous inspire-t-il ?
Il existe déjà sur le marché des platines DVD qui permettent de profiter de la haute définition (IO Data, Buffalo, Plextor?). La télévision HD est présente depuis plusieurs années aux Etats-Unis. Couplée à un magasin de vente en ligne, elle pourrait devenir intéressante et moins chère que les nouveaux supports DVD attendus. On évoque déjà des prix de platines Blu-Ray ou HD DVD à 1 000 dollars. Nous parions plutôt sur une gamme de prix plus grand public avec une platine IO Data à 200 dollars intégrant un accès VOD à 200 dollars. Et encore, le peer-to-peer pourrait réduire fortement les coûts liés à la distribution. Je ne vous parle de services à l’image de Kazaa mais de fonctionnalités peer-to-peer techniquement maîtrisées de manière à partager et à optimiser la bande passante.
Comment comptez-vous investir dans la mobilité ?
Cela prend beaucoup de temps. Nous allons trouver des partenaires pour nous accompagner dans ces développements qui demandent beaucoup de synchronisation.
En tant que développeur de logiciels impliqué dans le divertissement numérique, la décision de la Cour suprême sur l’affaire Groskter de juin dernier n’a-t-elle pas affecté vos activités ?
La situation est intenable pour les sociétés qui font n’importe quoi et qui proposent des systèmes clairement orientés vers le piratage. Avant DivX, j’ai travaillé dans le monde de la production audiovisuelle. Je sais que l’argent coule à flots dans le secteur et que les producteurs feront tout pour protéger leurs intérêts. Maintenant, les développeurs qui veulent proposer des services P2P légaux doivent se battre contre la perception du grand public qui associe cette technologie au piratage.
Mais le DivX a également une image que l’on rattache souvent au monde du piratage?
C’était un vrai souci il y a trois ou quatre ans. Mais après tout le travail de développement que nous avons fourni, je pense que cette perception est obsolète. Nous avons une technologie efficace de compression, qui amène des pirates à l’exploiter. Avec l’exploitation du format MP3, Thomson s’est retrouvée dans la même situation. Qui viendrait qualifier Thomson de pirate ?
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