La deuxième journée d’audiences en appel dans le procès Microsoft lui a semblé favorable, si bien que pour la première fois, certains observateurs doutent de la scission du géant de Redmond en deux entités distinctes. La veille, les sept juges de la cour d’appel du district de Columbia étaient apparus très au fait du dossier, maîtrisant les aspect techniques d’une affaire centrée sur le système d’exploitation Windows de Microsoft et Internet Explorer, le navigateur de la société de Bill Gates (voir édition du 27 février 2001). Les juges n’ont épargné ni Microsoft, ni le gouvernement par des questions qui n’ont pas toujours obtenu de réponse. Ce mardi, les débats devaient porter sur l’attitude du juge Jackson, le magistrat ayant traité le dossier en première instance et qui a condamné Microsoft à être démantelé. Microsoft avait demandé qu’une partie des audiences en appel lui soient consacrées, ce qui lui a été accordé (voir édition du 8 février 2001).
Quand des juges cuisinent un juge
Thomas Penfield Jackson n’a pas été épargné par ses confrères. En cause : les interviews accordées par le magistrat avant la fin du procès. Dans ses propos, publiés après le jugement, il compare Microsoft à un « gang de trafiquants de drogue » et l’arrogance de Bill Gates à celle d’un Napoléon. Livrant ses impressions sur le conseiller juridique du patron de Microsoft, il déclare même « Je ne crois pas qu’il soit très intelligent, ou en tout cas il n’a aucune subtilité. » Pire : le juge Jackson avoue qu’il manquait de preuves pour condamner Microsoft. Ainsi, tandis que les avocats de la société remettaient en cause son impartialité, les juges de la cour d’appel n’ont pas cherché à arrondir les angles. « C’est une violation du code de conduite », lançait le juge Harry Edwards, président de la cour, « tout le système deviendrait une mascarade si chaque juge se mettait à se comporter ainsi ».
Concernant l’attitude de Microsoft sur le marché des navigateurs Internet, le magistrat a aussi remis en question les conclusions rendues en première instance par le juge Jackson, jugeant qu’elles « manquaient de clarté ». David Sentelle, un des six autres juges, s’interrogeait alors : « Et s’il n’y a pas de compte-rendu approprié des faits (…) ne devrions-nous pas renvoyer cette question devant un juge pour réévaluer les faits ? » Un des avocats du ministère de la justice américain, faisant allusion à Netscape, soutenait que Microsoft avait cherché à « étrangler un concurrent naissant ». Lors de cette seconde et dernière journée d’audiences, les questions ont donc à nouveau porté sur l’intégration d’Internet Explorer dans Windows, mais aussi sur les pratiques de Microsoft sur le marché des systèmes d’exploitation. Les juges ne sont pas apparus très sensibles aux arguments avancés par les plaignants.
Et si la scission n’était pas la bonne solution ?
A l’issue de ces sept heures d’audiences en appel, les chances que Microsoft soit scindé en deux semblent se réduire. Ainsi le juge Douglas Ginsburg posait la question de savoir si, dans l’hypothèse où une branche séparée de Microsoft était dédiée aux systèmes d’exploitation, le risque ne serait pas qu’elle emploie les mêmes pratiques commerciales qu’avant la scission ? Différentes possibilités s’offrent à la cour d’appel. Elle peut ordonner que le jugement soit renvoyé en première instance devant un autre juge que Thomas Penfield Jackson, en annulant certaines dispositions du premier jugement. Elle peut tout aussi bien réexaminer elle-même les faits pour ensuite infirmer ou confirmer la scission. Il reste aussi la possibilité, peu probable, qu’elle annule purement et simplement la condamnation de Microsoft. Le jugement est attendu d’ici l’été prochain.
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