Les dessous de la lutte Dell/Apple
La firme texane ne fait pas seulement dans la philanthropie : alors que le reste de l’économie s’écroule, le marché de l’éducation américain est le seul où les ventes d’ordinateurs progressent. La raison ? Un programme d’investissements de l’Etat américain. L’actuelle lutte entre Apple et Dell doit être envisagée à la lumière des financements consentis : presque 6 milliards de dollars depuis 1996 !
Le vif intérêt de Dell pour le marché de l’éducation américain a de quoi désarçonner : la firme texane, qui ne représentait même pas 8 % des ventes en 1996, en détient désormais 33,3 % ! Comparativement, la part des ventes d’Apple est passée de presque 53 % à moins de 21 ! En termes de parts de marché, Apple reste en tête, détenant 28 % des machines de bureau et 35 % des portables tandis que Dell est parvenu au seuil de 14 % sur ces deux segments, devant les autres fabricants de PC. La lutte à couteaux tirés que se livrent les deux constructeurs d’ordinateurs met en émoi les éducateurs, certains contribuables américains, ainsi que les aficionados de la marque à la Pomme. Mais pourquoi donc Dell fait-il les yeux doux à ce secteur, traditionnellement considéré comme déshérité ? Si d’énormes efforts ont bien été consentis par Apple depuis des années avec la mise en place de programmes de recherche ou de séquences d’évaluation des technologies à l’école, on ne peut pas dire la même chose des autres grands constructeurs. Pourtant, d’après le groupe de recherche Gartner Dataquest, Dell l’emporte sur Apple depuis dix trimestres en termes de ventes à ce secteur.
Outre les opportunités de marges élevées – initiées par son modèle productif – que le constructeur texan peut tirer du marché des écoles, un énorme programme d’investissements intitulé « E-Rate » a été consenti par le gouvernement fédéral américain depuis 1996. Le déclenchement de ces subventions a vu le financement d’investissements dédiés à l’accès à Internet et à de nouveaux matériels pour un montant de 5,8 milliards de dollars (6,38 milliards d’euros). « Les livraisons à l’éducation sont phénoménales », a expliqué David Daoud, un spécialiste de la firme de recherche IDC à nos confrères du San Francisco Chronicle. « Dans l’industrie du PC, les ventes ont baissé considérablement, tandis que dans l’éducation, les livraisons ont augmenté de manière substantielle. Il y a encore de l’argent dans ce domaine ». Selon Howard Levin, le responsable des technologies de l’Urban School de San Francisco, les raisons du regain d’intérêt des constructeurs informatiques sont évidentes : « Nous devenons d’un coup d’énormes acheteurs d’ordinateurs, alors qu’il y a quelques années, nous ne représentions rien. » Cette transformation du marché explique l’attirance de Dell et les efforts très importants consentis par Apple pour redorer son blason auprès des écoles. S’il fallait encore s’en convaincre, Steve Jobs s’est déplacé en personne à l’occasion de la réunion annuelle du comté de Henrico, qui a vu le plus gros achat d’ordinateurs de l’histoire avec 23 000 iBook en mai dernier (voir édition du 2 mai 2001) ! Le marché de l’éducation reste donc une des principales sources de revenus d’Apple.