« Si la technologie numérique est aujourd’hui capable d’égaler le 35 mm, elle est toujours en pleine évolution et n’a pas encore atteint la phase de stabilisation qui permettrait de développer industriellement les équipements », constatait la Commission supérieure technique de l’image et du son (CST) en novembre 2000. Il semblerait que la technologie numérique appliquée au cinéma est aujourd’hui suffisamment stabilisée pour envisager son exploitation dans le cadre de diffusions en salles. Aux Etats-Unis, l’exploitant Landmark Theatres va ainsi équiper la totalité de ses 177 salles (53 cinémas répartis sur 13 Etats américains) en plates-formes numériques de projection.
Le format d’encodage du film choisi dans le cadre de cette solution « tout numérique » n’est autre que le Windows Media 9 Series (WMV9Series) de Microsoft. Rappelons que ce format offre, à qualité quasiment égale, un meilleur taux de compression que le MPEG-2 utilisé pour les DVD. Là où le format DVD nécessite un débit de 19 Mbits/s pour un film en 720/24p (720 x 480 pixels par image à raison de 24 images par seconde), WMV9Series ne réclame que 5 à 8 Mbits/s selon la qualité recherchée. A titre d’exemple, le film d’Allan Slutsky, Standing in the shadows of Motown, récemment projeté à Paris sur un écran de 8 mètres de base, occupe un espace de 7 Go environ pour une durée de 1 h 50 min (soit un débit de lecture de 8,4 Mbits/s dont 440 Kbits pour le son) en 1 280 x 720. La projection se faisant par l’intermédiaire d’un projecteur DLP (Digital Light Processing) relié à un ordinateur industriel. Celui employé dans le cadre de cette projection était équipé d’un Athlon 2800+, d’une solution nVidia pour la carte graphique et d’une carte audio 5.1 professionnelle Layla. Rappelons que le WM9Series gère aussi le son 7.1.
Des considérations économiques
C’est une nécessité économique qui pousse l’exploitant à passer au tout-numérique. « Nous programmons plus de 250 films par an et leur succès dépend plus des conditions du marché que de leur valeur artistique », estime Bert Manzari, vice-président de Landmark. Le choix du tout-numérique permettrait donc à cet exploitant indépendant de réaliser des économies substantielles et, surtout, d’optimiser l’organisation de ses projections. Fini, en effet, les onéreux frais d’édition et de transport des copies des films celluloïd (entre 1 200 et 2 200 euros par copie). Le fichier du film peut être transféré sur DVD, voire sur CD-Rom, ou directement par un réseau haut débit, ce qui permet de multiplier les opportunités de programmation. Le numérique permet également de choisir la version sonore à n’importe quelle séance comme avec les DVD de salon. Enfin, contrairement au support celluloïd, le format numérique ne s’use pas et la qualité reste la même quelle que soit le nombre de projections.
Surtout, il est l’aboutissement d’une chaîne de traitement qui passe par la capture des images à l’aide de caméras numériques (encore peu fréquentes dans les faits mais en voie de démocratisation) puis par la post-production – aujourd’hui quasiment systématiquement en numérique – et enfin la projection. Dans ce schéma, le support physique chimique (la pellicule) peut commencer à compter ses jours, même si, pour des questions de conservation, il pourrait perdurer encore longtemps.
Standard ou multitude de formats ?
Il reste que, pour l’heure, il ne s’agit que d’une annonce. Le passage du celluloïd vers le tout-numérique doit avoir lieu « d’ici la fin de l’année », selon le communiqué. Il est d’ailleurs étonnant que Landmark choisisse d’appliquer la solution numérique à toutes ses salles, au risque (minimisé par la possibilité de conserver l’infrastructure en place) d’imposer à ses spectateurs d’essuyer les plâtres… D’autant que le choix du format de Microsoft ne répond pas (encore) à un standard de l’industrie du cinéma. Ira-t-on vers une multitude de formats cinématographiques numériques comme avec les formats de vidéo pour le Web ? Microsoft, pour sa part, n’attend pas que l’industrie s’accorde pour « favoriser le développement du cinéma numérique », selon Xavier Bringue, chef des produits Media Player chez Microsoft France. En étant le premier à proposer des solutions techniques et commerciales fiables – et qui plus est sécurisées grâce aux technologies de gestion de droits – Microsoft prend, une fois de plus, un avantage certain dans l’établissement de ce standard potentiel.
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