Alors que l’économie américaine paraît être sur la voie du renouveau, avec une croissance au troisième trimestre du produit intérieur brut (PIB) de 7,2 % en rythme annuel – la plus forte croissance depuis près de 20 ans – les patrons de l’industrie informatique américaine n’en finissent pas de broyer du noir (voir édition du 22 septembre 2003). Leurs inquiétudes ne portent pas sur les perspectives immédiates des entreprises dont ils ont la charge, lesquelles dominent incontestablement le secteur high-tech, mais sur une possible perte de la prééminence américaine en la matière au profit de nations telles que l’Inde ou la Chine. Le dernier en date à jouer ainsi les Cassandre n’est autre que Sam Palmisano, le patron du premier groupe informatique mondial, IBM. Son inquiétude ne concerne pas uniquement le secteur informatique mais porte plus généralement sur la capacité d’innovation des Etats-Unis, tous secteurs confondus. Cela est dû, semble-t-il, à une certaine carence du système éducatif américain, qui peine à produire en nombre suffisant des techniciens qualifiés. Joignant le geste à la parole, IBM va investir 200 millions de dollars afin de renforcer la compétence de 100 000 salariés d’IBM. Des emplois qui, sinon, auraient été créés hors des Etats-Unis dans des pays comme l’Inde, la Corée du Sud et la Chine.
Dégager un consensus
On estime en effet à 500 000 le nombre d’emplois qui ont ainsi été délocalisés hors des Etats-Unis ces deux dernières années, moins dans le but de réaliser des économies que pour aller chercher les talents dans les pays où ils se trouvent. Et fort logiquement, la production du savoir scientifique, dont les Etats-Unis détiennent actuellement le monopole, va migrer vers ces pays qui en tireront bien évidemment les dividendes en termes de croissance économique. Selon Sam Palmisano, dont les propos tenus lors de la réunion annuelle du Conseil de la compétitivité (Council on Competitiveness) ont été recueillis par le magazine Forbes.com, ces pays « répliquent rapidement les avantages structurels qui historiquement ont fait des Etats-Unis le centre de l’innovation ». Au titre de ces avantages structurels figurent, comme on l’a dit, une politique active d’éducation de la population dans les disciplines scientifiques clés comme l’informatique ou les biotechnologies, mais également le déploiement d’infrastructures de télécommunications modernes ou encore un cadre réglementaire plus souple qu’en Occident. Sur ce dernier point, Sam Palmisano a quelque peu stigmatisé de récentes dispositions prises par le Congrès américain après l’effondrement de la bulle Internet et les divers scandales financiers qui ont suivi, visant à réguler l’économie américaine. Selon lui, elles définissent un environnement défavorable à l’innovation. Dans ce contexte, que convient-il de faire ? C’est pour répondre à cette question que, outre l’effort de formation des salariés d’IBM, Sam Palmisano va personnellement superviser, sous l’égide du Conseil de la compétitivité, la rédaction d’un rapport, avec l’objectif de faire émerger un consensus entre les divers acteurs concernés : pouvoirs publics, entreprises privées, salariés et universités. Ses conclusions sont attendues d’ici un an à un an et demi.
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