Les enjeux du cluster de PowerMac G5
Derrière l’exploit technique du cluster de G5 se cachent des enjeux bien plus profonds. La multiplication de ces grappes d’ordinateurs pourrait bien donner du fil à retordre aux traditionnels superordinateurs.
Un cluster de PowerMac G5 : l’idée peut sembler saugrenue, comme le montrent les premières réactions sur la Toile : « Pourquoi utiliser un ordinateur qui n’a encore aucun vécu ? L’université de Virginie ne pouvait-elle pas attendre un Xserve G5 ? » En fait, l’université où le cluster a été conçu compte quelques spécialistes du domaine : son doyen, Hassan Aref, auparavant responsable scientifique du centre de superordinateurs de San Diego, ou encore le docteur Danesh Tafti, spécialiste du calcul de la dynamique des fluides sur superordinateurs. Le cluster doit tourner sur une version bêta de Mac OS X, dont les spécificités n’ont pas été dévoilées. Mais l’université a également développé en interne quelques applications pour tirer parti de la formidable puissance de calcul des 1 100 G5. Mise en route programmée avant le premier octobre 2003 ! Il ne s’agit pas du premier cluster de Mac : avant l’université de Virginie, la Nasa (voir édition du 19 novembre 2002) mais aussi le projet AppleSeed (voir édition du 30 janvier 2001) ont expérimenté le procédé, avec d’excellents résultats. Apple commercialise pour sa part une version pour cluster de son Xserve (voir édition du 19 mars 2003).
Démocratiser les calculs scientifiques
Virginia Tech compte utiliser sa puissance de calcul dans les domaines suivants : nano-électronique, chimie quantique, calculs de chimie, aérodynamique et maquettes de molécules de protéines. Mais ces 1 100 noeuds de G5 ouvrent également une nouvelle voie de l’informatique, la démocratisation des calculs scientifiques. « Nous pensons que la mise en opération pour une longue période, en mode stable et soutenu d’un cluster de cette taille est unique. Cela nous permettra de réaliser des calculs qui ont été difficiles à obtenir sur d’autres clusters et d’atteindre un nouveau niveau de recherche », a précisé Hassan Aref à nos confrères de Technewsworld. L’exemple (voire l’expérience, compte tenu du risque pris par l’institution) de Virginia Tech marque un pas décisif dans les calculs massifs, qui pourraient passer ainsi des mainframes à des configurations obtenues en interconnectant de simples stations de travail. Une technique encore appelées grid computing, dont on attend qu’elle réduise le coût des configurations requises. Apple n’est pas la seule sur le créneau : Dell la devance dans ce domaine et d’autres sociétés s’y engouffrent.
Mais d’autres enjeux d’importance sous-tendent le projet de cluster : il doit faire reconnaître la compétence de l’université dans le petit univers des superordinateurs et asseoir sa réputation dans celui des calculs massifs, un domaine de recherche en pleine expansion. Le cluster de PowerMac G5 permet ainsi d’attirer la fine fleur des étudiants en informatique, d’obtenir de nouvelles subventions dans le domaine des calculs scientifiques et de vendre sa puissance de calcul aux entreprises. Les 1 100 G5, leur connectique et leur installation ne représentent que 5 % du budget total de l’université alloué à la recherche (estimé à 170 millions de dollars en 2000). Enfin, le superordinateur peut servir de levier et encourager le développement d’un réseau de fibre optique de haute capacité, un backbone, grâce auquel l’Université de Virginie se reliera au DTF (Distributed Terascale Facility), le réseau de calcul distribué de la National Science Foundation (NSF). Car jusqu’alors, faute de moyens de calculs justifiant l’implantation de réseaux de fibre optique, le raccord des installations de recherche de la Virginie à ce réseau n’avait pas été décidé. Pour Virginia Tech, l’installation du cluster de G5 relève donc presque de l’aménagement du territoire américain : avec cette capacité de calcul (la deuxième ou troisième du globe), l’Etat suscitera l’intérêt du réseau DTF. « La mise en place d’une infrastructure optique pour la recherche et l’enseignement dans le sud (des Etats-Unis, Ndlr) créera les opportunités pour un développement économique », précise Earving Blythe, le vice-président des technologies de l’Information de l’Institut Polytechnique de l’Université. Pour toutes ces raisons, on comprend bien que ni l’université, ni Apple ne pouvaient attendre le remaniement du Xserve !