Détection de la fraude, rétention client, analyse prédictive des ventes…Avec les enjeux du big data, comment distinguer la réalité du fantasme ?
Habilement « marketé » par les fournisseurs de services numériques, le concept d’analyse de données de masse reste encore nébuleux pour un grand nombre de décideurs économiques.
Le parterre d’entreprises pionnières réunies par Capgemini dans son Lab’innovation, ce jeudi 1er octobre, montre qu’il existe des bénéfices concrets avec de nouveaux modèles mathématiques et statistiques associés aux mégadonnées.
Le big data peut ainsi aider à la maintenance du chemin de fer. La SNCF utilise des drones pour surveiller ses voies ferrées et repérer les éventuels obstacles et notamment la végétation environnante qui pourrait envahir les rails.
Dotés d’intelligence artificielle, ces aéroplanes sont aussi capables de prendre des décisions grâce aux briques décisionnelles qu’a réussi à embarquer la start-up TellMePlus.
« Pendant le survol, un drone pourra prédire qu’un arbre tombera sur la voie d’ici un mois », avance Jean-Michel Cambot, P-DG de la jeune pousse et pionnier de la business intelligence avec Business Objects. « Il va s’arrêter, prendre des photos qu’il enverra aux équipes de maintenance pour intervention. »
Le flux de données est analysé en temps réel au sein même du drone et seules les images utiles sont transférées.
JCDecaux, dont le modèle économique est exclusivement basé sur la publicité qui appose sur le mobilier urbain, utilise le big data pour observer en temps la fréquentation d’un site physique.
Au nom du groupe de grande distribution britannique Tesco, le groupe français analyse l’historique des achats mais aussi les tickets de caisse ainsi que des données exogènes (météo, actualités…) pour pousser la bonne promotion au bon moment. Par exemple, la pub d’un pain de mie à 9h00, celle d’une bière à 18h00.
Il s’agit aussi d’adapter le contenu à une audience donnée. Dans les aéroports, JCDecaux ne propose pas la même affiche pour promouvoir « La Petite Robe Noire », le parfum de Guerlain. La langue change en fonction de l’avion qui atterrit. Sachant qu’il y aura potentiellement plus de Chinois sur un vol en provenance de Shanghai.
Directeur général stratégie, études & marketing, Albert Asseraf se dit en revanche très prudent sur la reconnaissance faciale. En revanche, il est acheteur des services d’analyse des flux de population que les opérateurs télécoms commencent à commercialiser.
Le service Flux Vision d’Orange Business Services doit ainsi permettre de segmenter la population sur une zone de chalandise ou un lieu de passage (gare, aéroport) par âge, sexe et catégorie socio-professionnelle.
Les données seront recueillies à partir de la carte SIM de leurs abonnés mobiles tout en restant anonymisées.
JCDecaux va être, lui-même, fournisseur de données en équipant les abribus et autres mobiliers urbains de micro-relais.
JCDecaux utilise aussi le big data pour le parc de Velib’ dont il est le gestionnaire.
Avec 20 000 vélos pour 300 000 abonnés, tout l’enjeu consiste à ce qu’il y ait suffisamment de vélos, ou inversement des places libres pour les raccrocher, dans chaque station parisienne.
La régulation naturelle, à savoir les déplacements opérés par les utilisateurs, porte sur 90 % du trafic.
Les 10 % restants, ce sont les camions JCDecaux qui vont l’assurer en déplaçant les bicyclettes. Leurs trajets sont optimisés en fonction de l’état en temps des stations mais aussi de la circulation. JCDecaux travaille sur la possibilité d’afficher d’un taux de prédictibilité à ses abonnés. En vous rendant à telle station, vous saurez que vous avez 96 % de chances de pouvoir retirer un Velib’.
La fraude au remboursement des soins est une plaie pour les mutuelles.
« Ce sont des millions d’euros qui dorment sachant que nous n’avons que 75 % de chances de récupérer les sommes en jeu », déplore Thierry Leleu, Directeur des systèmes d’information et du plan du groupe La Mutuelle Générale qui assure près de 1,5 million de personnes en santé et en prévoyance.
Faisant de ce chantier une priorité, la mutuelle, qui va prochainement fusionner avec Malakoff Médéric, a recruté des data scientists et a mis au point un modèle lui permettant de déceler les cas de fraude et de les bloquer en analysant en temps réel les demandes de remboursement.
Pour Thierry Leleu, « on quitte le monde conventionnel de la business intelligence pour faire converger les données structurées ou non dans de lacs de données. »
La Mutuelle Générale se sert aussi du big data pour réduire le taux d’attrition de ses assurés en anticipant les signes avant-coureurs d’une résiliation.
Des alertes remontent au chargé de compte directement dans l’outil de gestion des contenus (CRM).
La plateforme de réservation aérienne Amadeus fait, elle, du big data depuis longtemps gérant des milliards de combinaisons entre les vols, les dates ou les disponibilités.
Pour servir ses clients (agences de voyage, aéroports, avionneurs), elle a même créé une business unit dédiée : Amadeus Travel Intelligence
Pour Nicolas Borel, son chief operating officer, il s’agit notamment d’aider les agences de voyages à augmenter leurs ventes en ligne. « En croisant les informations de navigation web via les cookies, les traqueurs avec nos modèles de voyageurs, on améliore la pertinence du contenu poussé. »
Amadeus propose aussi Master Pricer une solution de recherche de tarifs les plus bas en essayant d’éviter les impairs en fonction du profil. « Il est inutile de proposer la dernière promotion d’un vol économique à un voyageur d’affaires. »
Le fournisseur s’apprête, enfin, à apporter le big data aux centres de commande des opérations des aéroports. « Que l’avion soit en retard ou en avance, c’est le même drame pour un aéroport qui doit synchroniser les équipes au sol, entre la passerelle et la livraison des bagages. »
Or, entre l’aéroport d’arrivée, celui de départ et l’avion, tout ce petit monde ne se parle pas. Ce que propose de faire Amadeus.
Sur un vol retardé, 25 passagers sont en correspondance. Est-ce que je leur propose une connexion plus tard ou une nuit d’hôtel ? Idem pour le personnel navigant en rotation. Les opérateurs auront différents scenarii à leur disposition.
Dans un second temps, Amadeus souhaiterait aussi prévenir les passagers à bord afin d’éviter les crises de nerf aux guichets une fois sur la terre ferme.
Responsable de l’offre insights & data chez Capgemini France, Valérie Perhirin a présenté d’autres cas d’usage dans le domaine de la distribution.
Comment une grande surface peut anticiper le manque de pots de Nutella dans ses rayons sachant que les consommateurs fidèles à la marque n’achèteront pas d’autres pâtes à tartiner.
« Il ne reste que 3 pots, c’est un jeudi soir, il pleut. Le big data va alerter le magasinier pour qu’il fasse un réapprovisionnement. Le système intègre aussi les données des tickets de caisse, pour prendre en compte ce qui a été réellement vendu. »
Dernier exemple, celui d’une enseigne de prêt-à-porter qui propose des collections très courtes avec des lignes différents de vêtement tous les deux mois et demi. Une véritable prise de risque, d’autant qu’elle les fabrique.
Pour prendre le pouls de la mode, cette enseigne demande son avis à ses ambassadeurs sur les réseaux. Elle va analyser le nombre de likes sur France et les commentaires laissées pour rectifier le tir le cas échéant.
C’est la cinquième marque la plus likée en France, avance Capgemini sans préciser le nom du client dans le prêt-à-porter.
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