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La Cnil refuse la surveillance des échanges de fichiers musicaux

Contre toute attente, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés(Cnil) a rejeté la demande d’autorisation de mise en place d’un système de surveillance des échanges de fichiers musicaux sur les réseaux peer-to-peer, que réclamaient pourtant quatre sociétés de gestion des droits d’auteur* (voir édition du 22 juin 2005). Après une séance d’étude le 18 octobre dernier, l’instance a rendu l’information publique le 24 octobre.

Si la législation (loi du 6 janvier 1978 modifiée par la loi du 6 août 2004) autorise la mise en place de procédés de surveillance, essentiellement afin de relever les infractions au droit d’auteur, la Commission a buté sur les dispositifs de recherche et de constatation de mise à disposition d’oeuvres musicales proposés par l’industrie musicale.

Le dispositif prévoyait notamment l’envoi de messages électroniques d’avertissement aux internautes échangeurs par l’intermédiaire du fournisseur d’accès, seul acteur pouvant faire la liaison entre l’adresse IP de l’ordinateur visé et l’identité de l’internaute.

Incompatible avec la protection de la vie privée

« L’envoi de messages pédagogiques pour le compte de tiers ne fait pas partie des cas de figure où les fournisseurs d’accès à Internet sont autorisés à conserver les données de connexions des internautes », précise la Cnil qui ajoute que ce type de données doit être examiné sous le contrôle de l’autorité judiciaire, comme l’a pourtant rappelé le Conseil constitutionnel le 29 juillet 2004. D’autre part, la Commission a jugé que « les dispositifs présentés n’étaient pas proportionnés à la finalité poursuivie ». La Cnil craint notamment une « surveillance exhaustive et continue des réseaux d’échanges de fichiers peer to peer » dont l’objet pourrait dépasser le cadre de la lutte contre la contrefaçon.

Enfin, le manque de précision sur le seuil de tolérance du piratage, estimé par les seules sociétés d’ayants droit, plonge le dispositif dans un flou juridique inacceptable pour la Commission. « La sélection des internautes susceptibles de faire l’objet de poursuites pénales ou civiles s’effectue sur la base de seuils relatifs au nombre de fichiers mis à disposition qui sont déterminés uniquement par les sociétés d’auteurs et que celles-ci se réservent la possibilité de réviser unilatéralement à tout moment », souligne la Cnil. L’institution administrative reconnaît ainsi que le mode de surveillance, exigé par l’industrie musicale, est incompatible avec la protection des données personnelles et, donc, de la vie privée.

En attendant la solution préconisée par l’industrie du cinéma

C’est ce flou intentionnel et ce manque de précision sur la méthode de surveillance qui ont valu à ce projet d’être rejeté, alors qu’une demande de surveillance similaire par le Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisirs (SELL) avait été favorablement accueillie (voir édition du 12 avril 2005).

La décision de ce jour pourrait également remettre en cause l’accord passé en France entre les fournisseurs d’accès et l’industrie du cinéma, sur le principe d’une « riposte graduée », et qui doit être validée au niveau du gouvernement. Celle-ci consisterait notamment à alerter l’internaute par e-mail de ses usages illégaux du réseau.

* Société pour l’administration du Droit de Reproduction Mécanique (SDRM), la Société Civile des Producteurs Phonographiques (SCPP), la Société civile des Producteurs de Phonogrammes en France (SPPF) et la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique (Sacem)

DADVSI : vers la suppression de la rémunération au titre de la copie privée ?
Le renforcement des systèmes de protection pour interdire toute copie partir de supports numériques, prévu dans le cadre de la loi Droit d’auteur droit voisin dans la société de l’information (DADVSI), fait peser un danger sur les recettes réalisées au titre de la copie privée. En effet, s’il n’est plus possible de copier, l’instauration de la « taxe copie privée » à titre personnel ou familial visant à compenser le manque à gagner pour les artistes n’a plus lieu d’être. C’est du moins la logique qui anime deux sénateurs de la majorité UMP. Dans le cadre de la préparation du débat parlementaire sur la transposition de la directive DADVSI, Jean Dionis du Séjour et Pierre-Christophe Baguet ont, selon la Spedidam, proposé qu’un décret en Conseil d’Etat précise « les modalités des conditions de la disparition de la rémunération pour copie privée ». La suppression de la rémunération risque de priver le secteur culturel de dizaines de millions d’euros collectés annuellement (environ 40 millions en 2004).

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