La recette musicale d’Apple mise à l’épreuve
Selon Apple, le véritable enjeu de la bataille de la musique en ligne concerne les revenus à tirer du baladeur numérique. Ses concurrents Napster et Musicmatch peuvent-ils s’en tirer ?
Interrogation de Steve Jobs lors de la conférence avec les analystes financiers la semaine dernière : comment les nouveaux compétiteurs vont-ils faire de l’argent sur un marché bâti d’emblée pour en perdre ? « Nous voudrions faire de l’argent avec l’iTunes Music Store. Nous en ferons peut-être un jour », a précisé Steve Jobs. Le problème soulevé par le chef de file d’Apple n’a rien à voir avec la technologie utilisée, mais avec le modèle économique retenu. Faites les comptes : les 17 millions de titres vendus par la firme depuis le lancement du magasin lui auront rapporté au mieux 170 000 dollars ! Selon Time Magazine, sur les 99 cents de chaque chanson vendue par l’échoppe en ligne, 65 % sont destinés aux ayants droit, tandis qu’Apple consomme les 25 % restants en frais de bande passante, stockage, encodage des titres, gestion… Reste, au mieux, 1 cent dans la poche du constructeur. Cela n’a pas empêché le Time Magazine de décerner à l’iTunes Music Store le titre d’« invention de l’année ». Si d’autres modèles de fonctionnement sont sans doute envisageables, la concurrence en reprend pour le moment le schéma à la lettre.
Pour les revenus, il faut donc tabler sur la vente de périphériques numériques. L’iPod pour Apple… Bien que Cupertino ne l’ait pas communiquée, la marge brute générée sur celui-ci atteindrait maintenant environ 35 %. Malgré l’arrivée de Dell et d’autres fabricants de baladeurs comme Gateway, Apple pourrait préserver ce niveau de marge tout en abaissant ses coûts et ses prix (voir édition du 26 octobre 2001). Pour l’instant, la firme bénéficie aussi bien de l’effet des ventes en volumes que de la baisse de prix des composants. Dell fonctionne sur le même modèle qu’Apple, mais en s’appuyant sur quelques partenaires, Musicmatch pour la partie logicielle (voir édition du 8 octobre 2003), ainsi qu’un constructeur taiwanais non identifié pour le lecteur numérique, le Dell Digital Jukebox (DJ). Ce DJ pourra-t-il se faire une place sur le marché de l’électronique grand public ? L’iPod, lui, s’est peu vendu sur le Net.
Mais Dell a déjà réussi à commercialiser son assistant personnel et des imprimantes via son site. Pourquoi pas le DJ ?
Le modèle Napster
L’autre concurrent de poids, c’est Napster (voir édition du 10 octobre 2003). Son modèle économique semble moins solide : il existe bien un baladeur réalisé avec Samsung, mais quid du partage de ses revenus ? Chris Gorog, le P-DG de Napster, n’y voit pas de problème : la firme propose également un modèle payant par abonnement, non pris en compte par Apple et qui, selon lui, doit également générer des bénéfices. Le modèle Napster s’avère quand même assez controversé : s’il repose sur une forte reconnaissance de la marque, il n’explique pas comment sera générée la marge, surtout quand les prix baisseront sous l’effet de la concurrence. Les seuls abonnements ne produiront pas de bénéfices aussi confortables que ceux que pourraient réaliser Dell ou Apple avec leurs lecteurs MP3. Chris Gorog semble toutefois confiant. Il s’est même permis de douter de la réalité des chiffres de téléchargements annoncés par la Pomme, auprès de nos confrères de Technewsworld. En fait, rien n’est vraiment joué, et rien ne se jouera aux Etats-Unis : c’est l’Europe qui départagera les locomotives de ce marché émergent. Les modèles les plus solides s’exporteront sans problèmes hors des Etats-Unis, tandis que les autres resteront sur le continent américain. A ce jeu-là, seuls Apple et Dell peuvent pour le moment tirer leur épingle du jeu…