Le gratuit reste payant
L’éditeur canadien OmniMark cède depuis six mois gratuitement la licence de son langage de programmation destiné à la création d’applications réseau. Un retournement de situation pour une société qui auparavant facturait 10 000 dollars minimum son application. Le modèle Linux commence à faire des émules.
Comment réussir à prendre des parts de marché dans un domaine ultra concurrentiel avec un produit dont la valeur technique a été démontrée depuis longtemps mais dont le coût reste trop important pour s’adresser au plus grand nombre ? C’est à peu près la question que se sont posés les dirigeants de la société canadienne Omnimark, créée en 1986 et spécialisée dans les langages de programmation pour le développement d’applications réseau et de sites internet. Forte de 1 500 grands comptes utilisant déjà sa technologie, dont le Wall Street Journal pour son édition en ligne ou le Parlement Européen, OmniMark a trouvé dans la gratuité une manière d’accélérer sa croissance. Leader dans la sphère SGML, mais ne représentant qu’une partie infime de l’ensemble du marché des langages de programmation Web (largement dominé par ASP et JAVA), OmniMark ne fait plus payer la licence pour utiliser son langage depuis peu. Cela peut sembler paradoxal pour un éditeur qui autrefois facturait ses licences 10 000 dollars et qui aujourd’hui les cède gratuitement. Reste que ce changement radical de cap a porté ses fruits et a littéralement « boosté » son portefeuille de clients. Et par conséquent, à terme, son chiffre d’affaires.
Mais il ne faut pas se leurrer, Omnimark n’est pas subitement devenue philanthrope. Ce qu’elle perd d’une main sur la vente de licences, OmniMark le récupère de l’autre avec des services à haute valeur ajoutée facturés à ses clients. Moyennant finance, l’éditeur canadien met en effet à disposition des développeurs des bibliothèques de routines et de programmes ainsi qu’un service de support technique. Baptisé OMDN Pro (OmniMark Developper Network), cet abonnement est facturé 1595 euros par développeur et permet à OmniMark de continuer à générer du chiffre d’affaires au quotidien. Autre façon pour l’éditeur de faire rentrer de l’argent, l’organisation de séminaire pour les programmeurs, qui devront chacun débourser près de 7 000 francs pour trois jours. Enfin OmniMark vend des applications de gestion de flux de données fonctionnant dans les environnements créés avec son langage.
Il semble que le succès du modèle de distribution de Linux ne soit pas étranger à la décision d’OmniMark de changer complètement son business model. En effet, de plus en plus d’entreprises sont tentées de faire confiance à des solutions alternatives et pas forcément payantes pour leurs systèmes informatiques, quitte à investir par la suite plus d’argent que précédemment dans les services qui s’y rattachent (administration, maintenance, développement). Sun a par exemple racheté la Suite bureautique Star Office, de l’éditeur allemand Star Division, pour la mettre en libre téléchargement sur son site (voir édition du 1er septembre). Corel, éditeur bien connu de logiciels aussi importants, et chers, que Corel Draw, donne lui aussi dans le logiciel gratuit ou a très bas prix avec par exemple sa propre distribution Linux et sa suite Wordperfect. Même les gros constructeurs de PC commencent à s’y mettre à l’image de Hewlett Packard ou de Compaq qui proposent depuis quelques temps déjà leurs serveurs avec Linux en lieu et place de Windows NT comme système d’exploitation. De quoi faire de l’ombre à Windows 2000, qui lui ne sera pas gratuit et qui risque de souffrir de la dégradation de l’image des produits Microsoft auprès des prescripteurs et des utilisateurs en entreprise.
En effet, de plus en plus d’utilisateurs ne voient pas l’intérêt de payer pour des solutions techniques alors qu’il existe des alternatives gratuites et plus performantes. Quand bien même cela entraîne des investissements supérieurs en ressources humaines, s’engager avec des solutions basées sur les logiciels ou des langages libres ne fait plus peur aux dirigeants d’entreprises. Coté éditeurs, la gratuité de leurs produits d’appels leur permet non seulement de se faire connaître mais surtout de s’assurer des revenus à l’avenir en proposant toute une gamme de produit et de services s’y rattachant. Pour illustrer cette tendance, Caldera propose actuellement une distribution Linux destinées au entreprises et assortie de 4 heures d’assistance technique fournie par une jeune start-up française nommée Alcôve. Et c’est là que la gratuité de Linux s’arrête, cette offre coûtant quand même près de 4500 francs HT…
Pour en savoir plus :