Vnunet : Microsoft s’apprête à mettre en place le MPA, un système de protection logiciel basé sur le principe d’une clé d’activation. Qu’en pensez-vous ?
Anne Ricaud : Techniquement, je ne connais pas le détail de ce système. Je ne m’exprimerai donc pas sur les points forts ou faibles du MPA. Mais le principe d’un système de protection n’est pas nouveau, que ce soit de manière hardware (usage d’un dongle) ou software (activation d’une clé logique). De nombreux autres éditeurs de logiciels professionnels, comme Autodesk par exemple, utilisent un système similaire, dans lequel l’activation du logiciel se fait directement auprès de l’éditeur, par téléphone ou e-mail, ou indirectement via le réseau de revendeurs. On a souvent reproché aux éditeurs d’être piratés parce qu’ils ne protégeaient pas leurs produits. Donc, dans le principe, la BSA cautionne toute initiative, notamment technologique, qui consiste à valider l’utilisation licite d’un logiciel. Ce type de protection était jusqu’à présent largement utilisé sur des logiciels applicatifs : par exemple en PAO, CAO ou multimédia. Nous considérons comme très positif le fait qu’il s’étende également à d’autres logiciels, comme ceux de Microsoft.
V : Oui mais, Microsoft ne propose pas de véritable maîtrise de l’installation des produits marqués du MPA. Dans ce cadre, à quoi sert une telle protection ?
AR : Les équipes de Microsoft sont plus à même que la BSA pour expliquer le fonctionnement du MPA. Indépendamment de la technique, le MPA a au moins le mérite d’informer clairement des droits d’utilisation de la licence liée au logiciel. Informer et sensibiliser contre le crime qu’est devenu le piratage avec ses réseaux très organisés, c’est également la démarche de la BSA. Cependant, nous faisons la distinction entre les pirates « conscients et actifs » et les pirates « à leur insu ». Il arrive, par exemple, que des directeurs de petites entreprises ignorent la composition exacte de leur parc informatique, simplement parce qu’ils ne maîtrisent pas toutes les installations sauvages. Cela n’enlève en rien, au nom de l’entreprise, leur responsabilité aux yeux de la loi. Et c’est à nous de le leur rappeler de façon à ce qu’ils auditent régulièrement leur parc informatique et effectuent les nettoyages nécessaires. Pour notre part, la politique de sensibilisation a fait ses preuves. Maintenant, il est vrai qu’il restera toujours des professionnels de la contrefaçon et du piratage qui se moquent bien de notre message et contre lesquels nous ne pouvons lutter qu’avec l’aide des autorités.
V : Le grand public, en revanche, risque également de ne pas se préoccuper de ces mesures.
AR : L’action de la BSA est axée sur la lutte contre le piratage dans le monde professionnel. Cependant, l’évolution de la perception du grand public concernant le piratage nous sera utile également. Tant que le grand public trouvera « amusant » de pirater (que ce soit des logiciels ou des fichiers musicaux), ces pratiques continueront. Mais cette mentalité est en train d’évoluer, grâce à la communication récemment renforcée autour des dangers du piratage.
V : Ne craignez-vous pas que, fatigué par l’accumulation des systèmes de protection, l’utilisateur se tourne vers le monde du logiciel libre, sous Linux notamment ?
AR : La réponse que je vais vous donner n’est pas celle de la BSA que je représente en tant que porte-parole des éditeurs membres, mais est tirée de l’expérience d’Autodesk, l’éditeur pour lequel je travaille. Le développement de logiciels professionnels requiert des investissements conséquents et réguliers en R&D : acquisition de technologies et recrutement d’ingénieurs de haut niveau. Par ailleurs, nos logiciels doivent faire l’objet d’évolutions et être supportés techniquement de façon fiable et continue. Ces investissements et ce support ne peuvent être gratuits, ni du côté de l’éditeur, ni du coté de l’utilisateur. Je pense qu’une entreprise souhaite avant tout ne pas avoir de problème avec son système informatique, qui est un seulement un outil de travail au service de son activité principale. Disposer de logiciels performants et reconnus et assurer la continuité de son investissement sont donc des besoins majeurs des entreprises. Les éditeurs de logiciels professionnels sont en mesure de répondre à ces besoins. Pour ces raisons, je ne pense pas que l’entreprise se détourne du modèle de licence propriétaire utilisé par tous les grands éditeurs professionnels.
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