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Les fournisseurs d’accès dressent leur bilan 2002

« En 2002, on constate la démocratisation de l’accès Internet. » Le constat que dresse François Xavier Hussherr de Médiamétrie à l’occasion du bilan annuel de l’association des fournisseurs d’accès français (AFA) est plutôt réjouissant. En un an, le nombre de foyers connectés a progressé de 20 % et le haut débit (ADSL et câble) a explosé avec une croissance de 112 %. Et, toujours selon Médiamétrie qui établit son rapport sur la base de 9 000 entretiens de visu et 24 000 interviews téléphoniques, le choix du fournisseur d’accès (FAI) ne repose plus seulement sur le tarif mais d’abord sur la qualité des débits réels et la fiabilité de la connexion. Ainsi, 74 % des internautes n’ont pas l’intention de changer de fournisseur en 2003. Bref, les FAI entrent dans une phase de consolidation et – comme le faisait justement remarquer Rafi Kouyoumdjian, président de Tiscali (voir édition du 4 février 2003) – de bataille des parts de marché.

Mais l’avenir n’est pas forcément radieux pour autant. Car pour élargir ses parts de marché, il faut séduire le client. Lequel, une fois satisfait par la qualité des services, exige des efforts sur les tarifs. Et, selon l’AFA, ceux-ci dépendent des évolutions de la législation et des conditions de concurrence dans le cas de l’ADSL. Si quelques acteurs comme Free, 9Online ou encore NetPratique et Oreka se démarquent par des prix attractifs, la majorité des FAI se positionne sur l’offre France Télécom/Wanadoo à 45 euros les 512 Kbits/s et mise sur de nouveaux services (l’ADSL bas débit à 128 Kbits/s, notamment). Il est donc peu probable de voir, en 2003, une baisse significative des tarifs de l’ADSL. En revanche, les débits devraient augmenter. « C’est la nature même des nouvelles technologies que d’offrir plus de puissance à tarif égal », explique Jean-Michel Soulier, président de l’AFA, qui ajoute que « les amortissements du réseau vont permettre de débloquer les capacités ». L’ADSL à 1 024 Kbits/s au prix du 512 Kbits/s ? Pourquoi pas. Free l’a déjà annoncé et le met en oeuvre sur certaines branches de son réseau (voir édition du 26 novembre 2002) et Club-Internet a récemment baissé ses tarifs (voir édition du 28 février 2003). Quant au WiFi, perçu au début comme un « Internet gratuit », l’AFA le voit désormais comme un complément des offres haut débit.

Réforme du Service Universel

Les tarifs du bas débit pourraient également connaître des ajustements… si la réforme du financement du Service Universel (SU, une taxe qui entretient un service public minimum comme les numéros d’urgence) se poursuit. Basé sur les minutes de communication, le SU lèse les connexions Internet et donc les opérateurs Internet (on reste en ligne plus longtemps sur Internet qu’au téléphone). L’AFA préconise donc un mode de calcul sur le chiffre d’affaires de l’opérateur et non plus sur le nombre de minutes écoulées. Proposition retenue dans le cadre de la loi sur l’économie numérique (LEN) récemment votée par les députés (voir édition du 28 février 2003) et qui devrait être validée en juin au Sénat. L’enjeu de la réforme du SU concerne surtout les forfaits Internet illimité que proposent Tiscali, AOL, 9Online et Cario. Un forfait auquel souscrivent les internautes des zones rurales qui n’ont pas accès à l’ADSL et se voient actuellement doublement pénalisés.

La LEN n’a cependant pas que des points positifs. Et, en introduisant des mesures de protection, la loi fait surgir le spectre de la surveillance à outrance et de la censure. Sur ces points, la position des FAI est claire : « Notre intérêt n’est pas de surveiller les abonnés et de juger leur comportement », rappelle Jean-Michel Soulier, « mais nous avons l’obligation légale de nous soumettre à la décision d’un juge et de fournir, sur sa demande, les adresses IP qui vont permettre d’identifier les internautes. » Indépendamment de la LEN, ce principe de fonctionnement permet de lutter contre les échanges illégaux et les contenus explicitement interdits (appel à la haine raciale, pédophilie…). Quant au risque de censure induit par la LEN (qui permettra à l’ayant droit ou autre personne morale d’exiger la suppression d’un contenu en ligne sans passer par un juge), l’AFA adopte une attitude attentiste. « Le texte est encore mouvant », estime son président, « on partira des pratiques pour voir ce qui se passe et on s’appuiera sur une jurisprudence éventuelle. » Une chose est certaine, les FAI « ne veulent pas mettre en place des choses qui ne peuvent pas fonctionner ».

Filtrage : quelle solution technique ?

Une attitude que les fournisseurs d’accès appliquent notamment sur la question du filtrage des contenus, comme le réclament certains comme l’industrie musicale. « De par l’architecture décentralisée du réseau, le filtrage peut difficilement fonctionner », rappelle Jean-Michel Soulier, « ce n’est donc pas la bonne solution. Mais si la loi l’impose, nous estimerons nécessaire de faire réaliser une étude de faisabilité sur la solution technique à appliquer. » Pour l’AFA, il est plus simple de s’attaquer au mal (le criminel qui met illégalement du contenu en ligne) qu’au symptôme (le logiciel qui permet d’accéder à ce contenu). L’AFA insiste aussi sur la pédagogie et l’information qui font leurs preuves du côté des éditeurs de logiciels et que n’emploie pas assez l’industrie culturelle.

Autre point d’achoppement, le contrôle de l’Internet français par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). L’AFA semble s’en tenir aux propos de Claudie Haigneré, ministre déléguée à la Recherche et aux Nouvelles Technologies, qui estime qu’une communication audiovisuelle ne saurait être assimilée à un service audiovisuel. Il n’empêche que la LEN prévoit le contraire. « Trop de régulation tue la régulation », ne peut que constater Jean-Michel Soulier.

Malgré la LEN, « qui ne répond pas aux attentes des FAI » selon Jean-Michel Soulier, l’AFA et ses membres s’en tiennent à leur politique de prévention et de lutte à l’échelle internationale contre la piraterie et les contenus illégaux. Une politique qui, au fil des mois, semble porter ses fruits. Nombre de sites racistes rédigés en français ont notamment disparu alors qu’ils étaient pourtant hébergés aux Etats-Unis où ils sont censés être protégés par le droit à la liberté d’expression. Des résultats qui n’ont, semble-t-il, que peu de valeur aux yeux des auteurs de la LEN et des députés.

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