« Arrêtez maintenant ou préparez-vous à en assumer les conséquences. » Le Snep (syndicat national des éditeurs phonographiques) et les producteurs de musique dans leur ensemble ne se contentent plus de menaces, ils passent désormais à l’action. L’IFPI (fédération internationale de l’industrie phonographique) a confirmé avoir lancé des poursuites en justice à l’encontre de 257 internautes issus du Canada, du Danemark, d’Allemagne et d’Italie. Ils sont accusés d’avoir échangé illégalement de la musique en ligne.
Pour le moment, la France est encore épargnée par la chasse aux pirates. Mais plus pour longtemps. « Nous avons décalé les poursuites judiciaires car nous attendions un cadre judiciaire stable », explique Hervé Rony, directeur général du Snep. Autrement dit, les producteurs attendent le vote de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LEN) « qui [leur] permettra notamment d’agir contre les fournisseurs d’accès afin d’impliquer leur responsabilité dans les affaires de téléchargements illégaux ». La LEN doit être votée début avril par les sénateurs. Le Snep aurait également voulu s’appuyer sur la loi sur les « droits d’auteurs et droits voisins dans la société de l’information » (voir édition du 13 novembre 2003) mais son vote ne se fera probablement pas avant 2005. « Nous n’attendrons pas jusque-là », prévient néanmoins Hervé Rony.
Un combat inévitable
Selon le Snep, la lutte contre l’échange de fichiers musicaux en ligne est désormais inévitable. Les ventes de disques seraient aujourd’hui en baisse de 30 %, contre 15 % environ sur l’année 2003. Sitôt la LEN votée, le Snep entend donc lancer une concertation avec les FAI « afin d’étudier des mécanismes de coopération », précise Hervé Rony. Ces mécanismes passeront notamment par des moyens de notifications auprès des internautes indélicats avec les droits d’auteur. En cas de refus de coopérer, le Snep lancera les procédures légales pour confronter l’internaute à la justice. Des procédures au pénal qui nécessitent en général entre 9 et 12 mois d’instruction et peuvent aboutir à la peine maximale de 2 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.
Ces plaintes seront précédées de campagnes pédagogiques en direction du grand public comme des entreprises pour rappeler les conséquences du non-respect des droits d’auteur. Plus de 50 % des utilisateurs de réseaux d’échanges auraient déjà conscience du caractère illicite de leurs actes, selon le syndicat du disque. Reste à savoir qui sera principalement visé : « les internautes qui échangent massivement essentiellement ». Mais Hervé Rony se refuse à préciser ce qu’il entend par « massivement ». « Il n’y aura pas de seuil », prévient le porte-parole du Snep, qui lancera des plaintes « par vagues » à la manière de la RIAA. D’autre part, aucun calendrier précis n’a été établi pour le lancement des premières plaintes, même si l’on sait que rien ne sera fait dans les jours qui suivent l’adoption de la LEN. Les internautes qui arrêteraient leurs échanges aujourd’hui ne devraient donc pas être inquiétés, l’industrie du disque semblant adopter la stratégie du flagrant délit.
Créer un cercle vertueux
Evidemment, « tous les internautes qui font du peer-to-peer ne vont pas arrêter », précise le directeur, « mais l’idée est de créer un cercle vertueux » susceptible d’entraîner les mélomanes vers les plates-formes commerciales de diffusion de musique en ligne qui ne manqueront pas de fleurir dans les prochaines années, voire les prochains mois (voir édition du 19 mars 2004). Hervé Rony rappelle que « poursuivre en justice [des amateurs de musique] n’est pas une décision facile à prendre, ce n’est pas notre métier ». Il estime à 2 ou 3 ans le temps nécessaire pour stabiliser la situation.
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