Julian Assange demande l’asile à la France : oui mais non
L’avocat de Julian Assange assure que la lettre envoyée par le fondateur de WikiLeaks à François Hollande a été mal interprétée : elle ne constituait pas une demande d’asile.
« Seule la France se trouve aujourd’hui en mesure de m’offrir la protection nécessaire contre, et exclusivement contre, les persécutions politiques dont je fais aujourd’hui l’objet. »
Ainsi Julian Assange conclut-il une longue lettre adressée ce jeudi 2 juillet 2015 à François Hollande – et publiée par Le Monde.
Les médias y ont perçu une demande d’asile. Le président de la République aussi. Son cabinet a d’ailleurs fermement refusé d’accueillir le fondateur de WikiLeaks « vu sa situation juridique et matérielle » (il est notamment sous le coup d’un mandat d’arrêt européen pour des faits d’agression sexuelle remontant à 2010).
Problème : à en croire Baltasar Garzon, directeur de l’équipe de défense de Julian Assange, l’intéressé « s’est contenté de réagir aux déclarations de Christiane Taubira, ministre de la Justice, et d’un appel de la société civile à l’accueillir en France ».
L’appel en question aurait été signé par « plus de quarante personnalités éminentes des mondes intellectuelles et de la culture ». L’occasion, pour l’auteur de la lettre, de « montrer sa disposition à être accueilli en France si et seulement si une initiative était prise par les autorités compétentes ».
Baltasar Garzon est formel : aucun terme ne peut être interprété dans un sens différent. Difficile, pourtant, de ne pas y voir une main tendue à l’Élysée, ne serait-ce qu’au regard de ce « geste humanitaire » que constituerait, selon Julian Assange, un accueil en France.
Le journaliste australien, qui fête aujourd’hui son quarante-quatrième anniversaire, évoque aussi un « geste symbolique », un encouragement à tous les lanceurs d’alertes qui de par le monde, « risquent leur vie au quotidien pour permettre à leurs concitoyens de faire un pas de plus vers la vérité ».
Revenant sur la « condamnation unanime », par la classe politique et les sociétés civiles françaises, des actions commises par le gouvernement étasunien et le Royaume-Uni, Julian Assange rappelle qu’il a résidé en France entre 2007 et 2010… et que sa compagne, ainsi que son fils cadet, qu’il « n’a pas vus depuis cinq ans », ont la nationalité.
La vidéo qui change tout
Le timing est idéal après les révélations faites en partenariat avec Libération et Mediapart. Mais pour Julian Assange, les ennuis commencent en avril 2010, avec la publication d’une vidéo intitulée « Collateral murder » et montrant le massacre de plusieurs civils par des soldats étasuniens en Irak.
Le fondateur de WikiLeaks considère que ces images, qui ont « révélé [au monde] l’inhumanité de la guerre », ont marqué un point d’inflexion dans son existence. Les menaces de mort se succèdent depuis lors, assorties d’une « persécution politique d’une ampleur inédite ».
« Et cela n’a jamais cessé » : appel à exécution, à kidnapping, à emprisonnement pour violation de la loi sur la fraude informatique, espionnage et vols d’informations, de documents et de biens…
Julian Assange estime risquer aujourd’hui la prison à vie « ou pire » pour avoir publié des informations d’intérêt public que des sources anonymes avaient transmises à son média. Lequel a pour rôle officiel d’enquêter sur les appareils politiques, économiques et administratifs du monde entier pour y apporter de la transparence et s’assurer qu’ils n’échappent pas à un contrôle démocratique et souverain.
Rappelant que WikiLeaks, fondé en 2006, a reçu plusieurs prix pour avoir révélé « de nombreux scandales majeurs de corruption, de violation des droits fondamentaux, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité », le citoyen australien revient sur son séjour à l’ambassade d’Équateur à Londres.
Il y est calfeutré depuis juin 2012 dans une pièce de 5,5 m² pour éviter une extradition aux États-Unis. « J’ai appris que les poursuites menées [outre-Atlantique] étaient réelles et avaient débouché sur un acte d’accusation formel maintenu pour l’instant sous scellés ».
Tout accès à l’air libre lui a été interdit par les autorités du Royaume-Uni, qui refusent de reconnaître son asile. Et qui ont, tout comme la Suède, annoncé à plusieurs reprises qu’elles demanderaient son arrestation dès sa sortie de l’ambassade, « alors [qu’il] n’a été formellement accusé d’aucun crime ou délit dans aucun des deux pays ».
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