Le CSA veut contrôler les images et les sons du Net
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel vient de mettre en ligne ses remarques, remises au gouvernement le 9 mai dernier, sur le projet de Loi sur la société de l’information (LSI) prévue pour 2002. Globalement, le CSA souhaite renforcer son contrôle sur les sites Web, notamment en instaurant un dépôt légal et un droit de regard sur leur contenu. Un avis que ne partage par l’association IRIS qui veut « moins de CSA ».
Parmi les nombreux organismes consultatifs susceptibles d’émettre un avis sur le projet de loi sur la société de l’information (LSI), le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) vient de mettre en ligne le sien. Rendues au gouvernement le 9 mai, ses observations portent essentiellement sur le régime juridique des « services de communication en ligne » (autrement dit les sites Web), sur la responsabilité des opérateurs, sur la publicité en ligne et sur les réseaux de diffusion, notamment à travers le rôle des collectivités locales. Et particulièrement sur l’article 9 du projet de loi, traitant du dépôt légal. Bien que conscient « des difficultés juridiques et pratiques », le Conseil est « favorable au principe de l’extension du champ d’application du dépôt légal aux contenus des services de communication en ligne ». Ainsi, pour le CSA, les sites, y compris la moindre page personnelle, doivent être déclarés auprès d’un organisme dépositaire comme, par exemple, la BNF et le ministère de l’Intérieur pour les éditeurs de périodiques. Difficile de rendre effective une telle mesure sans interdire les sites personnels.
Concernant la définition de la communication en ligne, le CSA relève certaines ambiguïtés de l’article 11 et souhaite « que soit précisée la catégorie de services dans laquelle entrent les services en ligne mettant à disposition du public des images ou des sons », quel qu’en soit le contenu (comme une reprise d’émissions précédemment diffusées à la télévision ou la radio) et les modes de diffusion (streaming, téléchargement, etc.). Cela afin essentiellement de pouvoir exercer un droit de regard, voire de contrôle, sur les sites qui « mettent à disposition des images ou des sons » (soit la quasi-totalité). Un droit motivé par un souci de la protection de l’enfance et du respect de la dignité de la personne. Une revendication qui va à l’encontre des remarques de l’association IRIS (Imaginons un réseau Internet Solidaire) qui souhaite « moins de CSA » et invite le gouvernement « à préciser plus clairement ses intentions réelles ».
Diffamation et droit de réponse
L’exercice du droit de réponse fait aussi l’objet de critiques de la part de l’instance supérieure. Elle estime légitime que « le délai pour demander un droit de réponse sur un service de communication en ligne soit de trois mois à compter de la cessation de la mise à disposition du message ». Or, celui-ci pouvant rester à vie sur un serveur, le délai devient infiniment extensible. Ce qui amène le CSA à faire remarquer qu’un récent arrêt de la Cour de cassation a assimilé Internet à un support de presse pour le délai de prescription en matière de diffamation (voir édition du 21 mars 2001), soit trois mois après la date de publication. Le CSA, comme IRIS, suggère une mise en cohérence entre les délais applicables en matière de diffamation et de droit de réponse, sans pour autant avancer de solution.
« Une régression en matière de service public »
Enfin, concernant le rôle des collectivités face aux architectures de communication, le CSA se montre pleinement favorable à l’article 30. Celui-ci prévoit d’autoriser les collectivités locales à « créer des infrastructures destinées à supporter les réseaux de télécommunications », notamment ceux destinés à distribuer des services de communication. Pour IRIS, qui regrette l’aspect « fourre-tout » et bâclé de cette partie du projet de loi, l’article 30 limite « le contrôle démocratique des investissements publics » et constitue de fait une « régression en matière de service public ». Sans compter les gâchis constatés dans les années 80 et 90 que des dispositions similaires avaient générés dans le cadre du « plan câble ».
Le projet de loi doit encore recueillir les avis du Conseil d’Etat, de l’ART (Autorité de régulation des télécommunications), de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) et de la CSSPPT (Commission supérieure du service public des postes et télécommunications) avant d’être examiné en conseil des ministres qui l’enverra au Parlement. L’adoption de la loi est toujours programmée au 17 janvier 2002.
Pour en savoir plus :
* La synthèse de la consultation publique
* Le dossier d’IRIS sur la LSILire aussi :Le projet de ‘loi Internet’ signé par Christian Pierret