L’Administration électronique, un traitement de surface ?
C’est au tour du gouvernement Raffarin de présenter sa vision de l’Administration électronique, qui se démarque peu de celle du précédent gouvernement. Au programme : toujours plus de téléprocédures. Mais qu’en est-il de l’amélioration du back-office ?
En France, la naissance de l’Administration électronique date du discours prononcé à Hourtin à la fin de l’été 1997 par le Premier ministre d’alors, Lionel Jospin, présentant le Pagsi (programme d’action gouvernemental pour la société de l’information). Aujourd’hui, il revient au méconnu secrétaire d’Etat à la Réforme de l’Etat, Henri Plagnol, de présenter la feuille de route de l’actuel gouvernement dans ce domaine pour les cinq années à venir. C’est le cadre des 7èmes rencontres d’Autrans qui a été choisi pour en présenter les grandes lignes. Elles reprennent les conclusions d’un rapport réalisé par un consultant en nouvelles technologies, Pierre de la Coste, intitulé « L’Hyper République : bâtir l’Administration en réseau autour du citoyen ».
Problèmes culturels
De fait, ce rapport n’apporte pas une vision renouvelée de l’Administration électronique. D’ailleurs, la première initiative concrète présentée par le secrétaire d’Etat est la création d’une Agence pour l’Administration électronique, laquelle ne fait que remplacer l’Atica, Agence pour les technologies de l’information et de la communication, créée en août 2001 par le gouvernement Jospin. Cette nouvelle structure se verra toutefois confier des pouvoirs accrus par rapport à son prédécesseur : ses préconisations devront être appliquées à la lettre alors que l’Atica n’avait qu’un rôle consultatif. Pour le reste, il s’agit en substance de poursuivre le travail commencé, c’est-à-dire la dématérialisation de la relation du grand public et des entreprises avec les administrations par la mise en place de téléprocédures. L’accent sera mis sur la gestion du changement devant accompagner, en interne, toute mise en place d’une nouvelle téléprocédure. La lettre de mission du secrétaire d’Etat demandait en effet de préciser quels sont les blocages techniques, juridiques et sociologiques auxquels se heurte le déploiement de l’Administration électronique. Dès le premier paragraphe, l’auteur répondait : « Les seuls problèmes posés par l’Administration électronique sont presque uniquement de nature sociologique, voire culturelle. »
C’est l’occasion de remettre sur le tapis l’éternelle question de la nécessaire réforme des structures, forcément impopulaire parmi les fonctionnaires, comme condition sine qua non à une efficacité accrue de l’Administration. En effet, quels bénéfices les téléprocédures apportent-elles si elles se réduisent à une interface, conviviale certes, mais que le traitement des données télétransmises n’est lui pas ou peu performant ? A l’évidence, l’Administration électronique doit concerner tant le front-office que le back-office.
A ce sujet, vient de paraître une étude menée par IDS Scheer, spécialiste du BPM (Business Process Modeling ou gestion des processus métier), réalisée auprès du gouvernement fédéral allemand et de seize l{nder, visant à déterminer si la mise en place de services administratifs en ligne s’accompagne d’une réingénierie (remise à plat, refonte, amélioration…) des processus de traitement les soutenant. Bien évidemment, elle montre que tel n’est pas le cas bien que la majorité des hauts fonctionnaires interrogés soit consciente de la nécessité de ce travail préalable sur les processus. Gageons que l’Administration française ne doit pas être mieux lotie que son homologue allemande.
Une réflexion stratégique pour les entreprises
A noter que toutes les entreprises, et pas seulement l’Administration, sont confrontées à des problématiques de cet ordre dès lors qu’elles cherchent à dématérialiser la relation à leurs écosystème, clients et fournisseurs, dans le cadre de leur stratégie e-business par exemple. Or, peu à peu, elles prennent conscience qu’elles doivent engager une réflexion stratégique visant à repenser les processus ayant vocation à être ouverts sur l’extérieur. Sans cela, elles ne peuvent poursuivre la mise en place de leur stratégie e-business.
Bien évidemment, le rapport de la Coste ne dit pas un mot sur ces sujets. Il est vrai que refondre les processus est un chantier de longue haleine, fort coûteux. Mais s’il n’est pas mené, tous les efforts réalisés par ailleurs dans le cadre de l’Administration électronique, de même que les investissements consentis, risquent de n’être que de peu d’effet.