Mais où est donc passée cette Magic Touch d’Apple ? La firme s’est constituée une Dream Team composée de personnages d’envergure, qui presque tous détonnent avec le reste de l’industrie pour leur façon de penser différemment (selon le slogan consacré) : Avie Tevanian, celui qui a su faire qu’Unix et grand public se rencontrent, Jon Rubinstein), le faiseur de compressions informatiques, Jonathan Ive, le patron de la haute couture électronique… Et pourtant, les commentaires les plus récurrents sur l’après-keynote soulignent une absence de surprise, déjà ressentie en juillet 2001. Apple aura-t-elle mal habitué ses observateurs ? Difficile à dire. Reste que la politique d’innovation de la Pomme semble s’être modifiée depuis 12 à 18 mois. Sans doute deux événements ont-ils imposé à la firme de se retenir : le ralentissement économique et la réorientation du marché de l’informatique d’une part, et l’échec du G4 Cube de l’autre. En effet, depuis la présentation de ce dernier à MacWorld New York en 2000 (voir édition du 19 juillet 2000), la firme n’a sorti aucun nouvel ordinateur de bureau, un seul portable et un baladeur MP3, innovant certes, mais qui n’était pas le premier sur le marché.
L’iMac G4, une réussite esthétique avant tout
Le Cube a en fait représenté une sorte d’impasse technologique et surtout marketing. L’iMac G4 apparaît presque comme une tentative de rattrapage. Autant dire le recyclage d’une bonne idée au bout de laquelle les équipes de conception n’étaient peut-être pas allées. Sur le plan technique, le nouvel iMac ne représente pas à proprement parler une prouesse : Apple avait déjà démontré sa capacité à enfermer autant de puces dans si peu d’espace. Non, la seule innovation tient finalement dans le design de l’objet ! Une belle synthèse des matériels les plus intégrés ! Là, il convient de tirer son chapeau à Apple : la firme a réussi où ses compétiteurs ont échoué. L’ordinateur tout-en-un à écran plat d’IBM, ou celui de Compaq, n’a jamais été aussi attirant et sympathique que cet iMac là pour le même prix. Prédisons lui sans plus attendre les plus grands succès !
Apple, de défricheur à suiveur ?
Mais se joue peut-être en sous-main une toute autre partie : Apple semble désirer passer de la place du leader de l’innovation à celle du challenger ! C’est-à-dire laisser aux autres le soin de faire les frais des tâtonnements initiaux. Sa nouvelle position, la firme semble la tenir depuis la sortie du G4 Titanium, encore appelé TiBook en janvier 2001 (voir édition du 10 janvier 2001). Il s’agit du premier ordinateur portable professionnel ultra-fin derrière… le VAIO de Sony. Plus sexy, beaucoup plus puissant pour un volume similaire, le TiBook utilise la voie royale ouverte par le japonais avec ses gammes de portables. Inutile d’épiloguer sur l’iBook Ice, qui n’est simplement que la refonte de la version multicolore précédente, dans un nouveau boîtier auquel ont été ajoutées quelques fonctions. Son succès n’est pas lié à la technologie, mais au marketing et à la vague créée par le TiBook. Phil Schiller le reconnaît lui-même, cité par nos confrères de MacCentral : « Lorsqu’ils sont interrogés sur leur iBook, nos utilisateurs disent ne rien vouloir lui changer » ! Normal, l’iBook Ice n’est autre que le résultat d’une étude de marché mondiale menée par Apple voilà près d’un an et demi. Même politique pour l’iPod : le marché du baladeur MP3 n’a pas été ouvert par Apple, mais par des start-up de la fin des années 90. La firme n’est entrée sur le marché que pour le rationaliser. Résultat : 125 000 iPod vendus en 60 jours. Un excellent score très similaire aux niveaux les plus récents de ventes des Mac grand public. Avec l’iPod, Apple se place dans la même position qu’IBM lors de la sortie du PC en 1981 ! En challenger de l’innovation ! Remarquez bien que la même stratégie s’applique aux logiciels : iTunes est l’amélioration d’un juke-box existant, iPhoto marche sur les pas de logiciels destinés aux PC ! Pour parachever l’ensemble, notez le soin apporté par Apple pour répondre aux demandes de modifications de Mac OS X envoyées par ses clients… La firme semble ne plus leur faire la sourde oreille ! Là encore, un savant dosage entre marketing et innovation…
Le « digital hub » au centre des préoccupations
Telle est peut-être la rançon à payer lorsque l’on veut, et Steve Jobs ne manque jamais une occasion de l’asséner, devenir le centre du « mode de vie numérique », le fameux « digital hub ». Il s’agit alors surtout de réunir des technologies existantes plutôt que d’en créer d’autres. Une légère modification de son cheminement intellectuel qui pourrait bien faire que la firme continue de ne plus étonner lors de la présentation de ses nouveaux produits, même si elle annonce à tue-tête une nouvelle révolution. Elle l’a fait avec l’iPod et le refait avec le nouvel iMac. Espérons toutefois qu’Apple évite de continuer à crier au loup et nous donne encore des émotions comme lorsqu’elle débarrassait l’iBook de ses fils… Le marché professionnel, qui a moins besoin de hub, ne pourrait-il pas servir de champ d’expérience ? Pourvu en tout cas, que la firme ne laisse pas trop souvent à Bill Gates le soin de détacher un écran plat de son socle pour commander un ordinateur à distance (voir édition du 7 janvier 2002). On aurait plutôt vu Steve Jobs dans ce rôle-là !
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