Le retour de Guy Tribble au sein d’Apple est symptomatique : la communauté des *nixiens – ainsi que s’interpellent les spécialistes des différents systèmes Unix – s’intéresse de plus en plus au système d’exploitation de la firme, même s’il n’est que partiellement ouvert. Guy Tribble ? Les spécialistes d’Unix et de ses dérivés comme Linux le connaissent : il est une figure emblématique des technologies liées à l’utilisation d’une interface à ligne de commande. Dernièrement, il a tenu le poste de vice-président de l’ingénierie à Eazel Incorporated où il cherchait à atteindre le Graal des fanatiques d’Unix : le développement d’une interface graphique utilisateur, de logiciels et de services pour les utilisateurs de Linux. Eazel a disparu en mai 2001, n’ayant pas réussi à procéder à un nouveau tour de table financier pour terminer son projet Nautilus. Guy Tribble s’y entendait bien, puisque lui et ses compères fondateurs étaient issus d’Apple. Avadis Tevanian, qui a travaillé avec Tribble au sein de NeXT, dit de lui qu’il est « l’un des meilleurs experts en conception et en programmation orientée objet ». En fait, il est même reconnu comme l’expert mondial des objets distribués sur l’Internet. C’est lui qui en a été l’un des artisans chez Sun, reconnu comme l’expert de ces technologies. L’expertise de Tribble le met en bonne position pour faire d’Apple un prestataire de services s’appuyant sur les technologies Java désormais implantées directement au coeur de Mac OS.
Mais Tribble n’est pas le seul fanatique des technologies Unix à s’intéresser à Apple : les *nixiens s’intéressent de très près à ce qui se fait dans les laboratoires de Cupertino. Certains d’entre eux ont carrément lâché leurs projets libres pour entrer dans les murs de l’Infinite Loop. C’est le cas de Jordan Hubbard, une autre figure mythique du monde Unix, entré chez Apple en juin 2001 (voir édition du 27 juin 2001).
Aqua, l’attracteur universel…
Jordan Hubbard est l’équivalent de Linus Torvalds, le créateur de Linux, mais côté FreeBSD, une version libre de l’Unix de l’université de Berkeley. Pour de nombreux experts, FreeBSD est un meilleur Unix que Linux. Comme ce dernier, il est utilisé ou a été utilisé par certains sites Web tel celui de Yahoo. Mais ces considérations ajoutent aux polémiques techniques qui séparent déjà le monde des *nix. Meilleur Unix ou pas, les *nixiens seront seuls juges. Pour Hubbard, toutefois, la quête du rapprochement de l’interface graphique et d’Unix s’est arrêtée en mai 2001 quand, après avoir vu Mac OS X, il a décidé de se faire embaucher par Apple. « J’ai dit ‘Alleluia’. Voici ce que j’attends depuis vingt ans ! Je n’avais jamais pensé travailler pour Apple auparavant et maintenant je demandais comment il fallait faire pour être embauché. » Dans les locaux de la firme à Cupertino, il est tout à son affaire. « Je voulais venir ici. Je leur ai demandé », a-t-il indiqué à nos confrères du New York Times. Ce qui a plu à Hubbard ? L’élégance de la solution trouvée par les équipes d’Apple, mêler en même temps la possibilité de faire tourner les vieilles applications Mac OS sans qu’elles soient retouchées ou en profitant de certaines des nouvelles technologies du nouveau système, l’intégration d’un noyau Unix, dérivé de FreeBSD, le tout sous une interface capable de réaliser des rendus qui n’ont aucun équivalent sur le marché des systèmes d’exploitation. Même les meilleures interfaces graphiques sous Linux, KDE et Gnome, paraissent mal dégrossies face à Aqua !
Des logiciels incontournables
Pour Jordan Hubbard, la cause est entendue : OS X est un Linux… en mieux ! Il s’agit d’un pont entre les logiciels libres et les applications commerciales. Et de s’en expliquer : « Il n’y aura jamais de version de Photoshop pour Linux. Celle destinée à Mac OS X est bien sur les rails. La suite Office ne sera elle non plus jamais portée sur le système de Torvalds. Office v.X est déjà considéré comme la meilleure suite Office que Microsoft ait jamais sorti de ses ateliers. » Dans le même temps, toutes les applications Unix tournent dans Mac OS X, qui répond en partie aux demandes d’ouverture de la communauté *nix. Son coeur, Darwin, est ouvert et bien ouvert. Les efforts d’Apple dans ce domaine sont louables, de l’avis même des programmeurs. Seule l’interface, que la firme a travaillée de fond en comble, est propriétaire. Un sacrilège pour un certain nombre des partisans du libre, mais un mal nécessaire pour la plupart des *nixiens qui avouent que ce rapprochement était une gageure. Cela ne les empêche pas d’avoir accès à presque toutes les ressources habituelles qu’ils trouvent dans FreeBSD. Et Hubbard promet d’étendre encore les capacités du système.
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