La Hadopi refuse d’être perçue comme le pire ratage
Avec son deuxième rapport annuel, la Hadopi a défendu son bilan sur la lutte antipiratage et le développement de l’offre légale. Mais il est désormais inutile de cacher les tensions avec le gouvernement.
La Hadopi a eu le nez fin de choisir la Maison de la Chimie à Paris pour présenter son deuxième rapport annuel.
Parce qu’on pourrait comparer l’autorité en charge de la lutte antipiratage et le gouvernement à des substances non miscibles (« qui ne se mélangent pas »).
Alors que la mission de concertation Lescure sur « l’acte II de l’exception culturelle » (la culture à l’ère numérique) a démarré officiellement fin septembre, la Présidente de la Hadopi a défendu le bilan de son institution.
« Il n’est pas possible de faire table rase de l’expérience acquise. Les avancées obtenues, comme les insuffisances et les faiblesses constatées paraissent clairement devoir nourrir le débat actuel pour permettre aux pouvoirs publics de prendre les dispositions qui s’imposent. »
Mais le ton n’est pas toujours aussi diplomatiques au regard des tensions permanentes liées au changement de majorité politique.
Et cela dépasse la question de la réduction du budget attribué à « l’institution dédiée à la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet » : 9 millions d’euros prévus dans le projet de loi des Finances 2013 (contre 11 millions programmés au cours de l’exercice précédent).
« Les attaques permanentes dont l’Hadopi a fait l’objet et qui confinent à un véritable délit de sale gueule, la méconnaissance le plus souvent volontaire de son travail et le dénigrement systématique de ses actions n’ont pas réussi à entamer la détermination de ses équipes », a déclaré sa présidente Marie-Françoise Marais sur un ton ferme.
La Hadopi a rappelé la « dimension pédagogique » de sa mission prévue par loi (déploiement de la réponse graduée via la Commission de protection des droits, développement de l’offre légale). « Aux grincheux, qui prétendent que la réponse graduée ne sert à rien, je répondrais que non seulement elle a des effets positifs, elle fonctionne, mais que l’objectif fixé par le législateur est parfaitement atteint. »
Tout en poursuivant : « Comme la CPD le souligne, ces déclarations attestent d’un changement de comportement de la part des abonnés ayant fait l’objet d’une procédure de réponse graduée.
La décision de transmission des dossiers par la CPD au procureur n’intervient que lorsque la phase pédagogique et le mécanisme d’avertissement n’ont pas empêché la réitération des faits.
Seule une très petite minorité (14 dossiers) entrent dans cette catégorie. »
Sur le front de « l’encouragement de l’offre légale », la Hadopi met en avant les initiatives prises « avec les moyens du bord » : développement du label « Hadopi PUR » (65 plateformes actuellement sont estampillées Promotion des Usages Responsables, tous secteurs culturels confondus : musique, vidéo, jeux vidéos, livres, photos, logiciel).
« Nous avons bon espoir de parvenir à 70 plateformes en fin d’année et une centaine à la fin de l’année prochaine (ce qui au regard des 150 à 200 plateformes existantes représente un nombre relativement satisfaisant) », peut-on lire dans le discours transmis en guise d’élément de presse.
Par ailleurs, quatre plateformes de crowdfunding (financement communautaire) ont sollicité et obtenu le label.
Dans les prochains chantiers, un blog PUR va être ouvert à la fin du mois et on envisage un système d’authentification unique (single sign on) pour faciliter les visites entre plateformes labellisées.
Sur la question des moyens de sécurisation, laHadopi devait publier « les spécifications fonctionnelles auxquelles doivent répondre les moyens de sécurisation qui pourraient être ensuite, au terme d’une procédure spécifique, labellisés ».
Mais la Hadopi sort son joker : « Après deux années d’études approfondies, concertées et réalisées sous différents angles avec la participation d’experts et du lab réseaux et techniques, le Collège de l’Hadopi a estimé que les problématiques liées à la sécurisation de l’accès internet s’inscrivaient dans une approche globale qui dépassait largement les limites des missions confiées à l’autorité et des moyens mis à sa disposition par le législateur pour y parvenir. »
Sur le volet de l’approfondissement des thématiques de l’Internet, la Présidente de la CPD Mireille Imbert Quaretta devrait prochainement remettre un rapport sur le streaming et le direct download.
Ce document devrait aborder « la question de la responsabilité des intermédiaires financiers ».
Bilan chiffré de la Hadopi en synthèse |
A travers la CPD, la Hadopi recense 1 244 847 premières recommandations, 110 574 deuxièmes recommandations et 362 « dossiers en troisième phase » (possibilité que le dossier soit transmis au Parquet). Sur le bilan des Labs rassemblant des experts pluridisciplinaires (technique, économique, juridique, sociologique et philosophique), on recense 287 membres inscrits, 51 réunions de travail, 13 rencontres publiques, 1081 ressources documentaires, 4 ouvrages publiés et 67 billets d’actualité. En septembre, un premier internaute a été condamné pour négligence caractérisée devant un tribunal. |
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