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Le mariage du contenu et du contenant, une fausse bonne idée ?

La démission de Steve Case de la présidence d’AOL-Time Warner, intervenant quelques mois après celle de Jean-Marie Messier de la tête de Vivendi Universal, semble discréditer un peu plus encore la stratégie de mariage entre contenu et réseaux de diffusion, censée assurer à Time Warner, comme à Vivendi Universal, les premiers rôles sur le marché émergent des médias interactifs. Pour simple qu’elle soit, cette stratégie n’a jusqu’à présent pas très bien marché.

Si AOL était présenté, lors de l’annonce de la fusion avec Time Warner, comme le joyau de la couronne, c’est aujourd’hui le qualificatif de boulet qui lui convient le mieux. AOL, bien que numéro 1 mondial de l’accès à Internet, connaît en effet depuis quelques mois de graves difficultés financières. A cela, plusieurs raisons : la chute de l’ordre de 50 % de ses ressources publicitaires, consécutive à l’éclatement de la bulle Internet (beaucoup d’annonceurs potentiels ayant fait faillite), mais également la difficile conversion de ses abonnés à son offre d’accès haut débit. En outre, plusieurs enquêtes ont été ouvertes sur les pratiques comptables de la société, ternissant l’image du groupe.

Un expert du marketing

Les difficultés actuelles n’étaient-elles pas, au moins en partie, prévisibles dès l’époque de la fusion ? AOL était certes une brillante start-up, réussissant en quelques années à se tailler la première place mondiale dans l’accès à Internet ; mais c’était également une entreprise devant affronter à brève échéance une rupture technologique majeure, celle de l’accès haut débit, pour laquelle elle avait peu d’atouts. Un des intérêts de la fusion avec Time Warner était d’ailleurs d’apporter des réseaux câblés, sauf que c’est plutôt l’ADSL qui remporte l’adhésion des internautes. Lesquels ont tendance, au moins aux Etats-Unis, à se fournir auprès de leur opérateur téléphonique local plutôt qu’à un revendeur.

Finalement, la « valeur » d’AOL – ce qu’il apportait concrètement à Time Warner – était son fichier d’abonnés et son savoir-faire en matière de gestion des clients. Car, avant d’être un fournisseur d’accès, AOL est d’abord un expert du marketing direct. C’était alors le triomphe de l’économie de l’immatériel puisque c’est essentiellement cette compétence qui lui permettait, il y a trois ans, de mettre la main sur un gigantesque conglomérat comme Time Warner, riche d’actifs prestigieux dans le cinéma, la télévision, la presse écrite… Mais à l’heure du haut débit, ce savoir-faire d’AOL n’est plus suffisant face à la concurrence. Quant à la synergie entre contenu et contenant, elle est encore virtuelle, en tout cas trop peu visible pour convaincre les abonnés de rester fidèles à AOL. Capitaliser sur les actifs de Time Warner en créant des contenus exclusifs pour ses abonnés a d’ailleurs été présenté il y a peu, en décembre 2002, comme un axe majeur de développement en 2003.

La stratégie Microsoft

Enfin, AOL Time Warner doit affronter sur son terrain une concurrence accrue, en provenance de Microsoft notamment, qui compte bien utiliser son quasi-monopole sur les systèmes d’exploitation pour PC afin de s’imposer dans les services en ligne. C’est l’objectif de Passport qui, intégré dans Windows XP, permet aux internautes de stocker toutes les informations les concernant- leur identité numérique, en somme – de façon à ne pas avoir à les ressaisir à chaque fois qu’ils souhaitent accéder à des services en ligne. Mais ce faisant, ils sont « fichés » par Microsoft qui envisage de commercialiser ces données personnelles auprès de fournisseurs de services, bien évidemment en fonction de règles définies par l’internaute.

C’est une stratégie différente de celle de AOL Time Warner qui vise le contrôle de toute la chaîne de valeur, du contenu à l’utilisateur final. Reste à savoir laquelle sera gagnante. Dans les deux cas, l’enjeu est bien de contrôler la relation au client final. C’est en tout cas un AOL-Time Warner affaibli qui mène cette bataille.

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