Le temps des attaques semble passé (du moins pour le moment), voici donc venir celui des réactions. La peur quasi hystérique qu’ont provoqué ces affaires (voir édition du 9 février 2000) a largement dépassé le Landerneau informatique, témoignant de l’intérêt que portent les politiques comme les économistes au cyber monde et à la nouvelle économie. Commençons par les politiques et en particulier l’administration Clinton. Bien qu’en fin de mandat, celle-ci déborde de projets pour sécuriser l’Internet. Un réunion devrait avoir lieu la semaine prochaine entre le président Clinton et des experts en sécurité informatique ainsi que des responsables de l’industrie informatique. Un plan d’urgence devrait être mis en place, aidé d’une enveloppe budgétaire de 2 milliards de dollars pour sécuriser le système informatique américain dans son ensemble. D’ores et déjà, le ministère de la Défense procède à un audit de toutes ses machines afin de vérifier qu’aucune n’a servi aux attaques. Autre réaction politique, celle de l’Union Européenne. Le sommet qui réunira les quinze membres de l’UE, et qui doit se tenir le mois prochain à Lisbonne, devait se focaliser sur les implications d’Internet sur l’emploi. Mais les questions de sécurité risquent de prendre le pas sur ces sujets… En attendant cette échéance, la Commission Européenne a fait savoir par son porte-parole Per Haugaard, qu’elle « comptait accélérer le développement de la collaboration entre les états membres de l’UE et les Etats Unis pour combattre la cyber criminalité ». Néanmoins, la commission constate que « la nature de ces crimes réclame un entraînement spécial et une coordination des forces de l’ordre », sous entendant donc que ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Autre domaine de prise de becs, le chiffrage du coût de ces attaques. Bien qu’aucun dommage n’ai été occasionné aux sites, le montant des neuf tentatives de blocage recensées se chiffrerait en centaine de millions de dollars. Outre le manque à gagner qu’a provoqué la fermeture forcée de ces sites, chiffré entre 100 et 200 millions de dollars, c’est surtout les mouvements massifs de ventes de titres technologiques sur les bourses mondiales qui ont provoqué un véritable cataclysme financier. D’après le Yankee Group, une firme de consultants spécialisée dans les nouvelles technologies, c’est près d’un milliard de dollars de capitalisation boursière qui s’est évaporé lors de la seule journée de mercredi. De plus, ces analystes constatent que l’euphorie des spéculateurs ces derniers mois autour des valeurs Internet risque fort de connaître un sérieux coup d’arrêt. Dernier point soulevé par ces analystes, la mise à niveau en terme de protection pourrait coûter 200 millions de dollars (plus de 1,2 milliard de francs !) aux entreprises, en particulier aux fournisseurs d’accès Internet. Une manne providentielle pour les spécialistes de la sécurité informatique, qui avaient été les premiers à réagir à la vague des denial-of-service attacks.
Dernière vague de réactions, celles de la communauté des hackers et d’autres personnes qui ne sont ni affiliées aux gouvernements ni aux entreprises. Du coté des pirates historiques, la réprobation est totale contre les auteurs des attaques. Les magazines 2 600 et Hacker News Network accusent les scripts kiddies, un nouveau type de jeunes pirates qui, sans être des experts de la programmation, possèdent assez de connaissances informatiques pour utiliser des outils comme ceux employés lors des attaques.
Autre type de point de vue, la théorie du complot étatique. Dans l’optique de faire passer des dispositions législatives afin de mieux contrôler l’Internet, c’est le gouvernement américain lui même qui aurait lancé ces attaques. Pour Jim Warren, un avocat spécialisé dans les affaires concernant le la préservation de la vie privée, « c’est une coïncidence extraordinaire qu’immédiatement après que l’administration Clinton ait déclaré la guerre au cyber terrorisme?on assiste à une succession d’attaques du type denial-of-service contre les ténors de l’Internet ». Et le même Jim Warren de comparer la situation actuelle à celle qui a mené Richard Nixon à lancer l’opération Watergate. Si désormais l’informatique rejoint la politique fiction, on est pas au bout de nos surprises?
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