Le Parlement européen se saisit de l’ACTA
Le traité international anti-contrefaçon ACTA génère une forte opposition en Europe. Le Parlement européen va commencer à examiner le texte dès le 1er mars, mais la survie de ce traité parait très compromise dans l’Union européenne.
Un traité commercial dans l’intérêt de l’Europe, ou un texte anti-démocratique ?
Le texte a commencé à être préparé dès 2006. Le Parlement européen avait demandé à être impliqué dans les négociations dès 2008, mais en vain.
Les députés européens devront donc maintenant décider d’accepter ou de refuser le texte final dans sa totalité, sans possibilité d’en modifier les passages les plus controversés.
Pourtant, le principe de base de l’ACTA peut sembler légitime. Il veut mieux défendre les brevets et la propriété intellectuelle au niveau international, et lutter contre le commerce de produits contrefaits.
Ces échanges illicites auraient représenté 200 milliards de dollars en 2005 (en excluant les contrefaçons digitales, difficile à valoriser) selon le Parlement européen.
Un commerce illégal qui deviendrait très difficile dès lors que ces produits transitent par un pays signataire.
Ainsi, les AOC françaises, les brevets européens, les marques (dont celles du luxe français) ou les produits culturels occidentaux seraient mieux protégés si l’ACTA prenait effet.
Mais les opposants au texte se sont saisis de plusieurs clauses du traité qui pourraient selon eux conduire à fortement limiter les libertés sur Internet et l’accès aux médicaments génériques dans les pays en voie de développement, comme ceux utilisés pour lutter contre le virus du SIDA.
Mais ces critiques seraient, selon le journaliste juridique spécialisé dans l’IT Timothy B. Lee de Ars Technica, largement basées sur les premières versions du texte.
Initialement, l’ACTA prévoyait la généralisation du système Hadopi à tous les signataires, le filtrage du téléchargement illégal par les FAI, le pouvoir de faire supprimer des fichiers du Net sans contrôle judiciaire pour les entreprises culturelles, etc… Beaucoup de ces provisions ont été supprimées, d’autres rendues optionnelles.
Le contrôle des produits contrefaits à la douane ne s’applique plus aux bagages des passagers, ni aux brevets et informations confidentielles (ce qui exclut de fait les médicaments génériques et autres tablettes multi-touch).
Le texte a donc été fortement allégé en réaction aux oppositions publiques, et se contenterait désormais de reprendre la plupart des lois américaines (dont certaines provisions controversées de la DMCA) et européennes, les harmonisant vers la protection maximale accordée par chaque régime.
Une analyse partagée par la Commission européenne, qui a publié une liste de 10 mythes sur l’ACTA (dit ACAC en français).
Mais Timothy B. Lee reste fermement opposé au traité.
Il souligne que dès lors que l’ACTA sera en vigueur, toute diminution de la protection des propriétés intellectuelles dans un pays signataire serait pratiquement impossible.
Et l’adhésion à l’ACTA des pays émergents pourrait être imposée par les pays occidentaux, en échange d’avantages commerciaux.
La cristallisation de l’opposition repose finalement sur le manque de démocratie et de légitimité dans l’élaboration de ce texte, qui aurait pourtant de profondes implications sur les lois nationales.
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