La loi sur l’économie numérique attise la colère des FAI

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La loi sur l’économie numérique a été adoptée par les députés en première lecture. Le projet donne au CSA un pouvoir de régulation d’Internet et renforce la responsabilité éditoriale des hébergeurs et fournisseurs d’accès notamment. Des dispositions qui attisent la colère des FAI qui se sentent pris en étau.

Les députés sont restés sourds aux critiques émises tant par les fournisseurs d’accès et les professionnels de la vente en ligne que par les associations d’utilisateurs comme Odebi (voir édition du 24 janvier 2003) et d’observateurs comme le Forum des droits de l’Internet (voir édition du 10 février 2003). La loi sur l’économie numérique (LEN) défendue par Nicole Fontaine, ministre déléguée à l’Industrie (voir édition du 16 janvier 2003), a été adoptée en première lecture à l’Assemblée dans la nuit du 26 au 27 février 2003.

Cette loi vise à donner au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) un pouvoir de régulation d’Internet en France. L’article Premier stipule qu’« on entend par communication publique en ligne toute communication audiovisuelle transmise sur demande individuelle formulée par un procédé de télécommunication ». Est-ce à dire qu’une page Web, même statique, est assimilée à de la « communication audiovisuelle » et, à ce titre, susceptible d’être régulé par le CSA? Si c’est le cas, nous souhaitons bon courage aux sages du Conseil pour contraindre les pages hébergées hors du territoire national à respecter d’éventuelles obligations. Et quelles seront-elles?

Responsabiliser le dénonciateur

Mais les conséquences de cet article seront peut-être minimes au regard des dispositions relatives à la responsabilité des prestataires techniques que sont les fournisseur d’accès (FAI), les hébergeurs, voire les opérateurs. Le projet de loi prévoit en effet d’engager la responsabilité éditoriale des hébergeurs et FAI dès qu’ils auront eu « connaissance effective du caractère illicite d’un contenu ». Dans ce cas, ils devront s’organiser « avec promptitude pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible ». Les hébergeurs ayant autre chose à faire qu’à lire tout le contenu qu’ils hébergent, le risque encouru est la fermeture totale d’un site dont seul un article pose un problème. Avec le risque que l’auteur du site se retourne à son tour contre son prestataire… ou bien aille se faire héberger à l’étranger. Malgré ces mesures propices aux abus et débordements (un constructeur pourrait tout à fait s’estimer diffamé par une mauvaise presse faite à l’un de ses produits, une personnalité ne supportant pas la critique ou la caricature pourra s’attaquer à des sites personnels, etc.), un droit de réponse sur Internet est instauré à l’image de celui qui a cours dans la presse. Une mesure déjà appliquée, dans les faits, par la presse en ligne.

Les députés ont cependant aménagé le texte afin de responsabiliser le « dénonciateur » qui pourra être sanctionné en cas d’abus. Seulement, la loi revue par les députés prévoit une « procédure facultative de notification » interdisant ainsi les dénonciations anonymes. Sauf que cette procédure est « facultative ». Les sénateurs auront à préciser ce cadre facultatif. Enfin, l’hébergeur aura pour obligation de vérifier l’identité de ses abonnés. Autant dire que la majorité des hébergeurs, notamment de « pages perso », sont aujourd’hui dans l’illégalité au regard de la future loi. On peut également s’interroger sur les moyens dont disposent les FAI pour vérifier la véracité des informations fournies par leurs abonnés.

Premier pays démocratique à filtrer Internet

Ces mesures attisent la colère des FAI. L’association des fournisseurs d’accès français (AFA) a ainsi décidé d’interpeller directement par voie de communiqué le ministre de la Justice, Dominique Perben, sur les conséquences que la loi risque de faire peser sur le fonctionnement même de la machine judiciaire. Tout en rappelant que « la France a apparemment pris la décision politique fondamentale d’être le premier pays démocratique au monde à filtrer Internet », l’AFA est convaincue que « le Ministère de la Justice, qui a nécessairement été étroitement associé à ce projet porté par le ministère de l’Industrie, s’est probablement d’ores et déjà attaché à définir : l’efficacité réelle de la mesure à faire cesser le trouble occasionné par un contenu hébergé hors de nos frontières; les impacts de cette mesure sur le fonctionnement de la Justice et sur la qualité de service offerte aux abonnés des fournisseurs d’accès à Internet ».

L’AFA, qui évoque notamment le problème du contrôle du peer-to-peer (voir notamment édition du 26 février 2003), rappelle « qu’aucune des technologies disponibles aujourd’hui ne permet d’empêcher efficacement l’accès aux contenus prohibés ». L’association demande donc au ministre de « rendre publiques ses prévisions sur l’efficacité d’une mesure de filtrage de l’accès à Internet, et de définir les actions pédagogiques qui seront menées auprès des internautes pour les dissuader de contourner les mesures de filtrage ordonnées par le juge ».

Nombre d’autres dispositions propres au Net sont concernées par la LEN. Soulignons notamment la libéralisation des codes de chiffrement (la limite des clés de cryptage à 128 bits vole en éclat) mais dont l’usage reste soumis à déclaration. Les engagements du cybercommerçant envers le client sont renforcés et l’interdiction du spam (courrier publicitaire non demandé) est confirmé. Le texte devrait passer devant le Senat au printemps pour une probable adoption avant l’été 2003.